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Mohamed Khellaf. Directeur de l’organisation et de la coordination des secours à la Protection civile: les citoyens manquent de civisme

 

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le 10.08.12 | 

 

Le deuxième sapeur-pompier gravement brûlé à Souk Ahras a succombé à ses blessures à l’hôpital de Constantine. Cet été encore, plusieurs hectares de forêt et d’arbres ont été ravagés par les feux. Le colonel Mohamed Khellaf de la Protection civile parle particulièrement d’un manque de civisme des citoyens qui ne s’impliquent pas dans la prévention.

-Le corps de la Protection civile a perdu, la semaine dernière, deux de ses éléments lors d’une intervention d’extinction de feu de forêt à Souk Ahras. Peut-on connaître les circonstances de leur mort ?

C’est un groupe d’intervention chargé de lutter contre un incendie de forêt dans cette wilaya. Ils ont été surpris par un retournement de situation météorologique. Et c’est ce que nous craignons souvent. Un vent violent a attisé le feu. La victime, un garde forestier et un autre agent étaient à bord du camion qu’ils voulaient mettre à l’abri à tout prix. Il n’y avait pas de dégagement d’air. Une situation apocalyptique. L’enterrement de la première victime a eu lieu lundi en présence des autorités locales et du directeur général de la Protection civile.

-Certaines parties remettent en cause les compétences des intervenants…

Le risque zéro n’existe pas dans ce métier. Il y a des accidents que nous ne pouvons absolument pas éviter. A aucun moment, la compétence de nos agents est remise en cause. Parfois, ils perdent la vie à cause du manque de civisme des citoyens. Je vous donne l’exemple de l’accident survenu à Bouira le vendredi 27 juillet. Un sous-officier de la Protection civile, qui intervenait pour évacuer les blessés, a été percuté par un chauffard circulant à vive allure. L’année passée, nous avons perdu six agents alors qu’ils accomplissaient leur devoir. Le pompier est formé pour se protéger et protéger les autres.  

-C’est donc la population qu’il faut incriminer ?

Absolument. Il y a un manque de civisme flagrant. Nous le constatons d’ailleurs quotidiennement. Des citoyens qui gênent la circulation et empêchent nos interventions et les évacuations sanitaires…, on en voit quotidiennement. C’est tout un problème de mentalité qu’il faut revoir. Dans les années 1970, les autorités locales se sont lancées dans une sensibilisation au profit de la population qui n’hésitait pas à aider les sapeurs-pompiers et les gardes forestiers pour lutter contre les feux de forêt. Aujourd’hui, c’est l’indifférence totale. Il n’y a ni respect de la forêt ni de l’environnement. Les ordures ne font que compliquer les choses. Personne n’améliore la gestion de la cité.

-Les années passent et les feux de forêt sont un phénomène qui ne semble pas facile à maîtriser. Ainsi, cette année, nous constatons plus de dégâts que les années précédentes.    

Cela revient chaque année, et chaque été a son lot de feux de forêt. Mais les dégâts sont moindres par rapport aux années passées. Le bilan arrêté aujourd’hui (jeudi, ndlr) fait état de 775 incendies de forêt enregistrés depuis le 1er juin, ce qui représente 9594 ha ravagés. Statistiquement, les pertes en matière de récoltes représentent 3404 ha de blé et 96 523 arbres fruitiers et 3606 de palmiers. Dans les maquis, 298 feux se sont déclarés. Cette année, ce sont les phénomènes climatiques qui en sont à l’origine. Une importante pluviométrie a été enregistrée en hiver, ce qui a donné une poussé d’herbe importante, suivie par une canicule précoce en mai. Cette vague de chaleur persiste depuis juin dernier, et ce, jusqu’à nos jours. C’est normal donc que les feux surviennent en cette période. Au niveau de la Protection civile, nous avons élaboré une stratégie de développement pour mieux maîtriser ces feux.

-Il faut dire que vous ne disposez pas de tout le matériel nécessaire et sophistiqué…

Nous maîtrisons mieux la situation. Dans l’ensemble des wilayas à vocation forestières, 22 colonnes mobiles indépendantes des autres structures sont désormais opérationnelles. En plus, les feux de forêt cette année se sont déclarés par intermittence. Ces mêmes colonnes mobiles procèdent à des campagnes de sensibilisation et de prévention. Des conseils sont prodigués aux fellahs afin d’éviter des dégâts et une fausse manipulation. Les résultats sont visibles : moins de pertes humaines et de matériel par rapport aux années précédentes. La bonne nouvelle est que pour la première fois dans l’histoire de la Protection civile, nous allons acquérir six hélicoptères moyens biturbines qui permettent d’intervenir dans plusieurs types de missions : évacuation sanitaire, sauvetage, transport de troupes, extinction des feux de forêt et reconnaissance aérienne. Trois seront réceptionnés les mois prochains. Ce sont des avions autrement plus sophistiqués. Des hangars sont en construction et 20 de nos éléments, dont 4 femmes, sont en formation à Londres. Ces pilotes seront qualifiés en Italie auprès du personnel de l’usine de fabrication des appareils. Ils seront opérationnels en 2013. Ce jour-là, nous aurons un été plus facile et maîtrisable.   

-Dans les maquis, ce sont particulièrement des feux déclenchés volontairement par des militaires dans le cadre de leur lutte antiterroriste, dit-on. Etes-vous d’accord ?

Je ne pense pas. Je ne suis pas d’accord avec cette idée-là.

-Mais les feux de forêt d’origine criminelle existent-ils toujours ?   

Oui. Il y a encore des citoyens qui le font exprès pour gagner de l’espace. Ils n’hésitent pas à déboiser une forêt entière pour construire. Plusieurs cas ont été signalés à l’administration des forêts qui les prendra en charge au niveau de la justice. Il y a aussi les chercheurs de miel, comme à Béjaïa ou ailleurs. Directement ou indirectement, il y a le facteur humain derrière le déclenchement des feux de forêt.

-Autre problème auquel vous faites face, les noyades. Plusieurs citoyens se plaignent de votre absence le soir pendant le mois de Ramadhan…    

Le problème se pose avec acuité à l’intérieur du pays. Nous avons plus de noyades dans les barrages qu’au niveau des plages. Des noyades dans les barrages, les oueds, les lacs, les mares d’eau, les retenues collinaires et les piscines qui ne répondent pas aux normes. Depuis le 1er juin, il y a eu 79 noyades dans ces wilayas, dont 17 pendant le Ramadhan. Pendant l’été, il y a eu 21 noyades, dont 12 en dehors des heures de surveillance et 60 autres dans les plages interdites. Je reviens encore au civisme des citoyens et à la responsabilité des parents.

L’Etat pourrait être incriminé dans le seul cas des noyades qui sont enregistrés dans les piscines. C’est insensé que des piscines aient les autorisations d’ouvrir sans répondre au minimum des règles de sécurité. Depuis deux ans, nous avons prolongé notre surveillance d’une heure pour accomplir notre mission jusqu’à 20h. C’est tout ce que nous pouvons faire. Avec une heure supplémentaire, c’est 10% de l’effectif qui est à mobiliser. Vous savez pertinemment que la nage nocturne est interdite et il est évident que la Protection civile n’est pas censé surveiller ce qui est interdit. Il n’y a pas un pays au monde qui surveille les plages le soir. Il faut un minimum de civisme.

Bio express :

Natif de Zoubiria (Berrouaghia) en 1961, il est d’abord juriste de formation puis diplômé de l’Ecole nationale de la Protection civile. Il est titulaire de plusieurs diplômes, dont le dernier décroché en juin dernier à l’Ecole militaire de Paris (auditeur de l’Institut national des hautes études de sécurité de justice). Aujourd’hui, il est directeur de l’organisation et de la coordination de secours, poste qu’il occupe depuis 2004. De 1991 à 2001, il occupait le poste de directeur de la Protection civile de Boumerdès, Blida et de Médéa. De 2001 à 2004, il est directeur des études chargé de cabinet de la direction générale de la Protection civile.
  Nassima Oulebsir

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