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SAÏD SADI À PARIS : «La souveraineté politique et économique du pays n’a jamais été autant compromise»

-said-sadi

Le constat sur la situation que connaît l’Algérie aujourd’hui et sur la nature du régime à la tête du pays est amer . Ce constat n’est pas nouveau : Saïd Sadi a eu déjà à le faire en diverses occasions. Constat sans concession. Mais ce qui change aujourd’hui, point largement développé par le secrétaire du RCD, c’est l’existence d’amorces venues de la société civile — syndicats autonomes, jeunes, universitaires — qui peuvent changer la donne. Et ce pour peu que les initiatives citoyennes prises ça et là, en dehors des circuits de l’Etat, soient accompagnées par les politiques et relayées sur la scène internationale. A cette échelle, on ne demande pas à nos partenaires, dit encore le docteur Sadi, «de venir régler nos problèmes, mais nous sommes en droit de ne pas accepter ces politiques de courte vue où l’Algérie est réduite à un pipeline, un bazar qui sert les intérêts du marché occidental».

De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed


Pas d’illusion de transparence à se faire sur la mise au jour publique des scandales financiers qui secouent actuellement le pays. Ce n’est pas nouveau : « Depuis octobre 1988, chaque fois qu’un événement important — en bien ou en mal, d’ailleurs — apparaît sur la scène publique, c’est toujours le fait d’un dérapage, d’un affrontement clanique ou d’un incident inhérent à la répartition de la rente», et tout se passe, dit encore Saïd Sadi, comme si la corruption n’était pas ancrée profondément dans la gouvernance actuelle.» Et d’ajouter : «L’on concède alors quelques victimes pour faire occulter le caractère systémique de cette corruption. » Lorsque l’on admet qu’il y a problème et que l’on en parle, «ce ne sont généralement que des répliques des grosses corruptions qui, elles, ne sont pas traitées par la justice», le cas Sonatrach en est une illustration. Dans ce type d’affaires, ce n’est malheureusement pas «le cœur de la corruption» qui est visé et traité. Aujourd’hui, ce qui est nouveau, relève le leader du RCD, c’est que «l’on se rend compte que la rente pétrolière qui a régulièrement servi la clientèle ne suffit plus à cautériser et masquer les fractures et lézardes qui étaient latentes dans le régime».


Et dans cette situation de «faillite générale et de faillite institutionnelle », le régime répond par du bricolage. La preuve, pour le docteur Sadi, tient au dernier remaniement ministériel «qui illustre jusqu’à la caricature l’autisme du régime ». Et aucun signe dans ce remaniement n’est porteur d’un message pouvant donner à penser «qu’il y a eu une prise de conscience de la gravité et de la nature de l’impasse dans laquelle se trouve le pays». Tout se joue dans un exercice d’équilibriste : «Je te lâche une partie, mais je me débrouille pour rééquilibrer les pertes que j’ai pu concéder sur d’autres départements ministériels.» La situation décrite est on ne peut plus sombre. Le délabrement des institutions a conduit, dit le leader du RCD, «à un état lépreux». Et au lieu d’y faire face «à travers une dynamique politique assise sur une hypothèse doctrinale dont on peut penser ce que l’on veut, il y a une espèce de repli sur soi où les archaïsmes tribaux prennent le dessus sur toute forme de projection politique». S’il fallait s’en convaincre, il suffit juste de voir que ce sont toujours les mêmes qui squattent le gouvernement, et y compris, depuis quelques temps, les paliers intermédiaires que sont les banques, les douanes, l’armée…

 

Cette façon de faire est devenue «une véritable construction nationale». Et c’est cela qui fait aujourd’hui quelque peu bouger les choses. Si jusque-là les «classes moyennes largement paupérisées» se sont murées dans le silence et la passivité, attendant que quelqu’un vienne les libérer des prédateurs, aujourd’hui, des réactions se manifestent, «des ressorts dont on pensait qu’ils étaient au minimum grippés sinon définitivement cassés se remettent en mouvement ». Il en est ainsi, explique Saïd Sadi, des syndicats autonomes qui se sont organisés en dehors de toute tutelle, des universitaires de plus en plus nombreux qui sont revenus dans le débat médiatique national «par des contributions assez audacieuses » et plus récemment d’une volonté affichée par beaucoup de «se réapproprier une partie du débat national, y compris lorsqu’il s’agit de choses immatérielles comme l’histoire». C’est en cela et en beaucoup d’autres petits réveils timides qu’il faudra, selon le docteur Sadi, travailler même s’il faut prendre ces initiatives pour ce qu’elles sont, des amorces pour l’instant, même si pour les syndicats autonomes elles constituent une organisation structurée, inscrite dans la durée». Cela ne suffit naturellement pas et il nous revient à nous les politiques, dit-il, d’agir car ce régime finissant, ne serait-ce que par biologie, «va être à un moment ou à un autre dépassé ».

 

C’est pourquoi, explique-t-il, «il ne faudrait pas que tout cela se fasse dans un climat de désespoir où les aventures les plus folkloriques ou les plus dangereuses peuvent servir de prétexte au pouvoir et tuer l’espoir ». Le «réveil frémissant» des citoyens qui s’observe aujourd’hui en Algérie «doit trouver écho» à l’échelle internationale. Et en direction de ceux qui n’auraient pas compris cet appel à l’étranger, le docteur Sadi explique que l’on n’attend pas que l’étranger règle nos problèmes «mais qu’il prenne ses responsabilités par rapport au cas algérien». Et de noter encore que «la souveraineté politique et économique du pays n’a jamais été autant compromise».

 

 

L’Algérie est dominée par un triptyque tragiquement simple : coup d’Etat- fraude électorale-corruption généralisée. «Il est temps, dès lors, que l’on règle le problème de la fraude électorale» par des contrôles sérieux de la communauté internationale, basés sur un cahier des charges clair et «rédigé par nous». C’est là que réside, selon lui, «le nœud gordien du problème». Et Sadi de conclure qu’il «est irresponsable de croire que les dirigeants actuels vont être pris d’un moment de lucidité». «Il y a un conglomérat de clientèles qui sont liées par des archaïsmes tribaux », assure-t-il.
K. B.-A.

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