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Chine: Xi Jinping continue de renforcer son pouvoir

Xi Jinping partageant une bière au pub avec David Cameron lors de sa visite d'État en Grande-Bretagne en octobre 2015 © Georgina Coupe
Xi Jinping partageant une bière au pub avec David Cameron lors de sa visite d'État en Grande-Bretagne en octobre 2015 © Georgina Coupe

23 DÉCEMBRE 2015 | PAR GILLES TAINE

L'année 2015 a marqué une étape fondamentale dans la révolution silencieuse menée par le nouvel homme fort de la République populaire de Chine. Répression de la société civile, purges, centralisation du pouvoir, sont autant d'éléments clefs du style de gouvernement du secrétaire général du Parti.

Début décembre 2015, les ONG de défense des droits des ouvriers de la province du Guangdong ont été victimes de raids coordonnés des forces de sécurité qui ont conduit à l'interrogatoire d'une vingtaine de militants. Aujourd'hui, sept d'entre eux sont toujours en détention, certains accusés d'avoir « assemblé une foule pour troubler l'ordre social », d'autres n'ayant pas même encore été inculpés. Les militants ouvriers ne sont que les dernières victimes de la folie répressive du régime qui s'est abattue sur l'ensemble des acteurs de la société civile chinoise au cours de cette année de la chèvre, après les féministes en mars,les avocats en juillet et les chrétiens en août.

L'année chinoise prenant fin en février 2016, il reste encore deux mois au gouvernement pour s'en prendre aux seuls rescapés de cette persécution, les écologistes. La répression contre les figures emblématiques de l'opposition au pouvoir chinois, entamée dès 2008 avec l'arrestation de Liu Xiaobo, devenu par la suite prix Nobel de la paix en 2010, s'est accélérée après l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012 avec les condamnations successives du professeur de droit Xu Zhiyong, de la journaliste Gao Yu et du professeur ouïghour Ilham Tohti. Elle a connu un nouveau chapitre avec la tenue du procès de l'ancien avocat de l'artiste Ai Weiei, Me Pu Zhiqiang, condamné à trois ans de prison avec sursis et qui ne pourra plus exercer sa profession, et la condamnation du militant Guo Feixiong à six ans de prison fin novembre.

Alors que les ouvriers étaient arrêtés dans le Guangdong, on apprenait que l'homme d'affaires Xu Ming, multimillionnaire proche allié de Bo Xilai, était mort en prison d'une mystérieuse crise cardiaque alors qu'il était en parfaite santé selon sa famille. Quelques jours plus tard, Guo Guangchang, autre milliardaire président du groupe Fosun (qui a récemment racheté le Club Med), disparaissait mystérieusement avant de réapparaître quelques jours plus tard après avoir « aidé les autorités dans une enquête ». M. Wang n'est que le dernier d'une série de riches hommes d'affaires chinois à avoir été interrogés et parfois détenus par les autorités dans le cadre de la lutte contre la corruption.

Il apparaît donc que l'allégeance politique et le fait d'être perçu comme une menace réelle ou imaginaire par les autorités sont les deux critères principaux que le régime utilise pour écraser ses adversaires. Simple militant ou riche homme d'affaires, mieux vaut bien choisir ses appuis au sein du Parti et suivre la ligne politique fixée par le pouvoir central pour éviter les ennuis. La difficulté résidant dans le fait que cette ligne change souvent.

Au niveau politique, le renforcement de la position du secrétaire général par rapport aux autres membres du comité permanent se traduit par son omniprésence à la tête des différentes structures clefs qui dirigent le pays. Outre ses rôles traditionnels de président de la république et de chef de la Commission militaire centrale, Xi s'est également placé à la tête de deux structures qu'il a lui-même créées, le Conseil national de défense et le Groupe dirigeant pour l'approfondissement des réformes, ce qui lui permet d'étendre un peu plus son pouvoir décisionnel en matière de sécurité et d'économie.

Alors que sous Jiang Zemin et Hu Jintao, chaque membre du Comité permanent avait son domaine réservé, le Premier ministre se chargeant notamment des questions économiques, cette répartition des rôles semble brouillée sous Xi Jinping. À l'exception de la question de la lutte contre la corruption, solidement entre les mains de Wang Qishan, les autres sujets semblent être entre les mains du président. Steve Tsang, professeur d'études sur la Chine contemporaine à l'université de Nottingham joint par Mediapart, explique : « Il est indéniable que Xi Jinping est un dirigeant plus fort que son prédécesseur. Toutefois, il n’y a pas de signe apparent d’une scission entre le président et son Premier ministre. Li Keqiang semble accepter son rôle subalterne. »

« L'institutionnalisation » du système initiée par Deng Xiaoping, selon laquelle les hauts cadres dirigeants prenaient leur retraite à un certain âge, ne pouvaient en aucun cas exercer plus de deux mandats, cessaient de s'immiscer dans les affaires de l'État une fois à la retraite et choisissaient leurs successeurs par consensus, semble mise à mal par Xi.

«Xi fait ce choix parce qu'il est pressé de mettre ses réformes en œuvre»

Selon Andrew Nathan, professeur de sciences politiques à l'université Columbia et théoricien de ce concept joint par Mediapart, « Xi est en train de modifier ces pratiques en concentrant le pouvoir entre ses mains. Il contrôle tout. À mon avis, Xi fait ce choix parce qu'il est pressé de mettre ses réformes en œuvre. Il ne s'agit pas de réformes progressistes comme souhaiteraient en voir l'Occident, mais il s'agit bien de réformes profondes. Il semble qu'il souhaite renforcer le rôle des entreprises d'État, accentuer la politisation du système juridique en faisant des tribunaux l'outil de la répression politique, rappeler les artistes et les universitaires à l'ordre en multipliant les directives politiques à leur encontre, extirper la corruption du système en changeant la manière dont la bureaucratie travaille et moderniser l'armée. En détruisant le système institutionnalisé par Deng, il fait dépendre la survie du régime de sa capacité à supporter une énorme charge de travail, prendre les bonnes décisions et ne pas faire de grosses erreurs. C'est une attitude très dangereuse, qui risque de créer de nombreux problèmes au pays ».

Une autre caractéristique de la Chine sous Xi Jinping est de vouloir peser davantage sur la scène internationale, voire d'exporter une partie de son modèle. Là où ses prédécesseurs insistaient sur « l'émergence pacifique » du pays et s'insurgeaient contre la volonté de l'Occident d'exporter ses valeurs, Xi joue davantage la carte nationaliste, tenant des positions plus fermes sur les conflits territoriaux avec ses voisins et vantant plus ouvertement les avantages du système chinois.

Lors de la deuxième Conférence mondiale de l'Internet qui s'est tenue dans la province du Zhejiang du 16 au 18 décembre 2015, le président chinois a réitéré la nécessité de« respecter la souveraineté dans le cyberespace » et d'établir un système de gouvernance mondiale de l'Internet où la Chine et ses 650 millions d'utilisateurs joueraient un rôle de premier plan. Il souhaite promouvoir la régulation de l'Internet à la chinoise, qui permet de « protéger les intérêts légaux des individus et des entreprises qui utilisent l'Internet, aussi bien en Chine qu'à l'étranger ». À l'heure où la question d'un plus grand contrôle de l'État sur l'Internet est de plus en plus soutenue par les gouvernements en Europe et aux États-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme, Xi en profite pour faire la promotion du système de censure le plus élaboré au monde, le sien.

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Ces prises de position plus fortes et cette volonté d'intervenir dans les relations internationales visent à flatter les tendances nationalistes de la société chinoise, pour limiter les critiques à l’encontre du Parti. Steve Tsang affirme qu’« il est évident que le pouvoir souhaite renforcer le rôle de la Chine dans les relations internationales. L’investissement total de Xi Jinping dans la promotion de la politique des "nouvelles routes de la soie" [qui vise à renforcer la coopération entre la Chine et ses voisins par voie terrestre à l’ouest et par voie maritime au sud – ndlr] souligne cette volonté d’engagement. Une politique étrangère forte est fondamentale pour assouvir la soif nationaliste du régime, qui peut être apparentée aux nationalismes européens de la fin du XIXe siècle. »

2015 aura donc été l’année de la consécration pour Xi Jinping. Par l’écrasement des voix dissonantes, la poursuite et le renforcement de la lutte contre la corruption qui a cette année conduit à la condamnation de Zhou Yongkang, plus haut dignitaire du régime emprisonné depuis la bande des quatre, et le développement d’une politique étrangère conquérante, la nouvelle direction a apporté plus de changements en deux ans que la précédente en dix. Reste à savoir si cette politique musclée, qui multiplie par ailleurs les abus (comme le soulignent les 17 pages d’observations finales du Comité contre la torture des Nations unies publiées le 9 décembre dernier), permettra de consolider le régime ou constitue son chant du cygne.

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