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DEBOUT LES DAMNES DE LA TERRE !

Hamid Ait Amara, sociologue et combattant de la cause nationale
Hamid Ait Amara, sociologue et combattant de la cause nationale

Les temps changent et passent vite.

J'ai vu hier, 24 mars 2015, le Président du CNES s'adresser à la presse mondiale pour énoncer les raisons de la présence de l'Algérie "officielle" au Forum Social Mondial.

En décembre 2006 ,nous étions sur le point d'organiser la première rencontre du Forum Social Algérie et, parallèlement, sur les mêmes lieux, à Tipaza, une réunion du FS Méditerranéen.

Notre rencontre ne fut pas autorisée officiellement, puisque notre demande d'autorisation, adressée en bonne et due forme, après rencontres avec tous les responsables concernés, ne reçut jamais de réponse "officielle". Le mépris et la hogra érigés en système de traitement des demandes sociales émanant de la société civile algérienne. Paradoxe, ce que l'on nous refusa hier, c'est une délégation officielle qui se précipite au FSM de Tunis.

Avec feu Ait Amara nous avons remplacé cette grande rencontre de la société civile, par ce que avons appelé les Défis. Le premier à être organisé fut le défi Economique et social, à Tiaret, en avril 2007. C'est au retour de Tiaret que nous avons rencontré des hommes qui réclamaient leurs droits. Voici le texte de cette rencontre, en hommage à mon ami Hamid Ait Amara.

Que Dieu repose son âme en paix

*****

Sur le bord de la route, entre Sougueur et Tiaret, des hommes debout attendent. Des paysans, des jeunes, des vieux, des pères de famille, sur le bord de la route, entre Sougueur et Tiaret, attendent dans la patience de leur kachabia ocre et vigilante, comme hier, l’étaient les crêtes, à l’ombre desquelles veillaient leurs pères. Tous ces hommes étaient debout. Pancartes à bout de bras et banderoles au vent, ils attendent, je ne sais quoi. Le fruit de leur patience et la furie domptée de leurs froides impatiences que les gouvernants n’ont jamais appris à lire ou à traduire.

Ces hommes debout sont des hommes en colère.

Ils sont à bout de patience, ces trente six travailleurs de la ferme pilote Chérif Eddine, parce que, depuis 52 mois, ils ne sont pas payés.

Oui, vous avez bien lu, depuis 52 longs mois. Pas de salaire, depuis plus de quatre ans. Comment ont-ils vécu, mangé ou pas, crevé de faim ou pas, eux et leurs enfants, qui s’en est soucié ? Pendant plus de quatre longues années, ils ont essayé de se faire comprendre, ils ont lutté pour se faire entendre, promené leur désespérance au bord des poussières de cette route maudite, sourde à leurs paroles, sans jamais perdre espoir. Imperturbables vigies de notre peuple, plantées là comme l’indéracinable témoignage de l’incurie de ceux qui nous gouvernent.

Et pendant ce temps, à la barre des témoins du procès Khalifa, le secrétaire général de l’union des travailleurs de la terre, de la mer ou des airs, claironne à la face d’une juge interdite, mais pas du tout choquée, paraît-il : « j’assume !». Quelle dérision au pays des mille déraisons. Au pays de Frantz Fanon ! Le secrétaire général de l’union des travailleurs assume un faux, et personne ne dit mot. Pas même la justice sur la face de laquelle, il crache son « j’assume ». La justice joue à l’autruche et se tait !

Réveille toi Mokhtar, réveille Ben M’hidi et réveille Didouche, Zighoud et Ben Boulaid ! Et réveillez Boudiaf, El Watani.

Des hommes sont debout, sur le bord de la route qui mène de Sougueur à Tiaret, pour parler de leurs droits ; personne ne les écoute. Plus personne ne leur répond !

Mais, à Blida, tout le monde écoute, tout le monde prête l’oreille ! Les journaux sont à l’affût ; tout le monde suit, cet infernal mousselssel de la descente aux enfers d’ un système moribond, avorton d’une phénoménale révolution. Car le procès Khalifa, n’est rien d’autre que le procès de l’Algérie post indépendance. Le procès de l’Algérie telle que décrite par Omar Frantz Fanon dans « les damnés de la terre », une Algérie trabendiste, de la tête aux pieds, et dont Khalifa est le couronnement et l’ultime avortement.

Réveille toi Mokhtar et réveille les justes ! Des hommes de ton peuple, au bord de la route, entre Sougueur et Tiaret, sont debout depuis plus de quatre ans, pour faire entendre leurs voix et nourrir leurs enfants !

Alors que d’autres pillent des banques, dansent la pavane et fument le cigare de la paix à la face de mères, de femmes et de sœurs éplorées, qui n’ont pas pardonné et ne pardonneront jamais.

Pendant ce temps là, les voitures rutilantes des nouveaux nababs du pays, les khalifatocrates, aux carnassières mandibules et aux amples mangeoires, depuis quatre ans projettent cailloux et poussières, sur des hommes debout qui réclament leurs droits. Les salaires qu’ils réclament, une poussière en comparaison de la démesure Khalifale !

Un jour, sur le bord de la route, entre Sougueur et Tiaret, un homme s’est arrêté. Il a voulu entendre, il a voulu comprendre, comme il y a quarante ans, il voulait tout savoir, au sortir des prisons : comment faire fructifier la terre, restaurer les sols, redonner vie à l’envie de transformer le monde. Comprendre l’autogestion qui rendait l’âme à l’ombre de kasmate tutélaires d’un FLN ayant raté son entrée au musée de l’histoire. Il pensa : « Tandis que les travailleurs de la terre de la ferme pilote sont jetés au bord de la route, entre Sougueur et Tiaret, à Cannes, sur la Croisette, les africains sont en goguette !

Hier, nous étions à Sougueur, à l’école Djelloul Moulayet ! Les enfants étaient figés, en rang, face au drapeau. Le maitre battait cadence et les enfants levaient et baissaient les bras, face au bidonville dont les toits croulaient jusqu’à « l’oued Merda », comme l’appellent les gens d’ici. Un égout d’eaux usées, à ciel ouvert, toutes pestilences répandues, sur citoyennes et citoyens désarmés et les enfants de l’école. Il traversait la ville, de part en part, depuis plus de vingt ans, sans que personne ne parvienne à couvrir cette horreur. Et dire que nous sommes au 21 siècle ; lors que nous ne sommes qu’au temps de l’Oued Merda, sur lequel règne un maire qui porte le nom de Bombardier ! Souvenez vous du film « Carnaval fi el dechra » ! Nous sommes en plein carnaval !

Pendant ce temps là, Moumen Khalifa, se pavane et plastronne à Londres, sur le dos de la détresse des femmes, des enfants et des hommes qu’il a superbement arnaqués, avec le concours diligent de tout un système heureux d’être parvenu au pinacle de lui même : légitimer et valider le vol de tout un peuple, sans que nul ne bronche !

Pendant que je prenais note de tout ce que j’entendais, au bord de cette route entre Sougueur et Tiaret, Ahmed au chèche dénoué, à la barbe grêlée, a retenu ma main, comme pour me dire : « arrête ! ce que je vais te dire est si important devant tous mes amis, c’est comme si j’allais parler de la vie et de la mort. »

Je me suis arrêté d’écrire et tous ses compagnons se sont tus.

Il m’a alors regardé droit dans les yeux :

-

On refuse quatre années de salaires à des travailleurs qui ont effectivement travaillé pendant ces quatre années. Tout cela par la faute des mauvais gestionnaires de cette ferme pilote. Alors que Moumen Khalifa a blousé tout un Etat, consentant et a tout manigancé pour se laisser blouser ; et que, dans la foulée de l’ignominie, le patron des travailleurs, plastronne, en claironnant : « J’assume ! ». Sans que personne ne lui fasse assumer son arrogance et ses dérives, à l’heure où il faut rendre justice à ces trente travailleurs de la ferme pilote Chérif Eddine et à leurs familles, en leur versant en urgence, les salaires qui leur reviennent de droit.

Assez d’ignominie et de déni de droit ! Réveille toi Abdelhak Benhamouda : Est ce pour cela que tu as perdu la vie ?

Réveille toi Mokhtar ! Et réveille Didouche Mourad, Larbi Benm’hidi et Mostefa Benboulaid,

Réveille Yacine El Keblouti et Boudiaf El Watani,

Est-ce pour cela que tout un peuple s’est battu ?

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