De notre correspondant aux Etats-Unis
La caméra de surveillance du NYPD, la police newyorkaise, surplombe toujours Zuccotti Park. Pourtant les casquettes bleues et les gilets jaune fluorescent des agents de la sécurité privée ont fondu comme le nombre de manifestants encore sur place. Les médias conservateurs de Rupert Murdoch (le New York Post, Fox News ou le Wall Street Journal) se félicitent d'être venus à bout de cette bande de fainéants crasseux et de leur campement de fortune... «Mettez vous au travail... et allez prendre un bain», leur avait assené Newt Gingrich, un des principaux candidats à la primaire républicaine.
Pourtant à quelques dizaines de mètres de là, au 60, Wall Street très exactement, coincés entre le New York Stock Exchange, la tour Trump et la bijouterie Tiffany's, les Indignés de Wall Street n'ont pas désarmé. Avec le début de l'hiver et l'évacuation du parc, le hall de cet immeuble, où siège notamment la Deutsche Bank, est devenu le nouveau quartier général du mouvement. Abritant également une sortie de métro, la cour couverte est considérée comme un espace public que les manifestants sont libres d'occuper de 7 heures à 22 heures. C'est désormais là qu'ont lieu toutes les réunions des différents groupes qui composent Occupy Wall Street.
Aujourd'hui, Edwin Molina Chungo y tient l'assemblée générale en espagnol du mouvement. Pablo, un Equatorien sans-papiers vivant à New York depuis sept ans, y participe chaque dimanche. «Ce groupe est avant tout pour moi le moyen d'être au courant de mes droits face à mes patrons ou mon propriétaire. Mais on discute également de la politique des Etats-Unis en Amérique du Sud, des élections au Chili», explique-t-il dans un anglais hésitant.
A deux tables de là, un autre groupe de travail prépare le déplacement du lendemain à Washington, où doit se tenir pendant trois jours une grande manifestation nationale «afin de mettre la pression sur les élus et les lobbyistes». Cette mobilisation rassemble syndicats et chômeurs autour du Congrès des Etats-Unis. «Nous sommes les 99% et nous votons pour la plupart. Cette marche est l'occasion de rappeler aux élus qu'ils sont là grâce à nous et pour nous. S'ils continuent à ne servir que les 1% les plus riches, nous les remplacerons», lance Maria Spagnolia, une sympathisante qui se rend de temps en temps aux réunions après son travail.
«Les propositions ne manquent pas. Un concert de soutien, un débat à l'opéra de New York, une pièce de théâtre en plein Broadway... Le tout en une semaine à peine... Le mouvement n'a jamais été aussi actif», s'enthousiasme Kevin Sheneberger, cuistot dans un restaurant de Soho et membre de la cellule « infos » du mouvement des 99%, qui fait office de centre de logistique. C'est elle qui relaie les propositions des différents groupes, et appuie les demandes de subventions auprès de la cellule «finance»...
«Il n'y a pas de leader à Occupy Wall Street!» C'est ce que répètent chaque jour les participants, vantant les décisions collégiales et leur culture du consensus, suivant ainsi l'un des principes de Mai 68: «S'il est douloureux de subir les chefs, il est encore plus stupide de les choisir»... La réalité n'est pas aussi simple. Après quelques jours passés sur place, on s'aperçoit vite que des leaders non officiels existent. Il suffit de les chercher dans les rangs des cellules stratégiques: «infos», «médias», «tech» (la cellule internet) et, le nerf de la guerre étant ici aussi l'argent, «finance». Vous voulez de quoi acheter de la peinture pour fabriquer les banderoles? Il n'y a que la «finance» qui pourra vous débloquer les fonds nécessaires.