Qui a dit, lundi 13 février 2012 : « Nous ne pouvons pas retrouver le chemin de la croissance par des coupes budgétaires. Le temps de l’austérité n’est pas pour maintenant » ? Un manifestant grec ? Jean-Luc Mélenchon ? Les économistes atterrés ? Eh bien non, il s’agissait du président des Etats-Unis, le même que celui qui a vu le triple A de son pays abaissé par les agences de notation au mois d’août dernier. Ces remarques, Barack Obama, les a prononcées à l’occasion de la présentation de son budget 2013, un document qui fait la part belle aux dépenses de relance de l’économie et aux hausses d’impôts pour les plus riches. Un lourd contraste par rapport à la politique actuellement prônée en Europe par le duo Sarkozy-Merkel.
Les républicains se sont empressés de monter au créneau pour dénoncer les « dérives » d’une Maison Blanche qui ne fait pas assez pour réduire les déficits. Argument auquel Obama a répondu en assenant : « Le contrôle des déficits n’est pas une fin en soi ! » S’il a accepté depuis trois ans un certain nombre de coupes budgétaires, le président américain continue néanmoins de rester fidèle à l’idée qu’il vaut mieux faire redémarrer l’économie maintenant et se préoccuper des déficits quand les « fondamentaux » seront plus solides – c’était l’idée du plan de relance de près de 800 milliards de dollars passé juste après son arrivée au pouvoir en 2009. Une position que, selon les sondages, une majorité d’Américains soutient.
L’autre critique des républicains face à ce budget 2013 soumis par la Maison Blanche est sans doute plus juste, mais elle n’est pas pertinente pour autant. Les leaders de l’opposition ont passé la journée de lundi à répéter les mêmes éléments de langage, à savoir qu’il s’agit d’une présentation budgétaire à visée électoraliste, dans la perspective du scrutin présidentiel de novembre, qui n’a aucune chance d’être appliquée. Si cela est vrai – les budgets 2011 et 2012 n’ont pas davantage été approuvés par le Congrès –, la faute n’en incombe pas vraiment à Obama, mais à un Congrès très conservateur, qui préfère toujours contourner les décisions difficiles, comme les hausses d’impôts ou les coupes dans le budget de la Défense.
Surtout, reprocher à Obama de faire de la politique avec son projet de budget revient à dire qu’il fait noir la nuit quand la lumière est éteinte. C’est une évidence, mais en quoi est-elle condamnable ? La présentation d’un budget est sans aucun doute l’un des meilleurs documents qui soient pour établir des priorités gouvernementales. Et que suggère le président américain dans ses propositions ?
- D’affecter 265 milliards d'euros à des programmes de créations d'emplois et 360 milliards d'euros à des grands travaux, notamment pour les réseaux routiers et la construction d'établissements scolaires.
- D’augmenter les aides aux secteurs de l’industrie et de la recherche et développement, de consacrer 55 % de fonds en plus pour les bourses éducatives du programme Race to the top, et de recruter davantage d’enseignants, de policiers et de pompiers.
- De maintenir les aides militaires à l’Egypte (1 milliard d’euros) malgré les tensions entre les deux pays et d’envisager 600 millions d’euros d’aides économiques aux pays du « printemps arabe ».
- De réduire le budget du Pentagone de 5 %.
- De réviser le barème des impôts avec une hausse du taux de la tranche supérieur à près de 40 %, et l’introduction d’une taxation minimum de 30 % pour les foyers dont les revenus dépassent 700.000 euros annuels (cette mesure vise à faire en sorte que les Américains qui gagnent l’essentiel de leurs revenus grâce à des dividendes financiers taxés à seulement 15 % ou moins ne paient pas « un taux d’impôts inférieur à celui de leur femme de ménage », comme l’a exprimé le milliardaire Warren Buffet).