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Primaires démocrates: Clinton l’emporte, Sanders s’emporte

Hillary Clinton, première femme investie pour la candidature à la présidentielle américaine. © Reuters
Hillary Clinton, première femme investie pour la candidature à la présidentielle américaine. © Reuters

9 JUIN 2016 | PAR IRIS DEROEUX

Hillary Clinton a remporté quatre des six élections primaires organisées mardi. Ces victoires lui permettent de filer vers l’investiture démocrate pour la présidentielle. Mais le chemin reste tortueux, en raison de la détermination de Bernie Sanders, qui a annoncé vouloir rester dans la course.

New York, de notre correspondante.- « Nous venons de marquer l’histoire », a déclaré Hillary Clinton, mardi soir. Un pin’s a même été immédiatement lancé pour célébrer l’événement : History Made, y lit-on, disponible contre une contribution à sa campagne. Le ton est donné. D’ici à la présidentielle de novembre l’accent sera mis sur la nature « historique », donc, de cette candidature. Car après ses victoires, mardi, aux primaires de Californie, du New Jersey, du Nouveau-Mexique et du Dakota du Sud, Hillary Clinton devrait en effet devenir la première femme jamais investie par un grand parti américain pour une élection présidentielle.

Comme l’écrit Gail Collins, l’éditorialiste du New York Times au ton pince-sans-rire, les plus jeunes s’en fichent peut-être un peu puisqu’on leur rebat les oreilles avec le parcours d’Hillary Clinton et les plafonds de verre qu’elle fait voler en éclats depuis les années 2000. Mais cette victoire a quelque chose de savoureux quand on se souvient qu’en 1869, la militante Susan B. Anthony a été arrêtée et menottée pour être allée voter alors que la loi l’interdisait aux femmes.

Récapitulons : dès lundi, l’agence Associated Press assure, après avoir sondé les super-délégués (alors que certains d’entre eux ne se sont pas encore publiquement prononcés sur le candidat de leur choix), qu’Hillary dispose déjà du nombre de voix suffisant pour remporter l’investiture de son parti. Les candidats démocrates comme la presse sont embêtés : ils avaient prévu une grande journée électorale le mardi, avec six élections primaires au menu et un match serré entre Clinton et Sanders en Californie… Non seulement la journée s’annonce beaucoup moins excitante que prévu, mais en plus cette dépêche risque de démobiliser l’électorat.

L’annonce d’AP en étonne donc plus d’un. Sur le site The Intercept, l’avocat et journaliste Glenn Greenwald fulmine. Cette dépêche illustre selon lui parfaitement les dysfonctionnements de la machine démocrate voire du système politique américain tout entier. « Voilà la nomination décrétée par un média, un jour où personne n’a voté, en se fondant sur les discussions secrètes qu’a eues ce média avec des membres de l’establishment démocrate et des donateurs, dont l’identité ne nous sera pas révélée, ce qui est incroyable », écrit-il.

De fait, le rôle et l’existence même des super-délégués sont au cœur de débats houleux depuis des mois. Pour rappel, il s’agit de 719 cadres du parti démocrate, choisis en fonction de leur rang, ayant le droit de voter pour le candidat de leur choix le jour de la convention. A la différence des délégués « classiques », qui doivent respecter le vote populaire qui s'est exprimé dans leur État, eux sont libres de leur choix.

Critiquant ce système peu démocratique, Bernie Sanders leur reproche de s’être massivement rangés derrière Hillary Clinton dès les débuts de sa campagne, sans prendre en compte son succès populaire. Plus de 500 super-délégués ont en effet rapidement indiqué soutenir Clinton. Ces dernières semaines, il a ainsi dit et répété qu’il restait dans la course afin de convaincre des super-délégués de changer d’avis, de se ranger derrière lui, cela pouvant éventuellement donner lieu à une convention contestée.

Sauf qu’à ce stade, après les élections primaires de mardi, quasiment les dernières, cet argument est faible, voire « mort » pour reprendre les mots de Vice, le média américain de prédilection des 18-25 ans. Hillary Clinton a remporté ce mardi une majorité du vote populaire : les super-délégués iraient donc à l’encontre du souhait exprimé par une majorité d’électeurs en changeant de camp.

Pourtant, Bernie Sanders n’en démord pas. Mardi soir, il a indiqué vouloir poursuivre sa campagne jusqu’à la convention qui s’ouvrira le 26 juillet à Philadelphie. « Je ne suis pas trop mauvais en arithmétique, a-t-il déclaré lors d’un discours prononcé à Santa Monica, en Californie. Je sais que la bataille qui nous attend est rude, mais nous continuerons de nous battre pour chaque vote, chaque délégué supplémentaire qu’on peut obtenir. »Pourquoi ?

Option 1. On peut supposer qu’il pense à une éventuelle mise en examen d’Hillary Clinton dans les semaines à venir, en lien avec l’affaire de ses mails (nous en parlons ici) ; ce qui pourrait ouvrir la voie à sa nomination. C’est peu probable, mais pas totalement impossible (lire ici une enquête du site Politico étudiant une douzaine de cas comparables à celui des mails de Clinton, dont une poignée seulement a donné lieu à une inculpation).

Option 2. Bernie Sanders veut user de son influence nouvelle au sein du parti lors de la convention en y obtenant une remise à plat des règles encadrant les primaires, notamment une réflexion sur le rôle des super-délégués. Pour peser en ce sens, il estime donc utile de rester dans la course jusqu’au bout.

Sauf que le sénateur du Vermont risque aussi de gaspiller son pouvoir de négociation s’il reste dans la course sans formuler d’objectifs précis. À ce stade, sa stratégie divise même au sein de ses soutiens. Il y a une part d’irréductibles, qui se rangent derrière le slogan« Bernie ou rien »et refusent l’idée de devoir soutenir Clinton.

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On trouve aussi nombre de jeunes, notamment des jeunes femmes, qui estiment que cet affrontement va trop loin et qu’il y a une part de misogynie dans la haine que vouent « les Bernie Bros » (les « gars pro-Bernie ») à Hillary Clinton. « Je n’aurai pas de problème à voter pour Hillary Clinton en novembre, je serai même fière. Tout sauf un président républicain », nous dit Shay, 24 ans, étudiante à l’université du Michigan. Même chose pour Elise, 20 ans, qui rêve, elle, « du duo Hillary Clinton-Elisabeth Warren, le seconde devenant candidate à la vice-présidence ». Si des rumeurs circulent sur un rapprochement entre la candidate à la présidentielle et la sénatrice championne des causes progressistes, rien n’a été annoncé à ce jour.

Dans les jours et les semaines à venir, le camp démocrate va donc devoir trouver les moyens de se réconcilier. Cela peut se faire en plusieurs temps, de plusieurs façons. Il y a d’une part le rôle d’arbitre que peut jouer Barack Obama, qui rencontrera Bernie Sanders – à la demande du sénateur, jeudi, à la Maison Blanche.

Il y a ensuite les efforts que peut fournir Hillary Clinton, à la fois en insistant sur des politiques publiques satisfaisantes pour l’aile gauche du parti, mais aussi en s’ouvrant, en se montrant plus transparente, afin de calmer la critique de gauche comme de droite. À quand la publication des fameux discours qu’elle a prononcés devant de grandes banques pour un prix faramineux, aux lendemains de la crise financière ? À quand une conférence de presse, après des mois de silence ? La campagne pour les présidentielles est encore longue et son évolution reste définitivement incertaine.

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