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Réseau des Démocrates

L'école, peut-on en débattre ?

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http://www.lesdebats.com/editionsdebats/160610/nation.htm   

 

La énième réforme de l’école aurait été une réussite. Il faudrait en créditer le plus informé des algériens sur la chose, le ministre de l’Education nationale, a déclaré «nous n’entendrons plus parler d’école sinistrée comme par le passé», dans un moment d’agacement ou dans l’euphorie de sa nouvelle conviction (lui seul le sait). On aimerait le croire et démentir les réalités qui nous assaillent.

On aimerait que les résultats que nous observons soient déformés par une  mauvaise foi  qui aveugle l’entendement et qui refuse de voir que l’école algérienne travaille comme une école devrait le faire. C’est-à-dire qu’elle présente les performances voulues en rapport avec des missions qu’une école est censée assumer.


Nous ne lui ferons pas, jusqu’ici, le procès d’intention qui l’accuse de produire délibérément de l’exclusion, de l’abrutissement et de l’incompétence.

Nous ne ferons pas ce procès que nous suggère la confrontation entre les faits et les propos du ministre, parce que nous voulons que les faits ne soient qu’une vue de l’esprit et que le ministre voulait bien dire, par ses déclarations, que son institution produit dans les meilleures conditions possibles, des citoyens responsables, formés pour construire une société moderne, éclairée, harmonieuse et préparée à se faire dignement une place dans un monde où  les connaissances, le savoir penser et la vaste culture  sont devenues des armes redoutables. Un monde qui se transforme à une vitesse que jamais l’Humanité n’a connue et qu’il faut suivre ou sombrer.

C’est cela l’enjeu, qui exige un débat sérieux et souverain sur le lieu où se jouent, le plus,  la destinée  des générations futures et la configuration de la société de demain.


Le débat pourra nous conforter que tout fonctionne dans le sens qu’il faut. Mais le ministre ne pense pas à débattre, il est convaincu de la bonne conduite des affaires dans le système éducatif et il en est même si convaincu qu’il nous informe que «ceux qui font encore douter de la réussite des réformes de l’enseignement entreprises en Algérie ne le font qu’à cause de la langue française.» Il recourt, ainsi, aux vieilles recettes inquisitrices, en croyant pouvoir tétaniser les «adversaires». La première conclusion qu’il faut tirer de cette phrase est qu’il n’y a rien à débattre. La deuxième conclusion  est que parmi tous les pédagogues, les psychologues, les sociologues, les économistes… qui critiquent «son école» il n’y a que des semeurs de doute parce que francophiles. Le débat est définitivement fermé. Il en a posé lui-même et seul au-dessus de tous, la thèse, l’antithèse et la synthèse, à la fin, et qui est sans appel : «Mais je leur dirai que le français ne sera jamais la langue d’enseignement en Algérie.  C’est l’arabe qui sera la langue de l’école». Il balaie les reproches en oubliant qu’il ne s’agit pas de «doute» mais de faits dramatiques mesurables. Il se permet de réduire les critiques au seul souci de francophonie de ceux qui les formulent, en oubliant que ces critiques, loin de ce que suggère cette accusation,  sont construites sur le mode de fonctionnement de l’école et sur l’analyse de ses résultats et qu’elles émanent de tous ceux qui pensent et observent, qu’ils soient francophones ou arabophones.

Il décrète que  le français ne sera jamais la langue d’enseignement en Algérie, pour dissimuler que ce qui est au centre du débat, qui se déroule par la force des choses en dehors du système scolaire, c’est plutôt le contenu des programmes, leur structure et l’organisation de l’enseignement.

Cette attitude n’aura pour effet que d’alimenter les craintes qu’il y a une absence déclarée de volonté de débattre, mais ne fera pas taire ceux qui se soucient de l’avenir du pays. Eux veulent que l’école obéisse bien à la réalisation d’un certain nombre d’objectifs, qui sont devenus universels depuis des lustres, dont le principal est de préparer l’élève, donc la société, à assumer le monde de demain «un monde où les attitudes et les méthodes seront plus utiles qu’une liste nécessairement finie de savoirs» disent les spécialistes des sciences de l’éducation (François Dubet, Marie Duru-Bellat). Ou encore et de façon lumineuse : «l’enfant à besoin d’être tout particulièrement protégé et soigné pour éviter que le monde puisse le détruire» (Hannah Arendt). Il ajoute : «ce monde aussi a besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté et détruit par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération». On trouve, dans ces quelques lignes, une synthèse parfaite  du rôle de l’école. On pourra chercher tant qu’on voudra une pareille orientation dans les programmes et les méthodes en vigueur. On ne trouvera rien que de l’improvisation, de la fuite en avant. En tête,  des conflits entre le volume des programmes et celui des horaires imparties.

Ensuite le recours  quasi systématique à la mémorisation et au dressage. On ne trouvera nulle part la responsabilisation et l’apprentissage à s’ouvrir. De plus et il faut le souligner fortement, le problème des inégalités socioprofessionnelles des parents, qui portent en soi les probabilités d’échecs ou de succès des élèves, est aggravé d’autant par un système qui impose de recourir obligatoirement  aux cours particuliers. Dont sont exclus les pauvres et/ou ceux dont les parents ne peuvent les assurer eux-mêmes.

Ce  que les enseignants reconnaissent presque ouvertement. Ces cours on peut les assimiler à «des cours de rémédiation», terme qui désigne en pédagogie l’action de remédier aux difficultés et lacunes des élèves en risque d’échec scolaire par diverses procédures de type soutien scolaire, programme d’aide individualisée, rattrapage… C’est l’un des aspects que le ministère de l’éducation nationale  a voulu corriger en interdisant au corps enseignant d’assurer les «cours de soutien».  Voila pour certaines critiques, qui comme on le constate ne font pas partie des «doutes».

Pour ce qui est de l’ouverture des élèves sur le monde, le ministre lui-même avait promis, à l’occasion du Salon du Livre d’Alger de 2009, d’introduire deux heures de lecture dans le cursus scolaire.

Cela ne s’est pas fait ou cela n’a pas pu se faire, mais cela indique que l’une des principales tâches  de l’école ne figure pas dans la liste des préoccupations des faiseurs de programmes. Le doute encore n’est pas de mise, car la certitude se trouve dans les taux de fréquentation des rares bibliothèques et librairies.

Pour ce qui a permis au ministre de «débusquer» la francophonie, il y a les plaintes de ces jeunes étudiants qui disaient en 2008 :  «Ces sciences sont en français car ceux qui ont fait en sorte que ces sciences évoluent sont des français et des anglais ; pourquoi est-ce que vous nous envoyez en fac avec aucun bagage linguistique […] pourquoi faites-vous en sorte qu’on ne puisse pas saisir un cours à la première lecture parce qu’il nous faut consulter 100 fois le dictionnaire pour pouvoir comprendre un chapitre, parce qu’on ne comprend pas le français.

On ne sait pas rédiger une lettre !» Ce cri a été repris  dans la presse algérienne, il ne comporte pas une revendication francophone, il exprime un besoin pédagogique, c’est-à-dire une préparation à l’accès aux connaissances, presque exclusivement, rédigées dans d’autres langues que l’arabe. Ce n’est pas encore au point partout. Une autre réalité,  non une vision idéologisée.        

 

Par Ahmed Halfaoui

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