Par Hakim Merabet
Belle consécration pour la jeune réalisatrice algérienne Yasmina Adi. Son film documentaire "Ici on noie les Algériens",
retraçant les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, vient d’être nominé au César du meilleur film documentaire dont la 37è cérémonie est prévue le 24 février prochain au théâtre du Châtelet dans
la capitale française. "Je ne m’attendais pas à ce que mon film soit retenu par la prestigieuse Académie des arts et techniques du cinéma qui décerne les César, et ce fut vraiment impressionnant
pour moi d’apprendre aujourd’hui que ma production fait l’objet d’une telle reconnaissance", a déclaré aujourd’hui vendredi la réalisatrice à l’APS.
Yasmina Adi a ajouté que cette reconnaissance était aussi celle des massacres du 17 octobre 1961, qui dévoileront aux Français l’ampleur des atrocités commises à l’encontre des milliers
d’Algériens sortis manifester pacifiquement contre le couvre-feu discriminatoire imposé par le préfet de police. "Cette nomination est par conséquent une reconnaissance de l’histoire de la guerre
d’Algérie et des crimes commis en cette période, et c’est aussi un hommage aux nombreuses victimes rescapées de ces massacres qui ont apporté les témoignages douloureux dévoilés par le film",
a-t-elle encore dit.
Le 17 octobre 1961 à Paris, le Front de libération nationale (FLN) organisait une manifestation pacifique pour l’indépendance de l’Algérie. Maurice Papon, préfet de Paris à l’époque, donne
l’ordre de réprimer les manifestants. Cette répression fut sanglante et le nombre de victimes se comptait par milliers.
Le devoir de mémoire fait son chemin…
Les cadavres seront retrouvés flottant dans la Seine. Aucune reconnaissance ni réparation officielles n’ont eu lieu depuis lors. C’est pour commémorer ces massacres que Yasmina Adi a réalisé ce
film documentaire de 1h30 afin que "la vérité remplace les non-dits". Il mêle témoignages et archives inédites, histoires et souvenirs passés et présents.
Réalisé en 2011 "Ici on noie les Algériens" a été projeté la même année en salle en France et en Algérie, à l’occasion de la commémoration du cinquantenaire des massacres du 17 octobre 1961.
C’est le deuxième documentaire de Yasmina Adi après "L’autre 8 mai 1945- aux origines de la guerre d’Algérie", produit en 2008. Cette nomination en France d’un film qui montre et démontre la
sauvagerie de la colonisation française confirme une prise de conscience en France que la colonisation fut loin d’être une œuvre "civilisatrice" dont il faudrait tirer fierté.