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Et pendant ce temps, Obama soigne la crise par la relance

| Par Thomas Cantaloube

 

Qui a dit, lundi 13 février 2012 : « Nous ne pouvons pas retrouver le chemin de la croissance par des coupes budgétaires. Le temps de l’austérité n’est pas pour maintenant » ? Un manifestant grec ? Jean-Luc Mélenchon ? Les économistes atterrés ? Eh bien non, il s’agissait du président des Etats-Unis, le même que celui qui a vu le triple A de son pays abaissé par les agences de notation au mois d’août dernier. Ces remarques, Barack Obama, les a prononcées à l’occasion de la présentation de son budget 2013, un document qui fait la part belle aux dépenses de relance de l’économie et aux hausses d’impôts pour les plus riches. Un lourd contraste par rapport à la politique actuellement prônée en Europe par le duo Sarkozy-Merkel.

Les républicains se sont empressés de monter au créneau pour dénoncer les « dérives » d’une Maison Blanche qui ne fait pas assez pour réduire les déficits. Argument auquel Obama a répondu en assenant : « Le contrôle des déficits n’est pas une fin en soi ! » S’il a accepté depuis trois ans un certain nombre de coupes budgétaires, le président américain continue néanmoins de rester fidèle à l’idée qu’il vaut mieux faire redémarrer l’économie maintenant et se préoccuper des déficits quand les « fondamentaux » seront plus solides – c’était l’idée du plan de relance de près de 800 milliards de dollars passé juste après son arrivée au pouvoir en 2009. Une position que, selon les sondages, une majorité d’Américains soutient.

 

Obama signant l'accord de réduction du deficit budgtéaire en août 2011 
Obama signant l'accord de réduction du deficit budgtéaire en août 2011© Pete Souza/Maison-Blanche

 

L’autre critique des républicains face à ce budget 2013 soumis par la Maison Blanche est sans doute plus juste, mais elle n’est pas pertinente pour autant. Les leaders de l’opposition ont passé la journée de lundi à répéter les mêmes éléments de langage, à savoir qu’il s’agit d’une présentation budgétaire à visée électoraliste, dans la perspective du scrutin présidentiel de novembre, qui n’a aucune chance d’être appliquée. Si cela est vrai – les budgets 2011 et 2012 n’ont pas davantage été approuvés par le Congrès –, la faute n’en incombe pas vraiment à Obama, mais à un Congrès très conservateur, qui préfère toujours contourner les décisions difficiles, comme les hausses d’impôts ou les coupes dans le budget de la Défense.

Surtout, reprocher à Obama de faire de la politique avec son projet de budget revient à dire qu’il fait noir la nuit quand la lumière est éteinte. C’est une évidence, mais en quoi est-elle condamnable ? La présentation d’un budget est sans aucun doute l’un des meilleurs documents qui soient pour établir des priorités gouvernementales. Et que suggère le président américain dans ses propositions ?

  • D’affecter 265 milliards d'euros à des programmes de créations d'emplois et 360 milliards d'euros à des grands travaux, notamment pour les réseaux routiers et la construction d'établissements scolaires.
  • D’augmenter les aides aux secteurs de l’industrie et de la recherche et développement, de consacrer 55 % de fonds en plus pour les bourses éducatives du programme Race to the top, et de recruter davantage d’enseignants, de policiers et de pompiers.
  • De maintenir les aides militaires à l’Egypte (1 milliard d’euros) malgré les tensions entre les deux pays et d’envisager 600 millions d’euros d’aides économiques aux pays du « printemps arabe ».
  • De réduire le budget du Pentagone de 5 %.
  • De réviser le barème des impôts avec une hausse du taux de la tranche supérieur à près de 40 %, et l’introduction d’une taxation minimum de 30 % pour les foyers dont les revenus dépassent 700.000 euros annuels (cette mesure vise à faire en sorte que les Américains qui gagnent l’essentiel de leurs revenus grâce à des dividendes financiers taxés à seulement 15 % ou moins ne paient pas « un taux d’impôts inférieur à celui de leur femme de ménage », comme l’a exprimé le milliardaire Warren Buffet).

 

Ce budget doit être pris pour ce qu’il est avant tout : un programme pour un second mandat

Bien sûr, tout n’est pas rose dans ce budget qui prévoit aussi des coupes pour la NASA ou l’Agence de protection de l’environnement, de même que les baisses des aides aux logements, et qui souhaite baisser le taux d’imposition des entreprises (en échange toutefois de l’élimination de nombreuses niches fiscales). Mais ce budget, qui prévoit un déficit de 901 milliards de dollars (5,5 % du PIB), se caractérise principalement par la volonté de la Maison Blanche de privilégier la relance sur les coupes budgétaires tous azimuts, notamment dans les programmes sociaux, ce que désirent les républicains.

Taux de chômage aux USATaux de chômage aux USA
Comme le fait remarquer l’éditorial du New York Times, « le budget présidentiel pose les bases d’une réduction du déficit budgétaire sur le long terme, mais sa priorité immédiate est d’encourager le redémarrage économique qui pointe son nez. Au lieu d’équilibrer le budget sur le dos des pauvres, il augmente l’imposition des riches et des grandes banques, tout en éliminant des niches fiscales profitant aux grosses entreprises ».
Avec le chômage qui a enfin amorcé sa baisse (deux millions d’emplois créés en un an), des taux d’intérêts toujours maintenus à zéro par la Banque centrale et des prévisions de croissance de 3 % pour l’an prochain, l’économie américaine redresse doucement le nez.

Curieusement – ou peut-être pas –, cette situation fait écho à une publicité très remarquée, qui a été diffusée lors du Super Bowl, la finale du championnat de football américain, le 5 février dernier. Il s’agit d’un spot pour la marque automobile Chrysler, dont le narrateur est Clint Eastwood et qui annonce : « Nous sommes à la mi-temps en Amérique. » Sous-entendu : nous avons entamé notre redressement économique, il ne faut pas s’arrêter maintenant et il faut faire les bons choix. Sachant que Chrysler avait été sauvé de la banqueroute par l’administration Obama (contre l’avis des républicains qui prônaient le laisser-faire), cette publicité a été interprétée comme un soutien et un remerciement aux politiques interventionnistes et de relance de l’économie du président actuel.

Barack Obama, qui s’était moqué de la dégradation de la note américaine à l’été dernier, a donc clairement choisi de mener la campagne pour sa réélection sur le thème de la relance de l’économie par l’investissement et de ne pas écouter les sirènes de l’austérité. Même si sa proposition de budget ne sera jamais votée en l’état par le Congrès, ce document doit être pris pour ce qu’il est avant tout : un programme pour un second mandat. Et un programme qui offre une alternative claire entre conservateurs, arc-boutés sur la réduction du déficit, et progressistes, plus soucieux de justice sociale et de création d’emplois. Un choix loin d'être aussi clair aujourd'hui en France, et même en Europe.

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