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Réseau des Démocrates

Une nouvelle offensive ultralibérale accompagne l’agressivité américaine dans la région

Les mauvais liftings des ultralibéraux algériens

 

Par Mohamed Bouhamidi


Un jour, les historiens s’interrogeront sérieusement sur la formation, dans les principes élémentaires de la  «logique», de nos ultralibéraux militants locaux ou expatriés. Ces derniers prennent une place grandissante dans le débat national car les sponsors de l’ultralibéralisme comptent sur l’aura de leur réussite réelle ou supposée pour se passer justement de débat. Vous n’allez quand même pas contredire des professeurs estimés en ces lointaines terres étrangères ? La question non dite mais envahissante et intimidante cache d’abord que cette réussite, ils la doivent à la formation de qualité qu’ils ont reçue, ici, à la base dans cette Algérie où professaient des sommités mondiales. Et grâce au socialisme qu’ils décrient aujourd’hui et qui leur a grand ouvert les portes des universités, à eux et à des centaines de milliers de fils de paysans et de ruraux à qui ils veulent inoculer l’ingratitude du ventre.

 

Bien sûr, tous les économistes sérieux et honnêtes savent que le mot socialisme n’est pas le terme approprié pour désigner les choix postindépendance. Mais tous les dirigeants africains et d’autres contrées du monde ont choisi ce  terme par défaut pour désigner d’abord un besoin historique de développement - et c’est ce terme qui est la clé du questionnement historique de la deuxième moitié du vingtième siècle ! - et ensuite une voie différente de ce capitalisme, dont émane le colonialisme nécessairement par besoin de débouchés et de marchés de matières  premières. Il reste vrai que les masses rurales à l’époque auraient ri au nez de l’argumentaire  de nos ultralibéraux - forcément des masses rurales puisque le colonialisme - à côté de ses enclaves capitalistes minières ou agricoles - aggrave au contraire et entrave les possibilités des colonisés à améliorer leurs outils et leurs forces productives. Les ouvriers des docks, du rail et des rares manufactures auraient ri encore plus fort. Car il fallait chercher à la loupe des ouvriers qualifiés ou hautement qualifiés parmi les indigènes. Ne parlons pas de maîtrise et, pour tout résumer, rappelons à nos ultralibéraux qu’à l’indépendance,   Bouchama était le SEUL architecte algérien, que nous disposions de quelques ingénieurs et d’une poignée de médecins et d’avocats. Ruraux et ouvriers indigènes auraient ri au nez des ultralibéraux car ils connaissaient intimement la réalité de l’«économie de marché» ; la réalité de la violence et du rapport de force, la réalité du pillage et du vol, la réalité des inégalités. Le moment passé de l’émotion,  les opinions publiques oublient si vite les rappels irakien, afghan et aujourd’hui libyen de cette réalité. Mais comment développer un pays si tous les riches de ce pays réunis ne pèsent pas le dixième d’un groupe industriel, si tout le pays ne pèse pas le dixième d’une multinationale ?

 

Le dilemme s’est posé aussi cruellement à tous les pays qui ont accédé à l’indépendance à la suite de luttes plus ou moins sévères. Les gouvernements issus des indépendances octroyées ne se posaient même pas la question. Ils se contentaient de gérer l’arrière-pays et de tenir en main les populations ; même les magasins de quelque importance, sans parler des immenses domaines coloniaux, restaient aux mains des Blancs.On nous répète sans cesse que le colonialisme ne peut être tenu pour responsable du sous-développement de nos pays. C’est oublier que le colonialisme n’est que le visage concret du capitalisme pour les pays du tiers-monde, le visage concret et réel du capitalisme avant qu’il ne passe à la  phase impérialiste. Il n’existe pas et n’existera jamais de capitalisme dans les pays du tiers monde, à part dans cette projection hideuse et nul  développement ne peut se faire sans entrer en conflit avec ce «visage» colonial et impérial du capitalisme. Au Brésil, ni en Russie, ni en Chine, ni en Inde, ni ailleurs les capitalistes locaux – si l’on admet par concession que le socialisme chinois est un capitalisme d’Etat – ne peuvent affirmer leurs intérêts et créer leurs marchés sans se heurter aux hégémonies et aux positions acquises par les pays impérialistes. Le Brésil reste indiscutablement le pays le plus instructif de cette émergence d’un capitalisme périphérique. Il a fallu aux Brésiliens sortir de décennies de dictatures anti-communistes et antipopulaires  féroces et en réalité au service des multinationales américaines et des compradores brésiliens,   en construisant une représentation et une projection d’une bourgeoisie brésilienne capable d’accepter que ses intérêts se fondent dans les intérêts de l’ensemble du peuple brésilien. Cela veut dire, en très clair, que pour gagner en tant que bourgeoisie et en tant que classe de capitalistes  à la conquête d’un marché intérieur complètement acquis aux  intérêts étrangers - comme l’est aujourd’hui le marché algérien -, toutes les autres composantes devaient gagner. (...) La longue expérience politique du Brésil a fait comprendre à cette classe qu’elle ne pouvait développer ses propres ressources et capacités sans s’assurer d’un front intérieur et d’une cohérence maximale de la répartition des revenus.  C’est par cette force du front intérieur que le Brésil peut parler fort et c’est cette faiblesse du front intérieur qui rend si fragile l’Algérie qui est obligée de se justifier pour tout et pour rien.Les différentes fractions de la bourgeoisie algérienne ne prennent pas ce chemin, bien au contraire. En pleine crise du capitalisme et en pleine crise de la globalisation financière, ses représentants redoublent d’«ingéniosité» pour défendre le modèle en crise et les recettes qu’ils nous appliquent depuis trente ans en remettant à l’ordre du jour des ficelles archi-usées, mais qui marchent à tous les coups. L’exemple le plus frappant reste les aides à la création d’emplois et, singulièrement, cette mesure de faire payer par l’Etat les allocations  familiales, d’exonérer les employeurs de certaines taxes, etc.

 

A première vue, les gens ont l’impression que les employeurs, grâce à ces mesures, vont embaucher de nouveaux employés en oubliant ce fait irréductible : l’employeur n’embauche que si ça lui rapporte un profit, et s’il a besoin d’un ouvrier pour une machine, il ne va pas embaucher un deuxième pour le plaisir d’une exonération. Dans les faits, il a bénéficié, lui, d’allégements de charges pour un emploi nécessaire au fonctionnement de sa machine. Et l’Etat a multiplié ces cadeaux qui ont  profité essentiellement aux entreprises étrangères. Peut-on créer plus d’emplois avec ces mesures ? Non, bien sûr. L’investissement crée l’emploi, pas les cadeaux qui peuvent favoriser plutôt le recrutement d’un jeune que d’un vieux - ou inversement -, mais qui ne peuvent créer la machine et l’usine. Et ces patrons algériens dans leur avidité insatiable innovent dans ce domaine. Enlevez encore le peu d’Etat qui reste, les PMI/PME fleuriront et les jeunes trouveront ou créeront du travail ! Pour produire quoi qui n’est pas déjà largement concurrencé par les produits européens dopés par le démantèlement tarifaire ? Pour sous-traiter quoi puisque tous les grands pôles industriels, notamment l’industrie mécanique,  qui pouvaient créer ce tissu de la sous-traitance ont été systématiquement détruits ? Alors, ces patrons algériens qui ont prospéré à partir des réformes libérales, et par la proximité clanique ou familiale avec les centres de décision administrative et financière, essayent avec ou sans  l’appui des théologiens de l’ultralibéralisme de nous rafraîchir les mesures qui nous ont ruinés. Décortiquez ces mesures et vous retrouverez en filigrane la même revendication de base : donnez le pouvoir, tout le pouvoir au capitalisme ; écartez-vous et ça marchera tout seul. Trouvez une seule grande entreprise capable de monter une usine de tracteurs  en Algérie, ou une usine de camions ou de voitures ! Au mieux, les privés ont créé des usines de montage avec un très faible taux d’intégration ou des usines de conditionnement qui, pour la plupart, mettent du liquide - limonade ou huile de table -  dans des canettes ou des  bouteilles, ce que savait faire déjà Hamoud Boualem en 1898.  Nous présenter une technique industrielle vieille de plus d’un siècle comme le must de l’industrialisation, c’est un peu fort et on peut prendre date avec ces mêmes patrons pour la mécanique de précision ou juste pour l’optique. À côté de ce côté presque burlesque des compradores en quête de plus de pouvoir et de plus d’infitah (économie de marché), re-pointe le nez de la grande trouvaille «économique» de nos ultralibéraux. Le problème grandiose de l’Algérie,  ce n’est  pas le pétrole présenté comme une malédiction, c’est l’après-
pétrole ! Déjà parler d’une matière - même première - en termes de malédiction ou de bénédiction, c’est de la pensée magique.
Le maléfique ou le bénéfique des objets, c’est tout juste de l’animisme sans les renvoyer à la question de savoir pourquoi cette question ne se pose pas pour la Norvège ou pour les Etats-Unis, mais cela les obligerait à penser en termes de rapports sociaux à l’échelle locale et à l’échelle internationale ? La malédiction frappe notre avenir immédiat car le pétrole, c’est périssable et c’est un bien grand péril que de continuer à compter sur une  ressource aussi volatile et une rente aussi incertaine. Pour ceux qui s’en souviennent, on nous a chanté cette chanson en 1987 et en 1988 avec la série télévisée des frères Hilmi et les  grands discours sur l’après-pétrole. Vingt-deux ans après, le pétrole est encore là et son argent est bien utile aux importations des sponsors des théologiens de l’ultralibéralisme. En vingt-deux ans de conseils de ces théologiens, au lieu d’investir l’argent du pétrole dans l’industrie lourde, dans la mécanique, dans l’avionique, etc. nous l’avons dépensé à acheter des kiwis et à détruire la culture de la betterave sucrière pour ramener du sucre tout fait. Nos théologiens et leurs sponsors nous ressortent la fable de l’après-pétrole quand les Etats-Unis et leurs sous-traitants attaquent la Libye pour s’emparer de son pétrole et comptent bien s’emparer du nôtre à terme en reconfigurant nos frontières. Notre bourgeoisie compradore et ses théologiens du marché devraient expliquer aux Etats-Unis qu’ils mettent le monde à feu et à sang pour un pétrole qui va si bientôt disparaître. Nous nous mettrons avec joie à l’après-pétrole américain en érigeant des statues à nos compradores. 

M. B.

 

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A
<br /> Mon cher Mohamed, ton article est excellent…mais il aurait du être publié dans les années 1970 ! Il a au moins 31 ans de retard !<br /> C’est à croire que tes idées et tes grilles d’analyses n’ont pas changés depuis que tu avais arrêté de militer !<br /> <br /> <br />
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