Le projet de réforme constitutionnelle, initié par le président Wade, met le pays au bord du chaos. Pour la présidentielle de février 2012, il impose un
ticket qui permettrait de remporter le scrutin avec seulement 25 % des suffrages. Une initiative contre laquelle l'opposition et la société civile se mobilisent.
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Le président sénégalais Abdoulaye Wade, le 9 juin 2011
Il faut s’y résoudre définitivement. Abdoulaye Wade n’atteindra jamais les cimes de l’histoire.
C’est et ce sera un rendez-vous manqué avec les cieux, la gloire et la grandeur. Le preux opposant, le prophète du changement, le combattant de la démocratie est
devenu, au contact du pouvoir, un chef africain ordinaire et débonnaire. Il aura sa statue aux cotés des Gnassimbé Eyadema du Togo, Mobutu Sésséko du Zaire et Laurent Gbagbo, le sinistre
boulanger d’Abidjan. C’est triste pour Wade. C’est grave pour notre pays. Le bon Dieu semble même nous abandonner. Tout indique une accélération aventureuse. Avec cette loi portant
élection simultanée du président et du Vice-président, on surenchérit. Nous sommes en face d’un coup d’Etat en bonne et due forme. C’est un attentat contre le peuple et sa démocratie. La
provocation de trop. C’est le dernier coup de feu. Un tir de sommation politique.
Le parti du crime fait face désormais au parti du peuple. Un « mortal kombat » dans une ambiance de carnaval des chacals.
La suppression du second tour de l’élection présidentielle est une grosse forfaiture. Dans les faits, cette histoire de minimum bloquant est une insulte à nos intelligences. Cette disposition
scélérate est la preuve d’une trouille et d’un esprit retors. Ces gens-la, apportent la preuve ultime de la prise de conscience de leur impopularité. Les tentatives d’explications formalistes
sont de pure fumisterie. Il y a des moments où se taire, c’est mentir. Si en 2000, le candidat arrivé au premier tour avec plus de 25% des voix avait été élu, Wade n’aurait jamais eu le loisir
de tripatouiller notre Constitution. Le candidat sortant Abdou Diouf avait recueilli plus de 41% des suffrages. L’élection s’était déroulée dans la plus grande transparence. Battu au second
tour, Diouf avait rendu le pouvoir dans des conditions saluées par la communauté internationale. Abdoulaye Wade avait proclamé son ambition de faire mieux. Aujourd’hui, le constat est fait de
son incapacité et de son échec. Et la boucle de la ruse ne semble pas encore bouclée. Car, manifestement le but de la manœuvre est le report de élections jusqu’en 2014. Wade a bien dit qu’il
n’avait pas l’intention d’organiser l’élection de son successeur.
Le chaos et la consternation feront le jeu de son stratagème. Le plan de dévolution monarchique du pouvoir est en marche. Il recoupe les déclarations antérieures d’Idrissa Seck (leaader de
Rewmi, parti proche de Wade) et les résultats du renouvellement de l’Union des Jeunesses travailistes Libérales (UJTL). Un proche de Karim Wade (fils du président) est arrivé ce week-end à la
tête du mouvement des jeunes du Pds. Le patron de Rewmi avait posé le débat sur un prolongement du mandat du chef de l’Etat. La semaine dernière, le journal l’As avait évoqué des rencontres
parisiennes entre Idrissa Seck et un proche de Karim Wade. Rewmi a formellement démenti. Les coïncidences sont troublantes, cependant.
Le combat pour le respect de la constitution n’est pas une bataille politicienne. C’est un engagement citoyen. Une minorité de 25 personnes tient en joue le Sénégal tout entier. Ces
pécheurs en eaux troubles font courir des risques à notre Nation. Sciemment. L’objectif est d’installer une situation de chaos généralisée propice aux deals et aux compromissions. Il faut les
arrêter, avant qu’ils n’arrêtent le pays. Le Sénégal n’a pas les moyens de se payer une crise ivoirienne. Une semaine de blocus du port de Dakar, c’est un an de pénurie en tous genres. Une
insécurité généralisée en résultera. Il faudra des décennies de travail et de sacrifices aux prochaines générations pour se relever de cette forfaiture. Et il ne faut pas compter sur Wade et
son entourage pour un sursaut d’orgueil patriotique.