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Réseau des Démocrates

«Le parti de Ben Ali doit être dissous», estime le porte-parole du parti communiste tunisien

 

entretien

18 Janvier 2011 Par Pierre Puchot

 

hammami79

 

Le gouvernement provisoire annoncé lundi 17 janvier aura tenu moins de 24 heures. Mardi, trois ministres ont annoncé officiellement leur décision de quitter le gouvernement. Trois autres envisageaient de le faire. La faute, notamment, aux quatre postes clés accordés à des cadres du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de l'ancien président Ben Ali. Alors que les Tunisiens manifestaient encore mardi matin pour la dissolution du RCD, l'une des revendications de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, unique centrale syndicale), à laquelle sont affiliés les trois ministres démissionnaires, demeure l'élargissement des concertations à l'ensemble des forces démocrates, de gauche comme celles issues de l'islam politique. Opposant historique, plusieurs fois emprisonné sous le régime de Ben Ali, encore arrêté le 14 janvier dernier et relâché le jour de la fuite du président, Hamma Hammami, le dirigeant et porte-parole du parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, toujours interdit officiellement), appelle, comme l'UGTT, à la dissolution du RCD et à l'élection d'une assemblée représentant tous les partis et acteurs associatifs, pour élaborer une nouvelle constitution.

 

 

Manifestation à Tunis contre le RCD, mardi 18 janvier©

 

Pierre PuchotComment accueillez-vous l'annonce de la démission de plusieurs ministres, moins de vingt-quatre heures après la formation du gouvernement tunisien ?

Lundi déjà, le PCOT a exprimé son refus de ce nouveau gouvernement, parce qu'il ne répond pas aux aspirations du peuple tunisien. Les manifestations avaient d'ailleurs commencé lundi avant même l'annonce de la composition du gouvernement, pour dire qu'on ne voulait pas du RCD, ni d'un gouvernement qui poursuive le «benalisme» sans Ben Ali. Outre le PCOT, de nombreuses forces démocratiques, syndicales, de gauche et des militants des droits humains, les jeunes qui ont été si actifs sur Facebook..., tous ont été tenus à l'écart des discussions pour constituer ce gouvernement. Nous ne voulons pas de cette confiscation de cette révolte populaire.

C'est la rue qui a fait pression sur les ministres, par le biais notamment de l'Union générale des travailleurs tunisiens. Car c'est la direction de l'UGTT qui a pris la décision de se joindre à ce gouvernement d'union nationale, sans consulter les bases syndicales, qui, du coup, ont fait savoir leur mécontentement. Ce matin, c'est donc sous la pression considérable de sa base que l'UGTT a décidé son retrait du gouvernement.

 

Le parti islamiste historique d'opposition, Nahda, a, comme le PCOT, été tenu à l'écart des tractations gouvernementales. Quelles conclusions en tirez-vous ?

Avant Nahda, avant le PCOT, c'est le peuple tunisien qui a été marginalisé. Les médias du RCD et certains milieux essaient de faire croire qu'il n'y a que le PCOT et Nahda qui ont été mis de côté, pour dire : «On a simplement tenu à l'écart l'extrémisme religieux et l'extrême gauche.» Encore une fois, ce sont toutes les forces politiques et associatives non reconnues qui sont aujourd'hui en dehors du processus. La vérité, c'est que le peuple tunisien ne veut plus du RCD, car il ne veut pas seulement le départ du dictateur, mais aussi de la dictature. Dans les manifestations, les gens scandent d'ailleurs ce slogan : «Ben Ali est en Arabie saoudite, et ici, c'est toujours la même bande.»

 

Que demandez-vous concrètement aujourd'hui ?

Une nouvelle assemblée constituante, et la dissolution des piliers fondamentaux de la dictature, qui sont toujours en place. C'est bien sûr le RCD, qui doit être dissous, car il est responsable de nombreux crimes économiques, racket, chômage de masse dus à l'abandon des politiques sociales, et bien sûr politiques, avec la torture et les massacres qu'il a commis tout long de ces dernières années. Le Parlement est une chambre fantoche, et les grands représentants de l'administration, de l'appareil judiciaire, doivent aussi payer le prix de leur participation à la répression, tout comme la police politique et celle de l'information. On ne pourra pas avancer tous ensemble vers la démocratie si on ne place pas ces problèmes au cœur des discussions et si on ne juge pas ceux qui en sont responsables, dans le cadre d'un Etat de droit. Il y a un passif qui doit être discuté, et l'on ne peut pas simplement décider de tourner la page. Sans ça, aucune réconciliation nationale ne sera possible.

 

De même, la constitution actuelle n'est plus qu'un chiffon de papier, que le pouvoir de Ben Ali a maintes et maintes fois amendé à son profit. Il nous faut donc un nouveau texte. Pour préparer l'assemblée constituante, nous avons besoin d'un gouvernement formé d'hommes et de femmes sans liens avec l'ancien régime, qui jouissent véritablement du respect et de la confiance des forces démocratiques qui n'ont jamais cessé d'agir dans le pays. Ces femmes et ces hommes existent aujourd'hui. C'est grâce à eux que nous pourrons espérer jeter les bases d'une démocratie en Tunisie, dans un délai de trois à six mois, si le climat politique le permet.

«La Tunisie n'a pas besoin de sauveur»

En Tunisie pourtant, beaucoup de discussions tournent autour de l'absence d'opposition crédible, et sur le fait que le peuple ne vous connaît pas, pas plus qu'il ne connaît Nahda ou le Parti démocrate progressiste (PDP, opposition légale).

Les campagnes de dénigrement de l'opposition et toutes ces années de clandestinité nous ont fait beaucoup de mal. Moi-même, en tant que porte-parole du PCOT, je n'ai jamais eu l'honneur d'être invité à une seule émission de radio ou de télévision. J'ai été de nombreuses fois emprisonné sans aucun motif. Aujourd'hui cependant, nous commençons tous à rattraper notre retard, par le biais notamment des réunions des organisations syndicales ou culturelles. Etant toujours interdit, nous avons du mal à évaluer le nombre de nos sympathisants. Mais il convient de rappeler que notre parti, et sa presse, existent depuis 1984, et n'ont jamais disparu malgré l'intense répression dont nous avons fait l'objet. De son côté, le PDP a commis l'erreur de sa vie en participant à ce gouvernement. Ils se sont mis à dos une large partie des Tunisiens, et de ses militants de base.

Pourtant, je le répète, nous devrons œuvrer tous ensemble, car c'est une révolution populaire, qui ne peut être confisquée par une force politique ou quelques experts en droit. Il est ainsi évident que nous devons passer à un régime parlementaire, car le peuple a trop souffert en Tunisie du régime présidentiel.

 

S'il y a une force politique qui a montré ces dernières semaines une grande capacité à mobiliser, c'est bien l'UGTT. Pensez-vous que c'est autour de la centrale syndicale que se nouera la recomposition politique en Tunisie ?

Ce n'est pas ainsi que cela doit se passer. Tout d'abord, ce n'est pas l'UGTT en tant que telle, mais ses militants qui ont soutenu la mobilisation. La bureaucratie syndicale était sur une tout autre ligne. Il y a aujourd'hui, c'est vrai, une évolution au sein de l'UGTT, la base est parvenue à se faire entendre. Mais la bureaucratie, qui a toujours soutenu Ben Ali, continue de confisquer le pouvoir dans les instances internes. Cette fissure entre la base et la tête fait qu'aujourd'hui on ne peut pas parler de l'UGTT comme d'une force solidaire et unie. On l'a encore vu lundi, quand la bureaucratie du syndicat a décidé la participation au gouvernement, sans consulter les bases. La recomposition politique doit donc se faire en dehors de la centrale, en toute indépendance vis-à-vis d'elle.

 

Ancien candidat à l'élection présidentielle en 1994, en exil depuis, Moncef Marzouki était de retour à Tunis ce mardi matin. Pensez-vous qu'il constitue un interlocuteur crédible ?

C'est l'un des symboles de la lutte démocratique en Tunisie. Mais il n'est pas le seul. Il était un symbole à l'étranger, il y en a d'autres à l'intérieur du pays qui, eux aussi, ont dit «non» aux mafieux et à Ben Ali. La Tunisie n'a pas besoin d'un sauveur, mais d'institutions démocratiques. La personnalisation du pouvoir et de la politique, c'est fini, on en a trop souffert.

La police a réprimé durement les manifestations à Tunis, les milices de l'ancien président demeurent. Pensez-vous qu'un retournement soit encore possible ?

Il ne faut pas négliger cette hypothèse. Il y a des tentatives pour déstabiliser cette révolution démocratique. Certaines forces, comme le RCD, ont peur du changement. La police politique, qui a commis tant de crimes, notamment durant ce mouvement, n'a aucun intérêt à ce que l'ouverture persiste et à ce que l'on vienne lui demander des comptes. Elle continue donc de réprimer.

Et cette armée, mise de côté sous Ben Ali, et qui a joué son rôle dans le processus révolutionnaire ?

Jusqu'ici, l'armée s'est donné pour mission de protéger les populations civiles et les biens publics et privés. Son rôle a été positif. Mais l'Etat d'urgence, qu'on le veuille ou non, constitue également une menace pour le processus démocratique, et ne doit plus perdurer longtemps. Troquer une dictature civile pour une autre, militaire celle-là, c'est ce qui peut nous arriver. Il faut donc que l'armée rentre dans les casernes le plus tôt possible, dès que l'ordre sera rétabli.

 

Un mot sur le rôle de la France pendant cette révolution ?

Écoutez, il n'y a eu aucune surprise de ce côté-là : la France a toujours soutenu la dictature chez nous. J'entends encore Sarkozy donner la leçon lors de sa visite, il y a trois ans : «Bravo, vous progressez bien en matière de libertés et de démocratie avec votre cher président Ben Ali.» Chirac, de son côté, avait inventé le concept resté célèbre de «miracle économique tunisien». Dernièrement, les propos de Madame Alliot-Marie, qui offrait l'aide de ses policiers à Ben Ali, sont venus confirmer que la Tunisie n'avait rien à attendre de la France, dans son processus de libération. Paris préfère protéger ses petits intérêts commerciaux, dont un pays où elle compte des participations dans quelque 1.200 entreprises. C'est sa manière de faire de la politique étrangère.

 

Quand Sarkozy s'exprime, il faut toujours comprendre le contraire !

 

Chirac avait vu juste : le peuple tunisien a trimé comme pas possible, au regard la femme de Ben Ali qui s'enfuit du pays avec plus de 1500 Kg d'or et un Ben Ali, arrivé au pouvoir à poil, qui repart avec plus de 5 milliards en poche ! Sans compter tout le clan de sa femme, parti largement bien loti.

Alors oui, on peut dire qu'il y a bien eu un "miracle économique tunisien" fait par le peuple mais pour Ben Ali et sa clique !

J'ai peur que nous aussi, nous arrivions aux mêmes conclusions chez nous. Déjà Sarko s'est auto-augmenté de 200 %, les ministres ont leurs émolluments qui ont flambé et tout ce qu'on ne sait pas encore qui risque de nous exploser à la figure en 2012, à la veille des élections ou après !

18/01/2011 19:24Par akama répondrealerte

Saluons la lucidité du parti communiste tunisien.La dissolution du RCD serait une suite logique dans le processus de révolution voulu par le peuple et marquerait la rupture avec un régime politique exercé par Ben Ali depuis plus de 20 ans.

18/01/2011 22:10Par serge filiao répondrealerte

Mais l'Etat d'urgence, qu'on le veuille ou non, constitue également une menace pour le processus démocratique, et ne doit plus perdurer longtemps. Troquer une dictature civile pour une autre, militaire celle-là, c'est ce qui peut nous arriver. Il faut donc que l'armée rentre dans les casernes le plus tôt possible, dès que l'ordre sera rétabli.

Très intéressant!

18/01/2011 23:28Par pascal b répondrealerte

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