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Etats-Unis : voyage dans une bulle Tea Party en Géorgie

|  Par Iris Deroeux
Shelly (à droite) et ses enfants.Shelly (à droite) et ses enfants.

Démocrates et républicains sont parvenus à un accord mercredi sur le plafond de la dette et la fermeture du gouvernement. Au grand dam des extrémistes du Tea Party. Reportage dans un de leurs fiefs, un « corridor Tea Party » situé en Géorgie, au sud des États-Unis.

À Washington, mercredi, un accord a enfin été trouvé au Congrès, mettant fin à seize jours de « shutdown », la fermeture partielle du gouvernement fédéral, et permettant de relever le plafond de la dette. Ce compromis in extremis – la date butoir pour le relèvement du plafond de la dette arrivait ce jeudi – est un accord à court terme. Il ne fait que repousser les désaccords à plus tard en prévoyant que le gouvernement soit financé et donc rouvert seulement jusqu’au 15 janvier, la dette relevée jusqu’au 7 février.

Des républicains affirment déjà qu’ils vont continuer de lutter contre la mise en place de la réforme de la santé de Barack Obama, la principale pomme de la discorde entre les deux camps. Quitte à provoquer de nouveaux blocages dans les mois à venir… Le « shutdown » était d’ailleurs loin d’être la première impasse depuis 2010 et le début d’une forme de cohabitation à l’américaine, entre la Maison Blanche démocrate, le Sénat à majorité démocrate et la Chambre des représentants à majorité républicaine. Une situation dans laquelle il est nécessaire que les deux camps soient disposés à s’entendre pour pouvoir gouverner, étant donné le système bipartisan américain. Ce n’est justement pas le cas !

Un groupe d’élus républicains revendiquant l’étiquette Tea Party est vu comme responsable de ces impasses à répétition. Une frange radicale estimant n’avoir rien à perdre en préférant le conflit au dialogue, des élus déterminés à s’opposer aux démocrates sur un certain nombre de sujets – réforme de la santé, politiques budgétaires et fiscales, financement de programmes sociaux – voire à des éléments plus modérés de leur propre parti. Ils partent du principe qu’ils ont été élus par leur circonscription précisément pour cette raison.

Pour mieux comprendre cette posture de défi, mais aussi l’état du parti républicain et les blocages auxquels fait face Washington, nous nous sommes donc rendus dans l’une de ces régions : un « corridor Tea Party » situé en Géorgie, au sud des États-Unis. Au nord d’Atlanta, la capitale de l’État, se trouvent en effet plusieurs circonscriptions électorales qui ont envoyé à la Chambre des représentants quelques-uns des républicains décidés à ne rien lâcher. Ils se nomment Tom Graves, Phil Gingrey, Tom Price, Paul Broun.

Ils sont à la tête de districts nés après le redécoupage électoral décennal de 2010. Un détail qui a son importance puisque, dans la région, il a donné naissance à des bassins d’électeurs encore plus homogènes qu’ils ne l’étaient, solidement républicains, qui ne risquent pas de changer dans le futur proche. Sûrs d’y perdre, les démocrates n’y investissent plus de temps ni d’argent (et les républicains font de même dans les bastions démocrates).

Direction Dalton, une ville de 33 000 habitants tout au nord de l’État, où se situe le siège de Tom Graves, connu pour être l’un des premiers à avoir adopté l’étiquette Tea Party. Élu à la Chambre depuis 2010, il a remporté les élections de 2012 avec 73 % des suffrages dans cette circonscription, une zone habitée à 85 % par des Américains blancs. Mitt Romney y remportait lui l’élection présidentielle avec plus de 49 points d’avance sur Barack Obama.

Dalton, de nuit.Dalton, de nuit.© ID/MP

Le jour de notre arrivée, les médias locaux se concentrent moins sur le « shutdown », qui en est alors à son treizième jour, que sur un triste record : l’agglomération de Dalton vient d’être classée la dixième la plus pauvre des États-Unis par le Bureau du recensement. Les lieux offrent un curieux mélange entre des mondes ruraux et industriels, entre une forêt épaisse et humide caractéristique de la Géorgie et des zones commerciales sans âme remplies de chaînes de fast-food, entre des bâtisses bourgeoises et un nombre impressionnant de mobil-homes, des habitations de fortune.

Sans oublier les églises, à tous les coins de rue, et les magasins de moquette. Car Dalton s’est autoproclamée dès le XIXe siècle « capitale mondiale de la moquette », la région ayant connu son âge d’or grâce aux champs de coton et à l’industrie textile, avant de décliner lentement à partir des années 1930,  jusqu’à être définitivement assommée par la crise de 2008.

Dans la capitale mondiale de la moquette...

Le petit centre de Dalton, vide.Le petit centre de Dalton, vide.© ID/MP

« Ma famille entière travaillait dans la fabrication de tapis, la crise nous a heurtés de plein fouet. J’ai retrouvé un emploi mais c’est fragile », témoigne Shelly, 34 ans, dans un square de la ville où elle se promène avec ses deux enfants, l’aînée nous annonçant fièrement qu’elle veut devenir journaliste au National Geographic « pour voyager ». Au sol, un peu partout dans le parc, une inscription à la craie : « Impeach Obama » (Destituez Obama). Shelly s’en amuse et confirme : le président n’est pas en odeur de sainteté ici. Elle a beau trouver le shutdown « ridicule », elle soutient les efforts républicains pour se débarrasser de la réforme de la santé d’Obama.

Shelly (à droite) et ses enfants.Shelly (à droite) et ses enfants.© ID/MP

« Je ne comprends pas le concept : nous obliger à acheter une assurance privée qui coûte au minimum 1 200 dollars par an alors qu’on arrive à peine à boucler les fins de mois ? Ça n’a pas de sens », lâche-t-elle. Le président, « je ne vois pas ce qu’il m’amène de bon. J’ai du sang cherokee, les Indiens sont les grands oubliés de l’histoire de toute façon », poursuit-elle. « Les républicains, c’est sûr qu’ils défendent avant tout les riches, mais on a besoin de riches ici, c’est eux qui créent des entreprises. »

Avec de rares nuances, les habitants croisés çà et là partagent les mêmes opinions : la fermeture du gouvernement leur fait honte, elle a affecté les zones touristiques de la région (principalement des sites historiques liés à la guerre civile américaine des années 1860), mais ils ne la considèrent pas comme problématique. La réforme de la santé initiée par Barack Obama l’est bien plus. Elle est jugée « compliquée », « coûteuse », « intrusive », « mauvaise » comme tout ce qui vient de la Maison Blanche depuis 2009, que ce soit le plan de relance de l’économie, « ruineux », ou l’augmentation des taxes sur les munitions : « On aime chasser ici. »

Les habitants donnent l’impression d’être dans une posture de résistance, celle d’une Amérique « qui a vécu pendant des décennies autour du textile, qui avait un job décent, un niveau de vie décent, qui constate que ce n’est plus là, qui tente de conserver ce qu’elle peut conserver », comme le raconte une journaliste locale souhaitant rester anonyme, installée dans un café de la ville de Rome, également représentée par Tom Graves. « Ici, la population vote républicain, un point c’est tout, ajoute-t-elle. La seule variable, c’est le style de candidat : plus ou moins conservateur, plus ou moins extrémiste. »

« Comme nous sommes en terre républicaine, tout se passe pendant les élections primaires du parti plutôt que pendant l’élection générale. Sauf que les primaires sont très peu suivies (dans ce district, à peine la moitié des inscrits se sont déplacés en 2012 - ndlr). L’élection se retrouve donc entre les mains des électeurs les plus excités », nous explique encore Charlie Harper, ancien consultant de candidats républicains, fondateur d’un site sur la politique locale, Peach Pundit (l’un des surnoms de la Géorgie étant « l’État de la pêche »). Et depuis 2010, il s’avère que les électeurs républicains les plus passionnés sont ceux ayant donné naissance au mouvement citoyen Tea Party, en Géorgie comme ailleurs.

« C’est une nouvelle forme d’ultra-conservatisme et ce n’est pas la première fois que ce courant prend le dessus dans l’État, comme s’il ne demandait qu’à être réveillé », glisse Charlie Harper, persuadé que la crise économique mais aussi les médias « d’opinion » de plus en plus influents, préférant prendre position plutôt qu’exposer des faits, telle la chaîne Fox News chez les républicains, favorisent cette résurgence. 

Dans un parc de Dalton.Dans un parc de Dalton.© ID/MP

Nous partons donc à la rencontre de militants de l’association Georgia Tea Party de Marietta. Cette agglomération, entre banlieue et zone rurbaine, située à une demi-heure d’Atlanta, est à cheval sur deux circonscriptions appartenant à des élus « Tea Party », Tom Price et Phil Gingrey. Les piliers du groupe sont Jim Jess, J. D. Vank et Mark Lane, la quarantaine, de petits entrepreneurs locaux travaillant dans l’édition, les assurances, l’immobilier, avec une expérience du militantisme de jeunesse au GOP. Ils ont lancé le Georgia Tea Party juste après l’investiture de Barack Obama, en janvier 2009. 

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