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Kamel Daoud : “Le discours de Bouteflika terrefie par son vide et par son autisme”

Poste par faycal avr 17th, 2011 categorie Actu du jour, Médias. Vous pouvez suivre les reponses via RSS 2.0. Vous pouvez commenter et trackbacker cet article Print This Post Print This Post

Kamel Daoud est journaliste et écrivain. Il anime la chronique Raïna Raïkoum au Quotidien d’Oran.

 

Interview


Algerie-Focus.com : Dans sa dernière conférence de presse le patron du RND Ahmed Ouyahia a reproché à certains journaux privés de prendre position sur les évènements qui secouent le pays. Ainsi, il a déclaré que le Quotidien d’Oran est un organe proche de Bouteflika, mais que son chroniqueur, en l’occurrence vous, fait dans l’opposition. Ouyahia veut-il votre tête comme l’ont écrit certains confrères ?

Kamel Daoud : Je ne pense pas qu’il veuille ma tête. C’est du moins ce qu’assurent ses proches. Cette référence directe au Quotidien d’Oran et à moi m’a un peu étonné. D’autant plus qu’elle part sur une désinformation ou une mauvaise information encore plus étonnante quand il s’agit du premier ministre de ce pays. Qu’en est-il des autres secteurs s’ils sont gérés avec la même légèreté ? Je me pose la question. Ouyahia comme d’autres ne sont plus en position de force pour demander la tête d’un journaliste ou étrangler financièrement un journal d’une manière directe. Certains messages sont parfois adressés à des membres du Conseil d’administration du Journal pour exprimer des agacements ou des critiques mais cela n’arrive jamais au stade de la menace directe.

Justement c’est peut-être l’occasion de rappeler encore une fois que le kamel Daoud, vice président de la LADDH, et le Kamel Daoud, le journaliste, ce n’est pas la même personne…

Confusion presque régulière. Lors de la marche du 1é février dernier, j’étais parmi les marcheurs mais se sont des critiques acerbes que j’ai reçu parce que l’autre kamel DAOUd avait publié une tribune où il expliquait être contre cette marche. Ceci pour l’exemple. La confusion est de règle même au plus haut sommet de l’Etat, Ouyahia en est l’exemple et qui s’en est excusé par la suite, mais en privé. Que dire d’autres ? Rien sauf que heureusement je me retrouve confondu avec un opposant reconnu et un militant des droits de l’homme. Un honneur. Imaginez un autre Kamel DAOUD fourbe opportuniste politique, indicateur des « Services », voleurs ou assassins d’enfants !!!

Les journalistes du privé et du public donnent de la voix et réclament plus de droits et de liberté. Certains ont été licenciés, sans émouvoir pour autant la corporation. Comment expliquez-vous ce manque de solidarité entre journalistes ?

C’est une question que je me pose. Je crois que les « animosités horizontales » au sein de la corporation sont plus importantes que les tensions « verticale » avec le Pouvoir. Les journalistes sont arrivés à concentrer les nobles combats du peuple algérien mais aussi ses lamentables défauts et haines de soi. A cela s’ajoute le clivage Privé/public qui divise les journalistes et leurs causes et leurs revendications. Par ailleurs, le piège est total : on ne peut pas parler des problèmes des journalistes au sein du secteur public et, au sein du secteur privé, ce n’est pas mieux et pour les mêmes raisons de sous salaires, exploitations…etc.

Malgré ses multiples appels à la marche, le CNCD n’a toujours pas réussi à mobiliser les foules; tandis que plusieurs segments de la société civile- étudiants, gardes communaux, médecins,…- battent le pavé spontanément et font des revendications que certains observateurs qualifient de “corporatistes”. C’est un véritable camouflet pour les partis d’opposition ? Pensez-vous que ces revendications sociales pourraient se muer à l’avenir en exigences politiques ?

Les analyses sur l’échec présumé du CNCD sont nombreuses et déjà trop publiques. Reste à regarder vers le future : les révolutions dans le monde arabe ont cet effet qu’on n’a pas encore beaucoup commenté : une repolitisation de la société algérienne. Aujourd’hui, dans les villages et dans les entreprises, les gens parlent « politique », exigent, demandent, s’organisent en dehors de l’UGTA et des partis traditionnels. Des demandes sociales uniquement ? Oui mais cela est temporaire. Il s’agit de redéfinir le politique et les algériens finiront par dégager une nouvelle définition de cet exercice pollué par les restrictions et les exclusions. Il y a une démission « guérie » désormais chez les algériens et il faut sortir des villes pour le ressentir. Un jour ou l’autre, la demande sociale comme vous dites bloquera sur les limites de la réponse du Régime et là, la mutation sera une nécessité. Il ne faut pas oublier non plus le traumatisme des années 90 : les algériens se sentent encore punis de leur choix de l’époque.

Le gouvernement promet beaucoup d’argent aux algériens et annonce même d’importants changements politiques. S’agit-il d’une véritable volonté de remise en cause du pouvoir, ou bien assistons-nous à une énième opération d’enfumage ?

Les avis sont presque unanimes : le Pouvoir ne peut pas se réformer. Il ne peut pas concevoir de consensus mais seulement des concessions. L’enfumage, comme vous dites, va durer un moment et jusqu’à ses limites possibles avant la rupture. C’est ce que je pense.

On parle qu’un conflit au sommet de l’Etat opposant le président Bouteflika au patron du DRS Toufik Médiene. Info ou intox ?

Comment le savoir. C’est un vieux motif d’analyse politique local. Je pense que c’est s’enfermer dans l’absurde que de se contenter de voir le pays à travers ce binôme. Après Ben Ali, le couple est déjà démodé et il s’agit de trouver sa voix en dehors de cette paranoïa politique nationale qui coince le politique dans le maquis du DRS et au Palais du Dey.

Que pensez-vous du dernier discours du Président Bouteflika à la Nation. Et quelle est votre lecture de ses annonces et promesses ?

Encore un discours du système qui s’adresse à d’autres acteurs dans le système. Les algériens y sont à peine interpellés. C’est une réponse de Bouteflika à des cercles concurrents. Il y a des mois, il aurait été révolutionnaire. Aujourd’hui, ce discours terrifie par son vide et par son autisme. Bouteflika promet de réformer. Oui mais avec qui ? avec Quoi ? comment ? Selon quel calendrier ? Et de quoi s’agit-il ? Pas de réponses. Comme depuis dix ans, ou vint ou depuis le GPRA.

Du nouveau concernant votre actualité littéraire ?

Sortie le 04 mai en France du recueil de nouvelles « Le Minotaure 504 ». Roman en cours d’écriture à l’heure où j’écris ces réponses.

Interview réalisé par Fayçal Anseur

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