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Noureddine Bahbouh. Président de l’Union des forces démocratiques et sociales (UFDS) l’Algérie est devenue la propriété de Bouteflika

 


 

 

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le 20.09.13 | 10h00 Réagissez

| © Souhil. B.

Sur ses craintes de voir l’Algérie partir à la dérive, contre la stratégie du clan présidentiel, et le fatalisme qui frappe la société algérienne…Noureddine Bahbouh, président de l’UFDS, balance ses vérités à El Watan Week-end.

-Le président Bouteflika vient de remanier son gouvernement et d’enlever au service des renseignements certaines de ses prérogatives. Quelle lecture faites-vous de cette série de décisions ?

Il s’agit, selon toute vraisemblance, de la suite du dispositif conçu par le clan présidentiel pour 2014. En réalité, ce plan a débuté lors des élections législatives et communales qui avaient permis au parti du pouvoir, le FLN, de remporter la majorité des voix lors de ces deux scrutins et offert au clan la mainmise sur ces deux Assemblées. Il est fort probable que le clan reforme une coalition de partis à la solde du Président.

 

-Se dirige-t-on vers un prolongement du mandat de Bouteflika jusqu’en 2016 ou vers la présidentielle ?

Je ne suis pas de ceux qui critiquent l’éventualité d’une candidature de Bouteflika à un nouveau mandat. C’est son droit constitutionnel, depuis l’amendement de la Constitution de 2008, qui ouvre la voie à une présidence à vie. Dès cet instant, la candidature du Président était actée pour 2014. Mais ses ennuis de santé ont perturbé le bel édifice qui avait été mis en place, et certains se sont mis à croire à son possible retrait pendant que d’autres appelaient à l’application de l’article 88 de la Constitution. Avec ses dernières décisions, le Président vient d’anéantir tout espoir que la prochaine présidentielle se déroule dans la transparence.

Les deux scénarios dépendront de l’état de santé de Bouteflika. C’est en fonction de ce paramètre que le clan décidera d’une nouvelle élection ou d’une prolongation de mandat. Quoi qu’il en soit, si l’élection devait avoir lieu, je lance un appel à un grand rassemblement des autres forces politiques pour exiger, comme préalable à toute participation à cette élection, la transparence du scrutin. Je demande également des garanties nationales et internationales quant à la crédibilité de cette future présidentielle, même si je suis très pessimiste sur l’issue de 2014.

 

-Ce qui se passe actuellement, n’est-il pas la conséquence de l’absence de réaction des partis politiques lors de l’amendement de la Constitution en 2008 ?

La classe politique est tétanisée. Elle est devenue fataliste et a jeté l’éponge face aux manœuvres de ce pouvoir. Aujourd’hui, j’ai peur pour l’avenir de mon pays. Pour cela, il a favorisé l’émergence d’une classe politique constituée de courtisans. Ce système, en mettant en place une alliance présidentielle, s’est assuré ce que j’appelle une dictature de la majorité, qui lui a permis de se prémunir contre toute contestation et débat. C’est ainsi que ce pouvoir a pu faire adopter par l’Assemblée nationale et à une majorité écrasante l’amendement, liberticide, de la Constitution en 2008. Que certains partis politiques, qui ont appuyé cette démarche et qui ont voté le texte, condamnent les ambitions de Bouteflika et de son clan aujourd’hui, c’est bien beau, mais il fallait le faire avant.

L’Algérie figure parmi les rares pays qui offrent un mandat à vie au Président en place. Nous avons fait un immense bond en arrière. Pour moi, le salut viendra de la mobilisation de la société civile. Très peu d’intellectuels ou membres de la société civile se sont élevés contre l’amendement de 2008. Le pouvoir peut tout se permettre, car les Algériens sont tétanisés par ce qui s’est passé durant la décennie noire. Ils ont peur. C’est pour cela qu’il faut remobiliser les forces de ce pays. Nous proposons un grand débat avec les partis politiques qui partagent notre scepticisme et notre ras-le-bol avec ce qui se passe dans ce pays. Il faut arriver à mettre en place une plateforme qui rappelle les aspirations que nous voulons défendre. On ne peut pas continuer à se taire face aux affaires de corruption qui touchent de hauts responsables du pays et qui n’avaient jamais atteint une telle ampleur. La corruption est aujourd’hui politique.   

 

-Mettre en place un contre-pouvoir face à la famille présidentielle, n’est-ce pas trop tard  aujourd’hui ?

Dans tous les pays du monde, il existe des oppositions institutionnelles qui agissent à l’intérieur des instances. Aujourd’hui, il n’y a rien de cela en Algérie. Nous nous retrouvons face à une sorte de tropisme qui consiste à diviser le pays entre ceux qui sont pour Bouteflika et ceux qui lui sont opposés. Le système va encore plus loin dans sa perversité : il considère ceux qui contestent cette situation comme des opposants à l’Algérie. Comme si seul le Président était le représentant de ce pays, son incarnation. L’Algérie est devenue la propriété de Bouteflika.

 

-La transition politique en Algérie peut-elle avoir lieu de manière pacifique ?

A ce rythme et si rien ne change, on peut se retrouver dans une situation encore plus compliquée que celles que nous avons vécues.
Un parallèle entre la fin du mandat de Bourguiba en Tunisie et ce qui se passe actuellement en Algérie est-il pertinent ?
Oui, à la seule différence que la transition entre Bourguiba et Ben Ali s’est déroulée sans douleur. Ici, cela se passera-t-il de la même façon ? Rien n’est moins sûr, car en Tunisie, le clan qui a remplacé Bourguiba était homogène.

 

-Le DRS est-il affaibli par les dernières décisions du Président ?

C’est un coup de force assez important. La grande erreur, c’est d’avoir décidé de placer l’armée au centre des débats. La nomination du général-major, Gaïd Salah, chef d’état-major comme vice-ministre de la Défense implique l’armée dans le débat politique. Or, l’armée doit être protégée, car elle est la garante de la stabilité du pays.

 

-Aujourd’hui, ne pensez-vous pas que l’enjeu réel de ce qui se passe n’est pas politique, mais concerne essentiellement la distribution de la rente ?

En filigrane, il y a évidemment la distribution de la rente.


-Vous avez été ministre de l’Agriculture. Comment expliquez-vous que l’Algérie n’arrive pas à développer ce secteur, malgré les sommes astronomiques qui sont injectées ?

Trois gros problèmes minent ce secteur : le règlement définitif du foncier, avec lequel on a toujours tergiversé. On est l’un des seuls pays à avoir étudié plus de six dispositifs pour le règlement de la question du foncier, sans résultat. Par ailleurs, plusieurs terres agricoles sont détournées au profit de la construction de logements, ce qui rétrécit les surfaces cultivables. Ensuite, les aides accordées ne vont pas toujours aux producteurs. Ajoutez à cela la facilité accordée aux importations et vous obtiendrez un condensé d’erreurs commises depuis des années concernant le développement de l’agriculture.

Bio express :

Né le 24 janvier 1949 à Ras El Oued, Noureddine Bahbouh, diplômé en hydraulique, est nommé ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Sifi, en 1994, puis dans celui d’Ahmed Ouyahia. En 1997, il est élu député sur la liste du RND, qu’il quitte après avoir décidé de soutenir Mokdad Sifi, lors de la présidentielle de 1998. En 2012, il  crée un nouveau parti, l’Union des forces démocratiques et sociales.

Salim Mesbah
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