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P’TIT OMAR, LA RÉVOLUTION DANS LE CARTABLE DE SOUHILA AMIRAT Un héros peut-il mourir ?

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Imaginons l’institutrice (ou encore le prof de lycée) poser la question à ses élèves : Savez-vous qui est Omar Yacef, dit P’tit Omar ? Silence dans la salle...
Mais pourquoi P’tit Omar, un parmi les valeureux héros de l’Algérie est-il méconnu des jeunes générations ? Tout simplement parce que la mémoire de ces héros n’est pas suffisamment (ni intelligemment) honorée et entretenue. Pourtant, le fidaï et chahid représente un symbole humain très fort pour la jeunesse. Un enfant de la révolution qui a valeur d’exemple, en plus de jouer un rôle positif dans le processus d’identification bien connu des psychologues. Surtout que, comme nous le rappelle Souhila Amirat : «P’tit Omar est le plus jeune fidaï engagé dans une révolution, à l’échelle des pays arabes.» Hélas, l’histoire officielle n’en parle pas ! Peut-être parce que celle-ci préfère glorifier des entités abstraites au moyen de slogans creux ? «Un seul héros, le peuple», s’est-on contenté de clamer à travers un discours démagogique et indigent.

 

Avec une telle écriture de l’histoire, bureaucratisée et déshumanisée, les effets pervers chez les jeunes sont perceptibles aujourd’hui. Heureusement que ces dernières années des âmes de bonne volonté commencent à restituer son passé glorieux à notre peuple. Elles se sont attelées à un travail de mémoire honnête et crédible, à contre-courant de l’entreprise de falsification de l’histoire et de détournement du sens opérée par des cohortes d’imposteurs, d’opportunistes et de trabendistes de la révolution. Que ce soit en littérature, cinéma, audiovisuel, publication de témoignages et autres, des œuvres de création et d’imagination font leurs premiers pas. En privilégiant la dimension humaine de leurs héros et personnages, ces œuvres suscitent l’intérêt et incitent à réfléchir. Le livre de Souhila Amirat en fait partie. Il retrace, de façon romancée, la très courte vie — mais une vie aussi belle qu’une légende — d’un gosse de La Casbah durant les années de feu et de sang. Dès les premières pages, le décor est planté (La Casbah d’Alger, haut lieu de la résistance), l’intrigue commence à se nouer et le lecteur apprend à se familiariser avec le personnage principal. Le gamin, quoiqu’un peu secret et mystérieux, est tellement attachant et sympathique. Futé, espiègle, intelligent, débrouillard, il n’a pas les yeux ni la langue dans la poche. Bref, P’tit Omar est un vrai Gavroche. Au gré des aventures de cet enfant peu ordinaire, dans des chroniques de la vie quotidienne pleines de péripéties, de situations insolites ou cocasses, alors que la bataille d’Alger fait rage, le lecteur va de découverte en découverte.

La force du récit, c’est son intérêt attractif ; il monte crescendo bien contenu tout en peignant une fresque historique de l’époque. Nous avons là La Casbah et ses maisons, ses ruelles, ses habitants, ses gosses et les protagonistes de la tragédie qui se joue. On découvre, sous un jour nouveau, d’authentiques héros comme Larbi Ben-M’hidi, Ali la Pointe, Hassiba Ben-Bouali... Il y a aussi les membres de la famille de P’tit Omar et tous les autres personnages qui donnent corps au récit et contribuent à en faire une œuvre achevée.

 

Assurément, Souhila Amirat a su trouver les mots justes pour écrire ce livre. Elle a d’ailleurs une plume qui déborde de tendresse pour mieux faire partager son émotion au lecteur. «Omar Yacef a vu le jour le 7 janvier 1944 au 3, rue des Abdérames. Il est mort le 8 octobre 1957 au 5, rue des Abdérames. Il est enterré au cimetière d’El-Kettar», est-il rappelé dans l’épilogue. Le jour de sa disparition précoce, P’tit Omar se trouvait trouvait dans une cache avec Ali la Pointe, Hassiba Ben-Bouali (âgée de 19 ans) et Mahmoud Bouhamidi, ses compagnons de lutte. La maison avait été soufflée par une bombe. «Aujourd'hui, nous confie l’auteur, les gens doivent comprendre que la liberté ne vient pas toute seule, elle s’arrache. Le sacrifice de P’tit Omar est d’autant plus grand qu’il n’était qu’un enfant. Il avait sacrifié son enfance pour que les autres en aient une. Nous lui devons une reconnaissance éternelle».

Quant à l’idée d’écrire ce modeste hommage à sa mémoire, «elle est venue à la mort de la mère du martyr, il y a quelques années de cela. Elle n’avait jamais fait le deuil de la perte de son enfant. Je décidai alors d’écrire cette histoire vraie». Comment elle a travaillé par la suite ? «En me basant essentiellement sur le témoignage de ses sœurs, ses frères, ses tantes et son oncle Yacef Saâdi. Son cousin et ami Mahmoud m’a également beaucoup aidée. Quant aux documents d’archives, je n’ai rien trouvé d’intéressant. P’tit Omar ne figure que dans le film La Bataille d’Alger. Recherches et travail d’écriture ont nécessité trois années». Souhila Amirat apporte une autre précision : «Je pense que tout cela ne constitue que des fragments, des bribes de la courte vie de Omar Yacef. C’était un enfant très discret et qui ne parlait pas trop. Il a emporté ses secrets et ses rêves avec lui.» Le lecteur retiendra surtout une image forte, celle de l’écolier qui «vidait son cartable pour y mettre la révolution à la place des cahiers et des livres». L’ouvrage est enrichi d’une iconographie de l’époque, dont des photos inédites de P’tit Omar et de sa famille, ses cousins... Un livre agréable à lire, fort instructif, à mettre entre toutes les mains. C’est le souhait de Souhila Amirat : «Mon bonheur, c’est que mon livre soit lu. J’espère qu’il ne sera pas oublié dans le programme de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, qu’il ait une petite place». A notre humble avis, il y a même matière à la réalisation d’un grand film... Née en 1968 à Alger, Souhila Amirat est diplômée en informatique. Elle a publié des contes pour enfants et écrit de la poésie.
Hocine T.
Souhila Amirat, P’tit Omar, la révolution dans le cartable. Edition à compte d’auteur, Alger février 2012, 166 pages, 450 DA.





Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/07/02/article.php?sid=136224&cid=16

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