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5 Juillet 2010
A l’occasion du 48 ème anniversaire de l’indépendance, le quotidien Liberté a fait parler la sénatrice Zohra Drif qu’il présente comme une « grande figure du
nationalisme et de la Révolution algérienne » - ce qu’elle est – en omettant de préciser qu’elle est surtout une grande figure du clan bouteflikiste. Ce qu’elle cache.
Cela donne, bien entendu, un entretien surréaliste, particulièrement hypocrite, extraordinairement sournois, dans lequel la dame livre un diagnostic terrible sur l’état de la nation mais pointe
un doigt accusateur sur …des fantômes ! Parbleu ! C’est bien connu : ni le système, ni le clan Bouteflika, dont Mme Drif, alias Mme Bitat, fait partie, ne saurait être coupable d’une telle
décadence.
Couvrir le clan Bouteflika exige, cela dit, de l’adresse. L'élucubration, à défaut d'être crédible, doit au moins paraître vraisemblable, avoir l'allure du « mensonge le plus détestable» qu'André Gide définit comme étant « celui qui se rapproche le plus de la vérité». Il faut savoir rougir de colère, s’indigner en tremblant, ce que Mme Bitat sait convenablement faire comme d’ailleurs son autre copine, Mme Toumi. Et qu'importe si l'opinion réplique par une moue entendue ou qu'elle réponde, dans cette bataille des faux semblants, par un autre mensonge, le « mensonge fructueux» dont Sacha Guitry dit qu'il « consiste à faire croire à quelqu'un qui vous ment qu'on le croit» .L’essentiel, pour la confrérie des propagandistes, est de faire passer les vessies du bunker pour d'heureuses lanternes.
Ecoutons la dame :
« Le 5 juillet 1962, nous avons hérité de ruines et de cendres. Nous avons hérité d’une société exsangue, déstructurée par 132 ans de colonisation de peuplement, constituée de 90% d’analphabètes dans un état de pauvreté indescriptible. Nous avons hérité de caisses vides et nous avons construit le pays. (…) Néanmoins, le résultat est-il à la hauteur des ambitions du mouvement national ? Nous sommes bien obligés de constater qu’au moins une partie de notre jeunesse souffre à tel point que certains, issus de toutes les couches de la société, préfèrent fuir le pays. Tous les jours, des richesses agressives, clairement et impunément mal acquises, narguent la majorité de la population qui peinent dans des difficultés sociales. La lutte contre la corruption et pour la moralisation de la vie publique sont des chantiers prioritaires. »
Ainsi donc, après onze ans de règne de Bouteflika, des jeunes « préfèrent fuir le pays » et « des richesses agressives, clairement et impunément mal acquises, narguent la majorité de la population qui peinent dans des difficultés sociales » ? On n’en revient pas ! Le clan Bouteflika est, bien entendu, innocent de ces dérives. Ce qui est naturel : en dehors des proches du président cités par la justice ou par l’Inspection générale des finances, c’est à dire son frère, son ancien chef de cabinet, son ancien responsable du protocole, l’ancien président de l’Assemblée nationale Saâdani, les ministres Chekib Khelil, Belaïz, Ghoul, Temmar et Toumi, le syndicaliste du pouvoir Sidi Saïd, le wali Bouricha, et quelques dizaines d'autres, ceux qui restent passent pour des gens assez honnêtes.
Et c’est ce pouvoir qui va, vaillamment, conduire une « lutte contre la corruption et pour la moralisation de la vie publique sont des chantiers prioritaires. »
La situation semble si grave que, parlant du plan de relance de 286 milliards de dollars, Mme Drif s’interroge : « Comment faire en sorte que des sommes ne soient pas détournées ? Comment faire
en sorte que ces sommes créent les richesses et les emplois tant attendus par les Algériens et notamment par les jeunes ? »
On en est donc là !
ENFIN UN COUPABLE !
Puis Mme Drif change de registre et s’indigne contre « l’immixtion d’officiels français jusqu’au niveau gouvernemental. »
« Quand j’entends Sarkozy rendre hommage à Bigeard qui a reconnu publiquement avoir utilisé les méthodes nazies en Algérie, je suis conforté dans mon idée que jamais la France officielle
n’a considéré que tous les peuples qu’elle a colonisés appartiennent à la grande famille humaine. Vous comprendrez aisément ma révolte contre le silence de nos dirigeants. »
Nos dirigeants ? Ah, enfin un coupable ! Vite, découvrons-le :
« Comme moudjahida, je considère que si le ministère qui incarne l’héritage du combat libérateur se tait dans ce type de situation, alors il n’a aucune raison d’être. Si ce ministère
pense que la gestion des pensions est sa seule mission, alors, il se trompe lourdement. Ni Ben M’hidi, ni Didouche, ni Ben Boulaïd, ni Amirouche, ni Zighoud, ni le colonel Lotfi, ni le petit
Omar, ni Hassiba Ben Bouali, ni Rachida Saâdane n’ont pris les armes et offert leur vie pour des pensions ou des villas. Ils l’ont fait pour une certaine idée de leur peuple et de leur nation.
C’est tout ce qui compte à mes yeux. »
Mais oui, c’est lui le coupable : le ministre des Moudjahidine !
L.M.