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Réseau des Démocrates

Portrait de la femme algérienne dans toute sa diversité

Journée du 8 mars : au-delà de la célébration symbolique, la résistance quotidienne face à «un environnement hostile»
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le 07.03.13 | 10h00 Réagissez

Demain, c’est la Journée internationale des droits de la femme, ce fameux 8 Mars. La tournure folklorique qu’a prise cette journée en Algérie en a fait «la fête de la femme».

Il est donc question de célébrer la femme algérienne, de l’inonder de fleurs et de compliments grandiloquents, ce «socle de la famille et noyau de la société», «digne héritière des chahidate» et «collaboratrice indispensable dans le domaine professionnel».
Un discours circonstanciel vite démenti par la réalité quotidienne de milliers de femmes. Selon les chiffres officiels, par exemple, quelque 7422 femmes ont été victimes de violences aggravées pour les seuls premiers mois de l’année 2012. En 8 mois, 261 d’entre elles sont mortes suites à une agression. Et plus de 24 femmes sont violées chaque mois.
L’autre chiffre qui tranche avec ce satisfecit général a trait aux études et au travail. L’on sait que les filles réussissent mieux leur cursus et qu’elles sont majoritaires sur les bancs des écoles et des universités.

Pourtant, seulement 16% des personnes en activité sont des femmes. Dès lors, où sont passées ces milliers de diplômées, formées par l’Etat algérien mais dont le «retour sur investissement» est nul ? En cette journée du 8 mars, il est de coutume de rendre hommage, à raison, à des femmes au destin «exceptionnel» et atypique. Un jour durant lequel on loue leur mérite, leur pugnacité et leur bravoure. Mais qu’en est-il des millions d’autres femmes qui, même sans remplir des canons très médiatiques et «iconiques», se battent 365 jours par an, dans l’anonymat, pour mener une vie normale et décente, étudier, travailler, réussir un projet et autres «défis» ? De la secrétaire à l’étudiante en passant par la femme de ménage et l’agricultrice, El Watan est allé à la rencontre de cette femme algérienne dans toute sa diversité et sa splendeur. Une femme aux visages aussi multiples qu’il y a de femmes, en laquelle chacune se reconnaîtra un peu. Mais qui ont toutes en commun de résister et faire face à un «environnement hostile»…

Mme Aberkane Dalila, l’échographiste devenue fellaha :

Prendre sa retraite anticipée, après un tiers de siècle passé au service de la médecine, pour partir s’entourer de vaches et d’abeilles, docteur Aberkane n’avait pas eu besoin de trop réfléchir. Ce n’était pas faute de patients, encore moins de confort. Aujourd’hui aux petits soins de sa trentaine de bovins, notre échographiste a les mains et les pieds dans la bouse. Pour les intimes, c’est l’hadja Dalila, 61 ans, mère de quatre enfants, grand-mère de 5 petits-enfants.

Quand elle a fermé son cabinet privé de médecine générale, au quartier Seghir, dans la ville de Béjaïa, il n’était plus question que de retourner à son El Kseur natal. Y créer une autre vie, celle des étables et des ruches. C’était déjà dans sa «tête il y a bien longtemps». «Je suis fille d’un agriculteur, le chahid Hadj Lakhdar et c’est important pour moi. C’est ce qui m’a encouragé à revenir aux sources», nous dit-elle, la voix quelque peu nouée par l’émotion. Elle a troqué sa blouse d’échographiste contre une paire de bottes d’agricultrice.

Derrière elle, 33 ans de service : 9 ans de consultations passés à Touggourt, autant d’années comme première échographiste dans tout Tipaza, à Hadjout, lorsque le terrorisme a fait se rebiffer des hommes et fait fuir d’autres. En 1994, les circonstances ramenaient aux sources une femme qui finira, une dizaine d’années plus tard, par faire parler d’elle, loin des échogrammes et des ultrasons.

Aujourd’hui, Mme Aberkane est une fellaha, pas comme il en existe dans chaque foyer dans la campagne kabyle, où la traite des vaches, par exemple, est la besogne des femmes. Plus qu’une traite. Elle est la seule femme à être à la tête d’une exploitation agricole dans la wilaya de Béjaïa. Mieux, le seul toubib devenu fellaha. L’hadja Dalila l’a fait avec le souvenir intact de l’écolière qu’elle était, fidèle à l’écurie de son grand-père et de son papa, d’où s’élevaient les meuglements des broutards qu’on lâchait ou se remémorait son émotion devant des génisses qui vêlaient.

«Je me souviens, à l’indépendance, alors que j’avais 12 ans, du jour où j’avais aidé ma maman à mettre bas une vache qui a eu des jumeaux», se remémore Mme Aberkane. «Je nettoyais l’écurie, je désherbais, j’accompagnais mon père sur la botteleuse,… je faisais tout», se souvient-elle encore.

Quarante ans plus tard, après que la maman ait vendu le cheptel, à El Kseur ont poussé une étable, des ruchers et un défi. Mme Aberkane est à la tête d’une exploitation qui a aujourd’hui cinq ans d’existence. Avec deux employés, elle s’occupe de ses 29 vaches laitières, de ses 50 ruches, de sa volaille. «Je fais tout. J’ai deux employés que je seconde H24», dit-elle avec cette rage féminine de pousser la réussite plus loin et élargir son exploitation. Métier d’homme ?

C’est «kif kif», répond l’hadja Dalila. «Je me mets au même rang qu’un homme. Et pour moi, la femme peut tout  faire», ajoute-t-elle, réconfortée par le regard non étonné de l’entourage masculin. «Beaucoup m’ont appelée aujourd’hui pour me féliciter ou demander conseil», nous affirme-t-elle au sortir d’une émission radiophonique.

K. Medjdoub

El Hadja Merzaka, le courage au féminin :

Elle a tordu la serpillière durant toute sa vie. Tant et si bien que ses mains noueuses en sont usées jusqu’à l’os, percluses par l’arthrite. C’est une vieille femme humble, extrêmement démunie, qui s’adonne stoïquement à ce «métier» depuis l’indépendance, après qu’elle fut abandonnée successivement par deux maris. S’étant retrouvée avec deux garçons sur les bras, sans ressources et sans logis, elle ne connaîtra depuis que les abris de fortune.

Aujourd’hui, bien évidemment, on l’appelle El Hadja (elle ne l’est pas), de cette dénomination générale, désignifiée dont on affuble de nos jours toutes les femmes d’un certain âge. El Hadja ? Elle, c’est Adjmi Merzaka. Pour son nom, passe encore ! Mais son prénom, elle l’a quasiment oublié. Personne ne le lui rappelle, il est depuis de longues années égaré dans les méandres d’une jeunesse tourmentée. Malgré ses 75 ans bien tassés, elle continue de trimer presque toute la journée, quittant une maison pour un bureau et le bureau pour d’interminables escaliers d’immeubles qu’elle décrasse trop consciencieusement, le tout pour moins de 8000 DA par mois. Sans sécurité sociale, bien entendu.

Nous lui avons rendu visite dans la baraque qu’elle occupe avec sa fille adoptive depuis 20 ans, au bidonville Djaballah, caché aux regards derrière le quartier populaire les Frères Abbas, à Constantine.
Pour accéder à son minuscule gourbi, implanté quasiment au ras de Oued Lekleb (une dénomination qui en dit long), suintant d’eaux pluviales et empestant le moisi, il faut traverser des labyrinthes vaseux où courent par intermittence des rongeurs (dont personne ne semble effrayé) et où se déversent les eaux pestilentielles d’un égout à ciel ouvert. Le 8 Mars ? Elle ne sait pas ce que c’est. Son vieux visage débonnaire cache mal les stigmates d’une tristesse incommensurable qu’une vie impitoyable y a imprimée.

«Mes deux fils ne vivent plus avec moi ; l’aîné est en France et le cadet vit aussi dans un gourbi avec sa femme et ses quatre enfants ; je n’ai plus que cette fille que m’avait confiée la DAS en 1984, alors qu’elle n’était âgée que de 5 mois et de surcroît très malade, quasiment mourante. Je l’ai préférée à tous les bébés, je l’ai soignée et la voici à présent toute gentille et toute belle ; je me suis même battue pour elle contre mes fils qui n’en voulaient pas», nous révèle-t-elle d’une voix un peu lasse, mais non peu fière.        Farida Hamadou

Djamila, standardiste, faire face à l’inversion des «rôles» traditionnels :

Maman et papa. Parfois Djamila a l’impression de jongler avec ces deux casquettes. A 35 ans, heureuse maman de deux enfants en bas âge, elle est standardiste au sein d’un journal. Et elle se démène comme un beau diable afin de faire vivre sa petite famille. Son mari étant au chômage, Djamila assure le seul revenu du ménage. Pourtant, elle rêvait et rêve toujours d’être journaliste.

Après l’obtention de sa licence en communication, 28 ans et jeune mariée, elle décroche un stage dans un journal afin de compléter son cursus avant de postuler à  un emploi. «Mais ce stage n’était pas rémunéré. Mon mari n’ayant pas de revenus financiers fixes, j’avais donc la charge de la famille. Il me fallait un vrai salaire», raconte la jeune femme. Elle accepte – temporairement au début – un poste de standardiste au sein de ce même journal. «La paie que je touche, bien que salutaire, ne suffit toutefois pas à payer le loyer, plus les frais de la vie quotidienne.

Donc je m’acquitte d’autres tâches supplémentaires à côté, quelques écrits ou collaborations parfois», raconte-t-elle. Ce qui n’est pas de tout repos, comme peuvent en attester toutes les mères de famille qui travaillent. «Ça a été très difficile pour moi, surtout au début. L’aîné a deux ans et demi. Après mon congé de maternité, lorsque j’ai repris le travail, je n’avais même pas le courage de le déposer moi-même chez la nourrice.

Mon mari s’en chargeait. C’était un déchirement de le laisser à une autre femme», raconte-t-elle, émue. Et comment faire pour allier vie familiale et vie professionnelle ? «C’est la course tout le temps», résume Djamila dans un rire. Et d’ajouter à brûle-pourpoint : «J’ai tout de même la chance d’avoir un époux qui m’aide énormément, que ce soit pour s’occuper des enfants, préparer le dîner ou s’acquitter d’autres tâches dont je n’ai pas eu le temps ou la force de m’occuper.»

Car nul besoin de préciser que ses journées marathoniennes sont épuisantes tant physiquement que moralement. Journée-type de ces wonderwomen des temps modernes ? «Nous habitons à Baba Hassen et je travaille à Alger-Centre. Tous les jours, c’est réveil à 5h30 pour tout le monde. Mon mari s’occupe de l’aîné, le prépare et l’emmène à la crèche. Je m’occupe du bébé, 7 mois, et je le dépose chez la nourrice. Ensuite, je vais travailler, avec toute la pression et les tracasseries que cela implique», énumère-t-elle. Puis, c’est le même itinéraire dans le sens inverse. Et ce, en plus des nombreuses responsabilités et autres obligations à assumer.

La charge quotidienne est donc énorme et extrêmement fatigante. «Oui, mais je n’ai pas le choix. Je me donne à fond pour que mes enfants ne manquent de rien. Et je le fais pour mon homme. Etre dans cette situation lui fait beaucoup de mal, le rend dépressif. Il se sent inutile, incapable de faire vivre sa famille. Cette pression a souvent malmené notre couple. Donc je fais mon possible, je me sacrifie pour qu’il ne sente pas qu’on est dans le besoin à cause de lui», s’émeut Djamila.

Et elle a conscience que la psyché masculine a du mal à s’accommoder d’une certaine inversion des «rôles» traditionnels. D’ailleurs, elle le dit sur le ton de l’amusement : «Parfois j’ai l’impression que c’est moi l’homme dans la famille. J’aimerais parfois n’être ‘qu’une femme’ selon la conception de certains», ironise-t-elle.       G. L.

Fatma-Zohra Benkara, secrétaire, 50 ans au «service de la nation» :

Le secrétariat est un noble métier. C’est ma vie !» Fatma-Zohra Benkara est une «femme de l’ombre», discrète mais terriblement efficace. La sexagénaire pimpante et active a été la secrétaire de dizaines d’hommes du gouvernement, d’Ahmed Ben Bella à Tayeb Louh. Depuis cinquante ans qu’elle tape sur sa machine, Mme Benkara, tailleur sombre, lunettes rouges et verbe haut, ne sait toujours pas comment elle s’est prise de passion pour ce métier : la sténodactylographie.

«Tout a commencé en 1962. J’étais alors au collège d’enseignement technique, j’ai lu dans un journal que la Présidence du Conseil organisait un concours pour une formation à ce poste. J’ai été emballée !», se rappelle la médersienne. Elle passe l’épreuve avec brio et entame une formation «très difficile, avec très peu de moyens». D’autant plus qu’elle se heurte au refus de son père et essuie ses foudres : «Il me voyait devenir enseignante, sage-femme ou même couturière, un métier ‘pour femme’, mais il était hors de question que je sois secrétaire. Il était de l’ancienne génération et peut-être bien qu’il considérait que c’était ‘aîb’.»

Elle ajoute dans un sourire : «Mais je me suis battue car j’aimais vraiment ce métier.» En 1963, elle fait officiellement partie des premières secrétaires formées après l’indépendance afin de prendre «la relève» et occuper les postes laissés vacants. Cassant par là même les tabous et ouvrant la voie à des centaines de milliers de femmes. C’est ainsi qu’à seulement 17 ans, Fatma-Zohra, première de sa promotion, est affectée à la Présidence du Conseil. Elle en garde un souvenir ému.

«La première fois que j’ai vu Ben Bella, j’étais assise à mon bureau, toute jeune et toute timide. Il est entré et a demandé ‘chkoun el oukht ?’ Cinquante après, les mots résonnent encore dans mes oreilles», raconte-t-elle. Elle restera à la Présidence jusqu’en 1965, année à laquelle celle qui se dit «ben-belliste» démissionne suite au coup d’Etat. Dès lors s’ensuit un demi-siècle d’activité durant lequel elle enchaînera les mutations, les recrutements et les affectations.

Elle intègre Sonatrach, puis le secrétariat général du ministère de l’Industrie, puis revient à la direction des moyens généraux de Sonatrach, le ministère des Industries chimiques... A son retour d’un passage de trois ans en Libye, le ministre du Travail de l’époque lui demande d’intégrer son équipe. C’était en 1994, au moment où les violences terroristes faisaient rage. «Malgré la peur et les risques, surtout dans un quartier ‘chaud’, j’ai accepté et ai fait mon travail avec abnégation et sérieux», assure-t-elle. Car secrétaire de direction n’est pas un métier de tout repos.


Un regard négatif sur la «nouvelle génération»


«Vous vous devez d’être disponible. Lorsque j’étais à la Villa Jolie, l’on nous appelait pour les congrès et les activités du FLN, ou encore des rencontres internationales. Et nous allions au front sans discuter, notre machine sous le bras. Ou bien une autre fois, j’étais alors à Sonatrach, on m’ordonna de me rendre sur-le-champ à l’aéroport militaire de Boufarik pour une ‘mission secrète’. Je n’ai même pas pu prévenir mes enfants et j’ai dû attendre d’être à Madrid pour prévenir ma famille», se souvient Mme Benkara, une ombre passant sur son visage. Les enfants.

Elle en parle avec fierté. Ils sont deux, qu’elle a eus très jeune, alors qu’elle entamait sa carrière. «Ils étaient habitués à ce rythme de vie. Mais oui, avec le recul, je me pose la question ; ai-je était une mère indigne ?» «C’était l’enfer pour allier les deux aspects de nos vies. Et pas question de s’absenter parce que votre enfant était malade ou autre», s’exclame la sexagénaire. «Mais je faisais mon métier avec les tripes. J’ai tout donné à mon travail», insiste Mme Benkara.

Et c’est d’ailleurs ce qu’elle reproche à la nouvelle génération : le manque de sérieux et l’absence d’amour pour leur profession. «Oui, je porte un regard plutôt négatif. Et j’ai constaté la dégradation au fil des ans. La plupart des secrétaires de maintenant ne sont pas sérieuses, n’ont aucune correction, ni éducation et respect. Et pas de rigueur et d’amour pour le travail bien fait. Pourtant, elles ont tellement de facilités et de moyens ! Ma génération a le dos cassé par les machines mécaniques !», critique-t-elle. La situation de la femme algérienne aujourd’hui ? Elle la résume à un chiffre. «En 1959, lorsque j’ai passé mon certificat d’études, nous n’étions que quatre filles dans ma classe», lance-t-elle dans un clin d’œil entendu.
Ghania Lassal

Safia, infirmière, «Femme à mobilité réduite : deux handicaps en Algérie» :

Safia, dans sa blouse blanche, traverse la salle de soins de l’unité des maladies respiratoires en boitant. «Moi, j’ai commencé ma vie avec deux handicaps majeurs en Algérie : être femme et avoir la poliomyélite.» Derrière la boutade, une volonté inébranlable et du bagout. L’infirmière de 45 ans, «responsable des traitements de la tuberculose», tient-elle à préciser, travaille au sein de la structure depuis 2004. «Et j’ai dû me battre pour arriver là où je suis aujourd’hui», lance-t-elle non sans fierté.

Car «tout jouait en ma défaveur». Elle est encore toute jeune lorsqu’on lui diagnostique une poliomyélite, maladie infectieuse aiguë qui s’accompagne d’une dégénérescence musculaire. En dépit des nombreux soins et traitements suivis, la petite fille grandira avec une jambe paralysée. «Notre société est impitoyable et il est impossible de s’en remettre lorsqu’on est enfant», s’attriste-t-elle. D’ailleurs, elle refusera des années durant d’aller à l’école et de poursuivre un cursus scolaire ordinaire.

«Pourquoi ? Tout simplement parce que dès que je mettais le nez dehors, j’étais systématiquement agressée par la méchanceté des enfants et même des adultes», se rappelle-t-elle douloureusement. Pourtant, suite aux supplications et aux encouragements de sa mère, elle entame, des années plus tard, une formation paramédicale. «J’ai souffert. J’habitais très loin et les moyens de transport étaient rares», commente Safia. D’autant plus qu’à cette époque, elle se déplaçait à l’aide d’un appareillage et de béquilles.

«Mais le plus dur à vivre a été le rejet catégorique qu’affichaient les responsables du centre de formation. C’est simple : ils ont tout tenté pour que je ne poursuive pas mes études, arguant que je ne pouvais pas me déplacer et prodiguer les soins nécessaires», raconte Safia. Comment a-t-elle fait taire les mauvaises langues ? «Avec mes compétences et mes notes qui étaient les meilleures», rétorque-t-elle dans un haussement d’épaules. Son diplôme d’Etat d’infirmière en poche, la femme à mobilité réduite mais pleine d’énergie s’attend à être affectée à l’un des «postes aménagés» prévus. «

Ce sont des places dont les activités ne demandent pas de beaucoup se déplacer, en laboratoire ou à la vaccination», explique Safia. «C’est au bout de plus de six mois de chômage qu’on a enfin pris connaissance de mon affectation. Un poste d’infirmière dans une prison, où les déplacements sont incessants !», s’exclame-t-elle. Surtout lorsqu’on sait les difficultés d’accessibilité pour les handicapés en Algérie. Aujourd’hui que ses compétences sont reconnues, le comportement des gens a-t-il changé à son égard ? «Cela dépend. Parce que nous sommes différents, les autres nous déshumanisent.

Pourtant, je suis une femme comme une autre. Je suis mariée depuis près de sept ans, je conduis et j’ai de nombreuses activités extraprofessionnelles. Le soir, comme toutes les femmes, je rentre chez moi, prépare le dîner et m’occupe de mon foyer», énumère-t-elle en souriant, ne comprenant pas que cela étonne tant les autres. A cela vient aussi s’ajouter la «misogynie ordinaire». «Oh ! vous connaissez le discours : ils sont fiers des femmes, veulent les voir réussir, mais dans la réalité, c’est très souvent faux», souffle Safia. «Alors, quels que soient les handicaps et les écueils, les femmes doivent se battre et s’imposer…»     G. L.

Fella, étudiante et vendeuse : «Ne pas céder aux pressions, réussir...»

Debout devant le présentoir central de la boutique, Fella, tout sourire, finit de renseigner une cliente et de la servir. La jeune fille travaille dans le magasin algérois d’une grande enseigne de confiserie. Elle a 23 ans, mais en paraît plus dans son chemisier blanc et pantalon noir, «uniforme» sobre et similaire à celui des «autres filles», les trois autres vendeuses. «Des copines en fait. Ce qui fait que le travail est plutôt agréable», explique Fella.

La boutique en question est située sur une artère de la capitale très fréquentée. L’ouverture du magasin étant relativement récente, l’affluence provoquée par l’attrait de la nouveauté peut-être est très importante.
Et pas toujours facile à gérer. «Cela fait trois mois que j’occupe ce poste et il est vrai que les premiers jours ont été éreintants. Pourtant, j’ai déjà été hôtesse au Salon de l’automobile, donc j’ai de l’expérience en la matière», s’amuse Fella. D’autant plus qu’il semblerait que certains «incidents» aient été enregistrés. «Jamais rien de bien grave, des vols parfois.

Raison pour laquelle d’ailleurs il y a un vigile devant l’entrée pour éviter les débordements», confie-t-elle en jetant un coup d’œil vers la porte. Ce poste, la jeune fille ne compte pas l’occuper longtemps. Derrière son joli minois, la jeune fille ne cache pas ses ambitions : ouvrir sa propre agence immobilière. Licenciée en marketing de l’INC, elle est actuellement en première année de master de management de projet.

Comment gérer les études et le boulot ? «Pas évident tous les jours, d’autant plus que j’habite très loin. Mais j’arrive à me débrouiller. Je n’ai pas cours toute la journée et mes horaires de travail sont aménagées pour me permettre d’étudier», explique-t-elle.

Les pressions et les discriminations, c’est surtout à l’extérieur qu’elles se font sentir. «Il est évident qu’il y a une différence dès lors que vos professeurs de faculté se permettent de vous harceler. Ce qui n’arrivera sûrement pas à un étudiant homme», déplore-t-elle. Mais la jeune fille a appris à ne pas se laisser faire. «J’ai été élevée dans une famille très ouverte, qui n’a jamais fait de distinction entre les filles et les garçons : traitement, droits ou devoirs. Donc oui, j’ai appris à ne pas me taire, à ne pas me considérer comme inférieure à un garçon», se réjouit-elle.

Reste que ce n’est pas chose aisée pour la gent féminine d’évoluer dans l’espace public. «Difficile ? Il suffit de mettre un pied à l’extérieur pour être agressée de toutes parts par des mots, vulgaires la plupart du temps, des regards et des comportements ! Et personne n’intervient pour vous défendre ou remettre le malotru à sa place !» s’indigne Fella. Etre vendeuse l’expose d’ailleurs davantage à cet «extérieur agressif». «Je ne me laisse pas faire. Moi je fais mon travail pour gagner de l’argent et payer mes études !», conclut-elle.  G. L.

 

Ghania Lassal
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C
Un article qui représente vraiment la diversité de la femme algérienne ...<br /> J'ai bien aimé ce qu'elle a fait l'hadja dalila, si j'étais à sa place je ferai la meme chose.
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