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Le collectif de jeunes "Tamazgha Builders" redonne vie aux maisons traditionnelles amazighes

Le collectif de jeunes "Tamazgha Builders" redonne vie aux maisons traditionnelles amazighes

Huffpost Algérie | Par Latifa Abada

Publication: 05/10/2016 11h43 CEST Mis à jour: il y a 5 heures

Mû par la volonté de restituer un patrimoine architectural ancestral, le collectif"Tamazgha Builders" dont les membres sont des étudiants en architecture et tourisme, a lancé au mois d’août dernier le premier chantier participatif d’architecture vernaculaire. L’objectif : reconstruire les vieilles maisons traditionnelles du village d’Ibakouren à Bejaïa.

Daouia est une jeune étudiante en fin de cycle à l’université d’architecture de Bejaïa. Elle et son binôme de la thèse de fin d’étude sont les initiateurs du collectif et du chantier. elle confie que l’idée de créer le collectif Tamazgha Builders et le chantier est intervenue simultanément. Elle est principalement née d’un constat

"Avec mon binôme nous avons remarqué que durant nos 5 ans d’études nous n’avons pas eu un seul module sur le patrimoine architectural local. Pourtant nous disposons d’un riche héritage bâti. C’est ainsi que nous avons décidé avec des amis de créer ce collectif et par son biais lancer des chantiers d’architecture pour la protection du patrimoine architectural dans la mesure de nos moyens", indique Daouia co-fondatrice du collectif.

Le premier chantier d’architecture vernaculaire du collectif "Tamazgha Builder" a eu lieu au village d’Ibakouren dans la commune d'Amizour en août 2016.

Les participants au nombre de 35 sont venus de tout le territoire national et de l’étranger notamment la Tunisie et la France. "Nous avons passé un appel à participation sur Google. Ceux qui veulent y prendre part devaient répondre à un questionnaire, c’était pour nous une manière d’évaluer la volonté de chacun à se joindre à l’initiative, et à notre grande surprise plus de 200 personnes ont répondu à l’appel et 35 ont été sélectionné", précise la jeune étudiante.

Ce chantier d’architecture vernaculaire s’est concrétisé par l’approbation de l’association sociale d’Ibarouken.

Les membres du collectif ont soumis une demande au niveau du village qui a été approuvée. "Le village d’IBAKOUREN est ma terre natale mais il fallait quand même expliquer l’initiative aux gens car les participants allaient être hébergés au sein du village. Les villageois ont accueilli le chantier avec beaucoup d’enthousiasme, certains se joignent à nous d’autres nous apportaient à manger…etc." se souvient Daouia.


Un premier chantier expérimental

Pour cette première édition, les membres du collectif ont reconstitué une maison traditionnelle vieille de 200 ans. Celle-ci en ruine depuis plusieurs années est un modèle type de la maison vernaculaire amazigh. "L’objectif de ce premier chantier est de vulgariser l’architecture vernaculaire. Avant de se lancer dans la restauration, il fallait connaitre les composants de cette maison et son fonctionnement qui sont très particuliers. Les vieux du village ont hélas emporté leur savoir avec eux dans leur tombe et les héritiers de ces maisons ont préféré construire en dur. Ce qui est à l’origine du manque d’informations sur ces anciennes maisons", se désole Daouia.

Des ateliers sur le fonctionnement de la maison amazigh ont été animés avant de lancer les travaux par le père et l’oncle de Daouia. "Mon père biologiste et son frère chef de chantier à Djanet, sont les fils d'un maçon. De leur père, ils tiennent ce savoir précieux sur le fonctionnement et les composants de la maison traditionnelle. Grâce à ces ateliers nous avons acquis des connaissances qui nous ont permis tout au long du chantier de rester fidèles aux modèles initiaux. Reproduire ce que faisaient nos aïeux", souligne Daouia.

Une maison intelligente

La population amazighe utilisait dans la construction de ses foyers des matériaux naturels et agençait son architecture de telle manière à ce qu’elle soit fonctionnelle.

"La maison vernaculaire amazighe est comme un rectangle divisée en deux. Dans la première partie on trouve la cuisine, au milieu un plan de travail en dur et on y voit des niches dans le mur qui servent de rangement. Entre les deux pièces on y place le four ou "el Kanoun" en arabe qui fait aussi office chauffage en hiver", explique Daouia.

Quant à la seconde moitié de la maison, "c’est une mezzanine, le rez-de-chaussée s’appelle "Adaynine" où sont logés les animaux.

Au-dessus il y a la pièce où dorment les membres de la famille, indique Daouia en précisant que l’organisation des pièces de la seconde partie de la maison n’est pas sans intérêt, la chaleur animale permet de chauffer les pièces au-dessus.

Une fois le fonctionnement de la maison traditionnelle amazighe expliqué aux participants, vient le volet technique à savoir les composants de la maison traditionnelle.

Une maison durable

La maison amazighe est construite avec des matériaux naturels à savoir l’argile blanche, la terre et les excréments d’animaux.

L’hiver est la saison de la construction pour plusieurs raisons. La pierre qui sera broyée et transformée en argile blanche est humidifié par les pluies et devient malléable donc facile à travailler. La bouse de vache produite en hiver est de meilleure qualité car la fraicheur de l’herbe lui donne plus de robustesse, apprend-on encore auprès de Daouia.

C’est justement toutes ces particularités de la maison amazighe qui ont imposé aux membres du chantier une rigueur absolue.

Les travaux ont commencé par la récupération de la pierre de la maison, le mortier et les tuiles. Cette dernière a été une mission difficile car selon Daouia, ce modèle de tuile ne se fait plus. "Avant les tuiles berbères étaient moulées sur les cuisses des femmes, cette méthode traditionnelle ne se pratique plus donc il fallait faire très attention au moment de les récupérer pour ne pas les abimer", souligne-t-elle.

Un atelier menuiserie a été mis en place, pour rénover tout ce qui est poutres et chevrons et fabriquer les portes et fenêtres en bois.

Le reste de l’équipe s’occupait de la reconstruction de la maison.

Au bout de 10 jours, la maison a retrouvé, en partie, son aspect d’antan. Daouia se souvient d’une expérience humaine et solidaire "à travers cette initiative et celles qui suivront nous aspirons à inciter d’une part d’autres étudiants comme nous à s’intéresser à leur patrimoine architectural et d’une autre part à interpeller les autorités sur sa détérioration".

Le collectif "Tamazgha Builders" ne va pas s’arrêter là. La deuxième édition du chantier participatif d’architecture vernaculaire est déjà en préparation. Selon l’étudiante-architecte, celle-ci comptera plus de participants et touchera plusieurs maisons. "Nous essayons de trouver un sponsor afin de nous financer car la première édition a été financé par les participants eux-mêmes, et le budget collecté a servi à l’achat du matériel et autres. Avec une aide financière nous seront plus efficients", conclut-on.

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