Le dramaturge Slimane Benaïssa a subjugué, lundi soir, le public du théâtre Kateb-Yacine de la ville de Tizi-Ouzou, venu nombreux assister à la deuxième représentation de sa pièce tragi-comique Babor Ghraq. Trente-cinq ans après la mise en scène de la pièce sur les planches du même théâtre, en 1983, le dramaturge, visiblement ému, revient au bercail pour émerveiller un public «connaisseur et toujours exigeant» qui l’a comblé d’ovations.
«C’est un moment fort qui me procure une grande émotion de revenir sur les planches de ce théâtre et retrouver un public connaisseur et toujours exigeant. La pièce porte en elle tous les parfums et les couleurs de cette ville. Elle a été créée dans ses rues et dans ce théâtre», dit-il. Reprenant le texte, le décor et la mise en scène initiaux, les trois acteurs, Mustapha Ayad, Omar Guendouz et Slimane Benaïssa, qui n’ont rien perdu de leur superbe, alliant authenticité et professionnalisme et campant, chacun, un personnage social reconnaissable, ont enchanté le public durant près de deux heures.
A coup de répliques allusives, parfois sibyllines, mais chargées de sens et de messages, les trois rescapés du bateau, accrochés à son épave, «au milieu de nulle part et en dehors du temps», décortiquent et analysent le monde et le nouvel ordre mondial en essayant chacun, au passage, de tirer son épingle du jeu. Moment fort du spectacle, l’envolée lyrique du dramaturge en épilogue de la pièce racontant son grand-père qui est «une conscience qui ne dort jamais», déclamée tous feux éteints et dans un silence religieux, a fait exploser l’applaudimètre.
«Nous avons vu la pièce ensemble pour la première fois en 1992 à la salle Ibn- Khaldoun, alors qu’on était encore étudiants, et aujourd’hui, c’est avec une grande émotion qu’on la revoit 26 ans après, étant mariés et parents et c’est toujours avec le même plaisir», confiera un couple accompagné de leur fille.
«C’est extraordinaire comme cette pièce garde toute sa consistance et son épaisseur en collant aux évènements d’aujourd’hui», relève pour sa part Lyes Chebli, professeur d’histoire au secondaire, qui assiste au spectacle pour la première fois.