One Two Three, Viva Mekhissi !

Le tricot de Mekhissi a fait couler beaucoup de salive et d’encre, car il est des gestes, tout aussi surprenants qu’inattendus, qui vous font réagir positivement ou négativement. Ils ont aussi pour fonction de révéler l’indicible et l’inconscient d’un athlète aussi entier que Mahieddine.

Entrée de la dernière ligne droite ou entrée d’un destin contraire

Tout a commencé à l’entrée de la dernière ligne droite d’un 3.000 m steeple d’anthologie. Mahieddine savait qu’il avait course gagnée ; et était champion d’Europe. Dans ce moment d’exaltation et d’ euphorie difficiles à contrôler, il enlève son maillot de l’équipe de France, pour se donner à voir dans la nudité de l’irrévélable, son combat identitaire. Ce que son camarade de club Diniz, a assumé avec simplicité et sans éclat, arrachant et brandissant un drapeau portugais, avant de franchir la ligne d’arrivée d’un 50 km impérial.

En un seul geste : deux logiques

Deux logiques s’affrontent : la conservatrice, butée sur le respect de règles tatillonnes et de valeurs surannées, à la limite de l’obsolescence ; l’autre, révolutionnaire, bousculant la première, et faisant émerger des pulsions et valeurs enfouies, inexprimées et cherchant à l’être par n’importe quel moyen. Oter son maillot et le brandir à l’arrivée d’une course triomphante, devant une foule immense, celle des spectateurs directs et celle des millions de téléspectateurs, pour rendre spontanément visible et lisible cet inexprimable de l’âme profonde.

A l’arrivée, il a lancé « One two three, viav Mekhissi » ; cri du cœur, libérateur de tous les non dits. Les non exprimables et non exprimés, sous le chaume des jours contraires. Comme d’autres, au cours de cette dernière coupe du monde, ont crié à tue tête « one two three viva l’Algérie », pour célébrer onze jeunes algériens nés en Europe, mais toujours attachés au pays des ancêtres.

Les valeurs de l’éthique sportive

En quoi sont-elles atteintes ?

Et pourquoi seraient-elles immuables ? L’humanité n’a-t-elle pas avancé grâce à de soudaines mutations, à ces sauts qualitatifs inattendus ouvrant de nouveaux espaces et imposant une dilatation nouvelle de ce qui était trop voué à l’enfermement.

Est-ce manquer de respect à ses adversaires ? Aucunement, puisque cela ne les a nullement empêché de disputer leurs chances jusqu’à la ligne d’arrivée.

En se donnant à lire dans toute sa nudité, en se libérant de ses fantômes secrets, ceux que lui-même ne peut que deviner, il donnait à son arrivée une dimension anthropologique nouvelle. Il lui donnait ce supplément d’âme dont parle avec poésie Henri Bergson. Et de rejoindre, à travers les âges, les athlètes des premiers jeux olympiques, qui, dans leur nudité ne s’embarrassaient guère d’article 125 et autres simagrées que le sport parcheminé et mis au goût d’un Léviathan impalpable mais réel, invente pour rompre avec la vie.

L’anarchie sportive

Loin de tout foutre en l’air, l’anarchie sportive, entendue en termes de système politique libérateur de toute tutelle sclérosante, peut révolutionner l’organisation politique actuelle, livrée à l’argent et au dopage.

Comment Proudhon ou Bakounine auraient-ils conçus le sport des libertaires ? Un sport démarchandisé, inventé par des athlètes libres des arcanes conçus par des hiérarques et gérontocrates d’un autre temps. Avec eux, un autre sport était possible

Mais ceci est une autre histoire, à inventer par les athlètes gestionnaires de leur propre activité.

Baghdadi Si Mohamed

Ancien Président du Comité Olympique Algérien

Comments

[moncef]

Respectueusement cheikhna el mouhtarem.