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L’opposition en Algérie pose des conditions au dialogue proposé par le pouvoir

En préalable à toute discussion, partis d’opposition et société civile exigent, notamment, la libération des « détenus politiques ». 

Le Monde avec AFP  Publié Le Monde 22 juillet 2019

 

Des partis d’opposition algériens ont posé, dimanche 21 juillet, des conditions au dialogue proposé par les dirigeants, dont la libération des « détenus politiques » et le départ du « système » au pouvoir, des revendications du mouvement de contestation qui secoue l’Algérie depuis février.

« Aucune initiative politique et aucun dialogue ne sont envisageables sans la satisfaction » de certaines « exigences » comme la libération des « détenus politiques », l’ouverture du champ politique et médiatique et le départ des figures du régime, ont estimé ces partis dans un texte commun.

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Ces partis d’opposition, qui ont établi le 26 juin un Pacte politique pour une véritable transition démocratique, regroupent notamment le Front des forces socialistes (FFS, plus ancien parti d’opposition, 14 députés sur 462), le Parti des travailleurs (PT extrême gauche, 11 députés) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, parti laïc, 9 députés).

Le président par intérim Abdelkader Bensalah, au pouvoir depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, a proposé début juillet un dialogue national pour préparer la présidentielle dans lequel ni les autorités ni l’armée ne seraient impliquées.

Le président par intérim Abdelkader Bensalah, au pouvoir depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, a proposé début juillet un dialogue national pour préparer la présidentielle dans lequel ni les autorités ni l’armée ne seraient impliquées.

Issue à la crise politique

Mais ce bloc de l’opposition, en faveur d’un processus de transition politique et porteur d’une initiative dite « démocratique », craint qu’une issue à la crise politique qui ne passerait que par l’organisation d’une présidentielle ne consacre en fait la continuité du système.

Mi-juin, une centaine d’organisations de la société civile algérienne avait appelé à une « transition de six mois à un an maximum » pilotée par une ou des personnalités consensuelles.

Plus proche, sur le principe, des positions avancées par le président par intérim Abdelkader Bensalah, l’une des organisations, le Forum civil pour le changement (FCC), a proposé mercredi une liste de 13 personnalités pour trouver une issue à la crise politique, parmi lesquels d’anciens responsables – les deux ex-premiers ministres Mouloud Hamrouche et Mokdad Sifi –, des avocats et des militants des droits humains. L’initiative avait été « accueillie favorablement » par M. Bensalah.

 

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Plusieurs de ces 13 personnalités ont exigé des conditions préalables avant tout dialogue, notamment la libération des prisonniers d’opinion et l’ouverture du champ médiatique.

Plusieurs manifestants ont été récemment placés en détention préventive à Alger pour avoir contrevenu à l’interdiction de porter le drapeau culturel amazigh (berbère) dans les manifestations. Lakhdar Bouregaâ, un célèbre vétéran de la guerre d’indépendance, a également été placé en détention préventive fin juin après avoir été inculpé d’« outrage à corps constitué et atteinte au moral de l’armée ».

TRIBUNE

José Garçon

experte à la Fondation Jean-Jaurès.

Désormais seul face à la pression de la rue, l’état-major algérien est en proie à une guerre ouverte au sommet, analyse, dans une tribune au « Monde », l’experte à la Fondation Jean-Jaurès et spécialiste de l’Algérie.

Publié le 11/14 juillet 2019

Tribune. Cinq mois après le début d’un soulèvement dont le pacifisme, la détermination et la maturité ne se démentent pas – en témoigne l’immense manifestation du 5 juillet, date coïncidant avec l’anniversaire de l’indépendance du pays –, l’Algérie est dans l’impasse.

Alors que le mandat du chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah a expiré le 9 juillet, le commandement militaire s’obstine à répondre à l’exigence populaire d’un changement de système en tentant d’en imposer un replâtrage pour ne pas renoncer à la domination qu’il exerce depuis 1962.

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Les contestataires peuvent pourtant se prévaloir d’au moins trois acquis majeurs. Malgré leurs divergences, ils ont résisté aux provocations qui cherchent à les diviser en réinstaurant les clivages idéologiques et identitaires, la dernière en date visant à bannir les drapeaux berbères ! En redonnant aux Algériens confiance en eux-mêmes, le soulèvement a d’autre part consacré le réveil politique d’une société qui se bat et débat, espère et fait preuve d’une vitalité et d’une créativité impressionnantes.

Passé plus inaperçu, le troisième acquis marque un changement décisif dans le fonctionnement du système car il touche aux deux constantes qui lui ont permis de se maintenir et de se perpétuer depuis l’indépendance en 1962 : une discrétion des chefs militaires proche de la clandestinité et une capacité à ne jamais laisser les luttes de clans atteindre un point de non-retour.

Ce sont précisément ces deux « garanties » de la pérennité du régime qui ont volé en éclats. Car, en précipitant la désintégration d’un système et d’institutions à bout de souffle, le soulèvement l’a laissé adossé sur sa seule et véritable colonne vertébrale : l’armée. En témoigne l’omniprésence d’un Ahmed Gaïd Salah, qui cumule de facto les fonctions de chef d’état-major, chef de l’Etat et chef des services de renseignement.

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Théâtre d’ombres

La suprématie de l’institution militaire – qui, depuis 1962, a exercé la réalité du pouvoir sans partage, sauf avec les services de renseignement – est, certes, un secret de polichinelle dans un pays où tous les gouvernements tiennent leurs charges des militaires et ne sont donc pas comptables devant le peuple. L’affichage public de cette suprématie est en revanche inédit.

En effet, cette armée-Etat a toujours veillé à se dissimuler derrière une apparence de pouvoir civil – le FLN pendant un quart de siècle puis un pluralisme de façade à partir de 1989. Ce théâtre d’ombres aura valu garantie d’impunité à des hauts gradés qui ont veillé à demeurer une société anonyme pour n’avoir jamais à rendre de comptes.

Se retrouver seul en scène est dès lors périlleux pour un commandement qui refuse d’assumer son pouvoir mais entend continuer à en tirer les ficelles – captation de la rente oblige et volonté d’empêcher la réouverture des dossiers de la « sale guerre » de la décennie 1990, l’une de ses hantises.

Le second tournant réside dans la mise sous les verrous du général Toufik Mediène, ex-tout puissant patron des services secrets pendant un quart de siècle, ainsi que de son successeur Bachir Tartag. Tentative de faire diversion en offrant des têtes au peuple, leur détention est plus prosaïquement la conséquence d’une guerre ouverte au sommet qui consacre l’explosion de l’autre règle d’airain du régime : l’obligation de trouver au final – et quelle que soit la férocité des conflits interclaniques – un consensus, fût-il a minima, entre des clans aux contours mouvants dont les membres testaient leur force, se surveillaient, coopéraient, s’affrontaient, tentaient de renforcer leur pouvoir par tous les moyens et… se neutralisaient.

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Au cœur de la sale guerre, un haut responsable théorisait ce principe érigé en dogme en évoquant « l’existence d’une ligne rouge absolue : préserver quoi qu’il arrive la cohésion de la famille, condition pour que nos enfants puissent, demain, nous succéder ».

Ce fonctionnement explique à la fois l’immobilisme observé et la… reproduction d’un système verrouillé où la relève des postes de commandement se fait par cooptation. C’est ce « modèle » qui a permis au pouvoir de rester jusqu’ici solidaire face à l’adversité, c’est-à-dire face à une société qu’il méprise et craint à la fois.

Toute la digue a cédé

Certes, l’absurde tentative de reconduire un Bouteflika subclaquant faute d’accord sur son successeur avait montré que ce consensus tout comme l’homogénéité des « services » avaient largement vécu.

Mais, avec l’emprisonnement du général Mediène et de ses soutiens, c’est toute la digue qui a cédé, publiquement de surcroît, donnant l’impression que « le régime ne survit plus que par amputations successives », pour reprendre une expression de l’opposant Hocine Aït Ahmed.

Arc-bouté sur une vision du monde bureaucratique et sécuritaire, l’état-major continue pourtant à faire comme si ces bouleversements ne lui imposaient pas une révision déchirante. Il s’échine à maintenir la fiction d’une armée arbitre et en aucun cas actrice alors qu’il se retrouve seul face à une rue dont la pression est telle que les acteurs sur lesquels le régime a l’habitude de s’appuyer sont, eux-mêmes, contraints de présenter des propositions s’inspirant des aspirations populaires…

L’armée finira-t-elle par comprendre qu’il est dans l’intérêt du pays – et de sa propre cohésion – de trouver une porte de sortie ?

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D’autant que tout recours à la violence, dont on entrevoit de plus en plus la tentation, provoquerait de sévères remous dans les rangs d’une institution qu’on sait divisée, surtout depuis les arrestations en 2018 de cinq généraux-majors, dont trois chefs de régions militaires, à la suite d’une sombre affaire de trafic de cocaïne.

L’absence de toutes prémices d’un dialogue susceptible de déboucher sur un processus de transition organisée de manière démocratique rend difficile toute prévision. Pourtant, en dépit de ces incertitudes, l’insurrection a d’ores et déjà rendu irréversible la question qui se pose depuis l’indépendance du pays et que l’état-major feint d’ignorer : celle du rôle des institutions. Et de l’armée.

 

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