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Quelle Syrie sera vraiment montrée à la mission de la Ligue arabe ?

| Par Thomas Cantaloube

Les observateurs de la Ligue arabe sont arrivés mardi en Syrie, dans un curieux mélange d'attente de la part de la population, en tout cas celle qui se soulève depuis neuf mois contre le régime de Bachar el-Assad, et d'intense méfiance de la part des diplomates et observateurs étrangers. Comme il le leur était demandé avec insistance, une partie des cinquante observateurs arrivés dans le pays (sur 150 prévus) se sont rendus dans la ville de Homs, berceau de la contestation et cité assiégée par l'armée.

 

Étant donné que les seuls journalistes autorisés à couvrir cette visite sont ceux appartenant à la télévision syrienne, il est difficile d'avoir une idée précise des échanges qui se sont déroulés et des lieux visités. Tout ce que l'on sait, c'est que les observateurs ont rencontré le gouverneur de la ville et ont demandé à poursuivre leur visite mercredi. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une des principales organisations de contestation du régime, a indiqué, citant ses propres sources sur place : «La délégation est entrée à Bab Amra, accompagnée de personnes du gouvernement, mais n'a pas rencontré d'habitants.» Bab Amra est un quartier de Homs particulièrement touché par la répression, notamment par des bombardements en début de semaine qui auraient fait une trentaine de morts.

Le but de la mission des observateurs est d'examiner sur place la manière dont la Syrie applique (ou plutôt, n'applique pas jusqu'ici) le plan de la Ligue arabe qu'elle a accepté en novembre et qui prévoit l'arrêt des violences contre les civils (environ 5.000 morts jusqu'ici selon l'ONU), le retrait de l'armée des villes, la libre circulation dans le pays des observateurs étrangers et de la presse, et la libération des prisonniers politiques. Ces observateurs semblaient particulièrement attendus puisque l'on pouvait voir depuis plusieurs jours, sur des vidéos diffusés sur Internet, des Syriens réclamant leur visite ou alors interpellant le reste de la planète sur le thème : «Où est le monde pendant que nous nous faisons massacrer?» (voire la vidéo ci-dessous diffusée sur Al Jazeera en anglais).

 

 

Selon de nombreuses sources syriennes, juste avant l'arrivée des émissaires de la Ligue arabe, le régime d'Assad a retiré ses tanks hors de Homs et desserré l'étau autour de la ville. Ce geste assez hypocrite a néanmoins offert l'opportunité aux habitants de pouvoir de nouveau descendre dans la rue pour protester et montrer leur détermination aux observateurs. Selon l'OSDH, 30.000 manifestants se sont regroupés mardi matin dans le quartier de Khalidiyé, puis 70.000 personnes ont tenté de pénétrer sur la place centrale de Homs, avant d'être repoussées par des tirs de gaz lacrymogènes.

Il reste encore à voir si la mission de la Ligue arabe parviendra à rencontrer et à faire témoigner les opposants au régime ou si elle se contentera de visiter le pays «en touriste», comme certains détails peuvent le laisser croire. Les envoyés de la Ligue arabe ne sont en effet pas complètement autonomes puisqu'ils sont véhiculés par les autorités de Damas. Le chef de la mission des observateurs a déclaré que, jusqu'ici, les responsables syriens «coopéraient pleinement» et qu'il avait toute latitude pour décider des endroits où il veut se rendre.

Pourtant, Burhan Ghalioun, un des principaux responsables du Conseil national syrien (l'organe qui fédère l'opposition), explique que «les observateurs travaillent dans des conditions que la Ligue arabe dit ne pas être bonnes. Ils ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas aller là où les autorités ne veulent pas qu'ils aillent».

Le Quai d'Orsay a ajouté, par la voix de son porte-parole : «La communauté internationale sera particulièrement vigilante à toute tentative de dissimulation et de manipulation à laquelle le régime de Damas pourrait se livrer. Jusqu'à présent le régime de Damas n'a ménagé aucun effort pour travestir la réalité.» L'OSDH avait rappelé de son côté il y a quelques jours que les forces de l'ordre «ont changé les poteaux indicateurs des noms des lieux» dans certains endroits du pays afin d'induire les observateurs en erreur.

Enfin, le fait que la mission de la Ligue arabe soit conduite par le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi ne plaide pas franchement en faveur de l'organisation. Comme l'a rappelé l'ONG américaine Enough Project, lorsque ce dernier «était à la tête des services secrets militaires soudanais et quand il a supervisé l'accord de sécurité sur le Darfour, des crimes de guerre, et peut-être un génocide, ont été commis. Au lieu de conduire une équipe chargée d'évaluer les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par la Syrie, le général devrait lui-même subir une enquête de la part de la Cour criminelle internationale pour des crimes similaires au Soudan».

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