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9 Novembre 2015
Par Mohamed Bouhamidi
In Impact24 le 08.11.2015 22:30
La réalité des grands tournants politiques se manifeste souvent dans des détails.
L’un d’eux nous vient du Salon du Livre.
Transformé en une manifestation envahissante de pub pour sa politique de son invité d’honneur, la France, ancienne puissance coloniale.
Du jamais vu, même avec les USA, en 2014.
On a retenu sous douane, jusqu’à la veille de la clôture, vingt exemplaires d’un livre sur la vie de Mahmoud Latrèche, algérien né au Moyen- Orient, militant des partis communistes de Palestine et du Liban, une grande figure du mouvement de libération arabe et de la libération sociale.
Cette censure pas du tout accidentelle et totalement passée sous silence, a conféré, à mes yeux, à la lettre des dix-neuf personnalités algériennes une allure d’incohérence dans son reproche-clé d’abandon du «droit de préemption» de l’Etat dans les cas de revente des entreprises économiques de droit algérien.
Les gouvernements successifs ont concédé au FMI, aux experts étrangers, à l’Union européenne et singulièrement la France, le «droit de préemption» sur les choix culturels, économiques, voire politique de l’administration algérienne.
La crise vient juste de démontrer l’artifice pour l’égo de ce droit de préemption pour un Etat bridé par ces institutions du capitalisme mondialisé et financiarisé.
Dans la tête de ceux qui ont décidé de nous mettre dans le maillage de cet ordre mondial du capitalisme, la seule issue aux problèmes créés par cette orientation, c’est encore plus d’insertion et donc plus de mondialisation et moins de «national». Plus d’espoirs illusoires d’IDE et encore moins d’Etat dans l’économie, le social, le culturel et, donc, dans le politique.
L’abandon du droit de préemption n’est pas un revirement ou une trahison des actuels responsables. Il est l’aboutissement logique du choix fondamental d’une insertion sans réserve dans l’économie de marché, accomplie par l’accord d’association avec l’UE. Il suffisait juste que les circonstances et la crise agissent pour provoquer la poussée de cette logique et montrent que certaines composantes du pouvoir croyaient à un droit de leur «préemption privée» alors que pour d’autres, il ne s’agissait que d’une concession en attendant un autre rapport de forces.
Mais cette insertion et ces accords ne pouvaient se réaliser sans entraîner des changements au sein de la structure de l’économie, du commerce, de la prééminence de la loi du profit personnel et, donc, de la contradiction entre le caractère social de source d’enrichissement qu’est le pétrole et le caractère de plus en plus privé de son accaparement.
Faut-il des signes pour le comprendre? Avec l’argent de tous les citoyens, le gouvernement subventionne le mazout importé pour permettre aux concessionnaires de vendre leurs voitures. Avec le même argent, il leur construit des autoroutes et des réseaux superflus avec moins de voitures et plus de transports publics modernes et confortables. Il dépense plus d’argent en bitumes.
Notre ministre du Commerce vient d’annoncer que 30% des valeurs d’importation sont transférés illégalement (1), soit près de dix-huit milliards de dollars par an, faites le calcul sur les 10, 15 dernières années.
La crise a changé le rapport de force. Elle a entraîné la défaite devant les artisans de la mondialisation sans complexe et sans réserve des partisans du droit de préemption au profit d’opérateurs algériens, entendus opérateurs privés et publics mais entendus surtout privés avec la mobilisation de l’argent public, et la défaite des forces qui les soutenaient au sein de l’administration.
Cette lettre laisse entendre qu’il y a eu rupture d’un contrat garanti par le Président Bouteflika entre les deux courants, et les signataires lui font appel pour assumer son engagement de patriarche soucieux des intérêts de tous les membres du clan.
C’est croire que les tournants politiques relèvent du simple arbitraire d’un démiurge, fût-il le Président Bouteflika, et non des logiques implacables induites par les rapports de forces et par le choix de se placer dans l’ordre impérial du monde.
Non, vraiment, un livre sur la vie de Mahmoud Latrèche ne pouvait que faire tache.
M.B.
source : http://www.impact24.info/la-lettre-au-president-bouteflika/
P.S j'ai commis une erreur de calcul dans la chronique publié sur Impact24. 30% de 60 milliards de dollars d'importations par an, cela fait, 18 milliards de dollars de détroussements, fuites de capitaux et surfacturation.
j'espère que l'on pourra corriger sur Impact24.
annexe : Biographie de Mahmoud Latrèche établie par Abderrahim Taleb Bendiab.