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Espace conçu pour les Démocrates de tous bords.

Réseau des Démocrates

Dialogue des civilisations ou choc des ignorances ?

Contribution


Abdelhak Bererhi

Par Abdelhak Bérerhi*

 
Dialogue des civilisations, dialogue interreligieux par opposition au fameux choc des civilisations prédit par Samuel Huntington, où en est-on au juste ? Une vague de populisme sans précédent a déferlé sur la scène politique du Vieux Continent, avec une Europe refusant d’admettre son épuisement démographique et la réalité d’une immigration extra-européenne aux effets bénéfiques certains. Une immigration qui inspire un rejet et, d’ores et déjà, une impossible intégration (intégration qui fut pourtant concrétisée avec l’immigration européenne). La religion, l’Islam en l’occurrence, est présentée comme l’épouvantail à faire prévaloir, un épouvantail qu’on associe aux débats sur les menaces contre la laïcité !

 

Les effets contreproductifs d’un tel populisme, sur le consensus européen Schengen ou, plus gravement, sur le non à l’Europe, en sont les éléments les plus saillants. Sans parler de l’exacerbation des violences sociales et des extrémismes religieux qu’un tel ostracisme peut engendrer ou renforcer. Débat identitaire en France, puis débat sur la laïcité et l’Islam (et seulement l’Islam), avec la polémique et la levée de boucliers qu’ils ont suscitées. Montée en puissance du Front national en France, émergence de mouvements et de partis d’extrême droite un peu partout en Europe, notamment en Scandinavie. Apparition d’un discours ethnique, voire raciste et islamophobe en Allemagne, avec un ouvrage édité à près d’un million et demi d’exemplaires, du social-démocrate Thilo Sarrazin (l’Allemagne s’autodétruit), mettant en garde contre la disparition de la race allemande dans quelques décennies, si l’immigration n’était pas jugulée ! Alors que ce même pays a délivré des centaines de visas «spéciaux» à des informaticiens indiens, compte tenu de la pénurie en la matière, le vieillissement de la population active aidant. L’immigration devient un mal funeste qu’il faut combattre par tous les moyens ! On en oublie les effets bénéfiques et enrichissants dans tous les domaines et notamment, pour ne citer que celui-là, celui de sa participation à la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Sans parler aujourd’hui du rôle de l’immigration dans le renforcement non négligeable du PIB dans les pays d’accueil. Un fait en apparence anodin est à relever. En France, selon Médiapart, la politique des quotas qui serait préconisée par certains responsables du football français, pour réduire l’accès des Noirs et des Arabes aux centres de formation des clubs. Tout en s’en défendant, il a été cependant affirmé que la bi-nationalité posait problème, dans la mesure où beaucoup de jeunes formés dans ces centres choisissent d’évoluer dans l’équipe nationale de leur pays d’origine ! Mais, quelles que soient les conséquences des enquêtes officielles engagées, d’une certaine manière le problème de l’immigration en Europe et ailleurs est posé. On «oublie», au passage, la Coupe du monde de football de 1998 et la victoire des «Blacks, Blancs, Beurs». Comme on «oublie» tous les milliers de jeunes diplômés africains et maghrébins qu’on «pompe» à la fin de leur cursus universitaire, diplômés qu’on retrouve en grand nombre, aussi bien en Europe que dans les pays d’Amérique. Après l’échec de «l’intégration», la politique de «l’immigration choisie» trouve son compte dans la mesure où les pays occidentaux récupèrent des cadres et des universitaires fin prêts, les meilleurs, sans avoir eu à débourser le moindre centime pour leur éducation et leur formation. Pour récupérer les meilleurs, on va jusqu'à «inspirer » dans ces pays des réformes du système de formation universitaire, avec l’appât de l’équivalence des diplômes ! L’ère d’un nouveau colonialisme n’est-elle pas en train de voir le jour et de se mettre progressivement en place ? Après la politique «géostratégique» où seul a prévalu l’intérêt de domination politique et économique, avec le devoir d’ingérence transformé en droit d’ingérence pour la démocratie (après l’Afghanistan, l’Irak, puis maintenant la Côte d’Ivoire, la Libye et pourquoi pas d’autres pays africains et arabes), on poursuit de manière insidieuse une politique de «dépeçage» des pays en développement en s’attaquant à une richesse essentielle : leurs ressources humaines, leur énergie grise ! Il faut dire que les dirigeants des pays en développement y ont prêté le flanc en ne regardant que leur maintien au pouvoir, quoi qu’il arrive, avec souvent le soutien dans cette démarche des prédateurs de leurs pays. Ces dirigeants autocrates et corrompus ont favorisé une telle saignée, par la marginalisation des cadres, des diplômés, des universitaires, des intellectuels, ne leur donnant aucune condition de plein épanouissement (salaires, conditions de travail…), et par la non-préparation du retour des élites engagées dans une formation à l’étranger. Dans un autre registre, mais dans la même problématique hégémonique occidentale, les mouvements citoyens démocratiques qui ont vu le jour avec l’explosion du printemps arabe portent en eux avant tout une volonté populaire de se défaire des pouvoirs oppressifs qui les gouvernent depuis des lustres. Tout en battant en brèche, et l’islamisme et les fausses querelles interreligieuses, ils expriment aussi une volonté d’émancipation internationale qui inquiète les pays occidentaux et notamment leur protégé, Israël. Ce qui explique, qu’après une phase d’observation laborieuse et contradictoire pour certains pays, suscitant moult polémiques (notamment vis-à-vis de la Tunisie, puis de façon moins prononcée avec l’Égypte), l’Occident «s’engage» résolument en Libye dans un soutien aux «insurgés» (il ne parle pas de révolutionnaires !), qui dépasse, selon certains pays et plusieurs politologues, les objectifs de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies. Tout en sachant, néanmoins, que tous les démocrates dans le monde sont pour le départ du potentat Kadhafi. Cependant, l’intégrité du territoire libyen est vitale non seulement pour le peuple libyen, mais aussi pour la sécurité, la stabilité, l’équilibre et l’avenir politique, stratégique et économique de toute la région. Aussi, toute ingérence visant une partition de la Libye est à condamner et à combattre avec la plus grande fermeté. Tout prête à croire que les pays occidentaux ne veulent pas perdre «le contrôle» de ces mouvements révolutionnaires populaires, et qu’ils en fixent même les limites et les issues finales. Leurs intérêts géostratégiques, économiques et surtout énergétiques sont en jeu. Les rôles et les zones d’influence sont parfaitement distribués. Ce fut le cas pour la Côte d’Ivoire, pour la Libye, pour Bahreïn, où le mouvement populaire a été écrasé par leurs vassaux monarchiques du Golfe, et pour cause, sûrement pas pour favoriser l’émergence de la démocratie ! En attendant le Yémen et, pourquoi pas, la Syrie et ailleurs, en fonction de leurs intérêts et seulement de leurs intérêts. Dans un tel contexte, le Conseil de sécurité des Nations unies est devenu un simple appendice des grands, se réunissant à leur gré, les veto n’intervenant que quand leurs intérêts sont en jeu (les États- Unis et leur veto permanent en faveur d’Israël, la Chine et la Russie avec leur abstention dans le cas de la Libye). Quant au secrétaire général de l’ONU, il a été réduit à joueur le rôle d’un simple fonctionnaire d’une organisation sans pouvoir de décision. Les autres organisations internationales continentales ou régionales (comme la Ligue arabe), quand elles se manifestent, ne doivent pas et ne peuvent pas franchir la ligne rouge ! Tout cela pour dire que pour certains analystes, une nouvelle ère de néocolonialisme et d’impérialisme est en train, peut-être, de se dessiner, voire, selon même certains responsables occidentaux, «une croisade des temps modernes» qui ne dit pas son nom est en train de se profiler, et pourquoi pas, une nouvelle ère de dérive raciste est en voie de constitution de manière insidieuse, concluent des politologues. D’aucuns vont jusqu’à évoquer une véritable «décadence civilisationnelle occidentale» en ce début de siècle qui risque d’aller dans le sens du «choc des civilisations » et de celui des ignorances, plutôt qu’au dialogue. Même dans le débat actuel sur l’avenir énergétique de la planète, après la catastrophe de Fukushima, on en arrive à évoquer un «écolo-colonialisme» ! En effet, les énergies renouvelables sont en train d’entrer peu à peu dans la préoccupation des grands. En parlant d’écolo-colonialisme, on évoque notamment les deux grands projets pharaoniques d’énergie solaire, Desertec et Medgrid, et les rivalités européennes sous-tendues. Et ce, dans la mesure où le transfert technologique, et son pendant, la formation, dans les pays au grand gisement solaire, doivent être absolument considérés comme des éléments déterminants de cette coopération d’avenir. Quand on sait qu’un vingtième de la surface du Sahara couvert de capteurs solaires suffirait théoriquement à approvisionner la planète en énergie ! Et ce, sans parler des millions d’emplois qu’un tel programme peut générer dans le monde. Pour faire face à cette dérive qu’on peut qualifier avec certains observateurs d’idéologique, la nécessité d’une démocratisation de la vie politique des pays en développement devient vitale. Une démocratisation à puiser dans leurs fondements, une démocratisation dictée par les aspirations de leurs peuples, sans interférences étrangères. L’Algérie, qui n’a pas encore été touchée par le mouvement du printemps arabe, doit mesurer les dangers qui la guettent tant au niveau interne qu’externe, aux plans politique, économique et civilisationnel car, on se trouve en fait face à un nouvel impérialisme qui se manifeste à travers une volonté de domination sur tous les plans, politique, militaire, économique, énergétique et culturel. C’est dire l’urgence, pour l’Algérie, d’engager des réformes politiques profondes, avec une véritable refondation de l’Etat, une remise en question de l’ensemble de son système politique complètement dépassé, en réaffirmant notamment la souveraineté du peuple algérien, un peuple dont le poids a été déterminant dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Et ce, avec un double objectif. D’abord, construire l’Etat de droit, de justice sociale et de libertés. Les réformes politiques qu’impose un tel objectif nécessitent un débat national, le plus large possible, associant toutes les forces vives du pays (société politique et société sociale) sans parti pris ou velléité de contrôle et de caporalisation sous la forme d’un dialogue caricatural. Par une telle démarche consensuelle, patriotique, démocratique et pacifique, la solution de la rue avec toutes ses inconnues et les radicalismes en tous genres seront écartés. Ensuite, bâtir avec les autres pays libérés de leur joug dictatorial, un ensemble fort et cohérent pour faire face à cette dangereuse dérive hégémonique internationale qui est en train de s’organiser.

 

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), dits pays émergents, ont montré le chemin lors de leur récent somment en Chine le 14 avril 2011 à Sanya ; ils ont remis en question l’hégémonie du discours politique mondial, en affirmant leur volonté d’intervenir non seulement dans le débat économique, mais aussi dans l’espace géopolitique planétaire. Un sommet annuel a été décidé. Pourquoi pas les pays en développement, libérés de leurs tutelles dictatoriales, ne pourraient-ils pas aussi s’organiser non seulement pour intervenir dans le débat économique mondial, mais également pour participer pleinement et de façon efficiente au débat politique. Souvenons-nous du retentissant appel pour un nouvel ordre mondial du Somment des pays non alignés, dont l’Algérie a été le principal initiateur ! Aujourd’hui, l’universalité frappe à la porte de toutes les cultures et sollicite toutes les identités. Dans un monde en pleine mutation, un monde à la fois de grands défis mais aussi d’espoir, une telle démarche contribuera au renforcement du dialogue des civilisations et au bannissement du choc des ignorances et des extrémismes. Les enjeux pour les nouvelles générations sont de taille. Ils reposent sur la défense des valeurs universelles telles que la paix, la sécurité dans le monde, les libertés de conscience, d’opinion, d’expression et de circulation, le droit à l’éducation, au savoir et aux transferts des connaissances, le droit au développement, à la promotion d’un développement durable dans une mondialisation en crise où la biodiversité et le climat sont menacés, la défense des droits de l’Homme et du Genre humain, le devoir de mémoire, la réflexion sur l’avenir de notre planète et de l’Humanité tout entière. Nous sommes tous interpellés par ces défis.
A. B.
(*) Universitaire

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N
<br /> Et dire que Belkhadem ou Ouyahia se présenteront à la Présidence de la RADP? L'imposture continue mais c'est le système qui encourage de pareilles forfaitures!<br /> <br /> <br />
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