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Réseau des Démocrates

Pourquoi le capitalisme est et sera de plus en plus violent ? de Kamel BADAOUI

 

Dans notre pays, et à l’instar de ce qui se passe dans la plupart des pays où domine l’idéologie néo-libérale, les mouvements sociaux et politiques de défense et de résistance se multiplient, se développent, et s’étendent aux diverses catégories de travailleurs et régions du pays. Les victoires ne sont pas absentes, sans être toujours au rendez-vous. Une des raisons majeures en est que la direction de l’UGTA a abandonné le combat syndical de classe et de masse, pour se spécialiser dans la « cocufication » des travailleurs. D’ailleurs, nombres des luttes des travailleurs se sont menées en dehors du cadre de l’UGTA, et, parfois même contre l’UGTA : des syndicats sont nés et gagnent en représentativité. Si l’unité syndicale reste nécessaire pour les combats à moyen et long terme, on peut observer un progrès qualitatif dans le mouvement social et syndical : la conscience grandit que, pour être victorieuses, les luttes doivent converger pour présenter un front syndical et politique tout à la fois indépendant des forces pro – libérales et réformistes, et puissant pour affronter leur réaction. Certes, la lutte paie toujours, tôt ou tard. Mais, à l’expérience, il sera de plus en plus difficile de remporter des succès durables dans des luttes locales. Une résistance efficace exige d’être en rapport avec la violence économique et politique déployée par les forces qui, par intérêt de classe, agissent pour ancrer et pérenniser le système capitaliste dans notre pays et au niveau international. Aussi importe-t-il d’analyser, de façon matérialiste, les conditions objectives qui contraignent les forces du capital à être toujours plus violentes vis-à-vis des forces du travail.

Dans notre pays, le capitalisme avance à grands pas. Et alors, ne cessent de répéter les mégaphones des possédants et les réformistes (les travailleurs n’ont pas encore leurs médias) : ce capitalisme ne connaît-il pas une nouvelle jeunesse ? D’autant plus vigoureuse que la défaite du camp socialiste, les défaites successives des classes ouvrières dans les pays capitalistes et des révolutions nationales démocratiques des ex-pays coloniaux ont autorisé une extension géographique du capitalisme.

Il faut d’abord relever que chaque pas du capitalisme en Algérie confirme que ce capitalisme ne pourra être que dépendant et dominé par les capitalismes développés. Ce sont ces derniers qui dictent les décisions majeures en termes de division du travail économique. Par exemple : rien de national et de populaire ne préside à l’orientation du secteur des hydrocarbures ; l’essentiel des forces humaines et matérielles du secteur est tourné vers les exportations pour satisfaire les intérêts et besoins du « marché international » (c’est-à-dire, en priorité, les classes possédantes des pays capitalistes développés).

Surtout, on observe que cette offensive capitaliste, appelée « mondialisation », n’est pas le signe d’un meilleur fonctionnement du système capitaliste. Au contraire, ce système est plutôt plongé dans une sorte d’agonie (à l’échelle historique) :

        Aux Etats-Unis, principal centre de l’impérialisme mondial, la guerre au plan extérieur et l’emprisonnement au plan intérieur, la peur et l’insécurité, le travail en intérim sont devenus des moyens centraux de gestion des peuples des pays dominés économiquement et des masses populaires.

        Dans les pays capitalistes, y compris quand ils sont gouvernés par des forces politiques sociales démocrates, sont menées des politiques de casse des droits sociaux et d’aggravation de l’exploitation des travailleurs : chômage endémique et en augmentation, l’exploitation et la précarisation généralisées. En France, les forces du capital, avec le CNE (Contrat Nouvelle Embauche dans les petites entreprises, pour le moment) et le CPE (Contrat de Première Embauche pour les jeunes de moins de 26 ans) ne visent pas moins l’enterrement du contrat à durée indéterminée.

        Au plan politique et idéologique, tout ce qui peut alimenter une alternative est criminalisée : luttes syndicales de classe et de contestation de la mondialisation capitaliste (notamment dans les pays dominés), mouvements de libération nationale (notamment en Palestine occupée et en Irak), communisme (dans les pays capitalistes développés, cf. la toute récente résolution européenne Göran Lindblad d’interdiction des partis communistes), …

        Au plan économique et financier, les krachs financiers et boursiers se succèdent, la croissance économique recule, les périodes de reprise économique se raccourcissent et les périodes de stagnation économique s’allongent, la famine et la pauvreté sont devenues récurrentes dans les pays dominés.

A chaque chute, le système ne se relève qu’à moitié et pour rechuter de nouveau ! S’accumulent ainsi les preuves de l’incapacité historique du capitalisme à satisfaire les besoins actuels et futurs de l’humanité : son rôle historique (progressiste) semble épuisé. Pour autant, les dirigeants capitalistes (via leurs Etats, les directions des monopoles et leurs principales officines FMI, Banque Mondiale, OMC) ne restent pas immobiles : en position d’alerte quand leurs profits sont en baisse ou en danger, ils ont engagé un vaste mouvement de restructuration des économies et de la division internationale du travail pour relancer le cycle de l’accumulation capitaliste, pour pérenniser l’appropriation privée d’une richesse de plus en plus socialisée :

        pillage et recolonisation des peuples du « Tiers Monde » et des anciens pays socialistes où le capital - au moyen de forces armées, de plans FMI appliqués par des forces politiques locales alliées - y suce le sang ouvrier local et y puise les matières premières à vils prix

        dans les pays capitalistes développés : destruction de forces productives en excès par rapport aux profits escomptés (casse d’usines, renforcement massif de l’armée de réserve des chômeurs), privatisations des profits et socialisation des pertes par la récupération d’activités économiques bâties avec le travail et les contributions des salariés (gros investissements des grandes entreprises nationales réalisés grâce aux recettes de paiement des factures des usagers), mise en concurrence des salariés du « Nord » et du « Sud » par la délocalisation de la production, par le maintien d’un chômage massif et le recours à l’exploitation des travailleurs immigrés obligés de quitter leurs pays mis à sac par les politiques locales d’ajustement des économies nationales au « marché international » (la demande des classes riches des pays dominants), par l’aggravation des conditions de travail et paupérisation des masses populaires.

Pour surmonter la crise, les forces dirigeantes du capital agissent sur ses symptômes en actionnant divers leviers : réajustement des disproportions entre offre et demande (surproduction ou sous-consommation de la masse des salariés, excèdent ou déficit de crédit et de monnaie). Fréquemment, la crise se présente comme une crise financière ou monétaire, alors que la cause essentielle est ailleurs : la propriété privée des moyens de production. Il est facile d’observer que, dans tout ce qui a été essayé pour endiguer la crise, la propriété privée des moyens de production, fondement du système capitaliste, a toujours été soigneusement préservée. Cette propriété privée des moyens de production (acquise au bout d’un long processus), et les contraintes de concurrence féroce entre les capitalistes (mort des plus faibles et renforcement des plus forts), font que le but de la production capitaliste (outre qu’elle permet de satisfaire la consommation de leur classe et des couches moyennes) devient le profit maximal et non la satisfaction des besoins de la masse des humains.

La recherche du profit maximal conduit les capitalistes à augmenter sans cesse la production à vendre tout en réduisant au maximum les coûts de production, et principalement les salaires. Cette double action imprime une tendance historique à la hausse de la productivité de la force de travail : le rapport (Cc/Cv), capital constant au capital variable Cv (force de travail), augmente du fait de la modernisation des techniques de production.

Conséquence : en tendance historique, le taux de profit - rapport de la plus-value Pv au capital total engagé Cc+Cv - évolue à la baisse.

La baisse tendancielle du taux de profit est en elle-même une alarme du système que les luttes ouvrières, quand elles sont de classe et de masse, accentuent. Il reste que, tant que cette baisse n’est pas trop forte pour interdire toute nouvelle accumulation, elle n’implique pas forcément une baisse de la masse des profits : un taux de profit de 5% sur une production de 100 rapporte 5, tandis qu’un taux moindre de 1% sur une production plus importante de 1000 font 10. Précisément, pour contrecarrer la baisse (tendancielle) du taux de profit, les capitalistes tentent d’augmenter la masse des profits, par l’augmentation de la production, c’est-à-dire, en définitive, l’augmentation de l’exploitation de la force de travail (mesurée par le rapport entre plus-value ou travail non payé et capital variable ou travail payé).

Les moyens utilisés par les capitalistes pour augmenter le taux d’exploitation Pv/Cv
        Plus-value absolue : c’est l’accroissement direct de la plus-value Pv par l’allongement de la durée et de la période de travail (sans hausse de salaires), par l’intensification du travail et un élargissement du prolétariat (extension de la salarisation). L’exploitation éhontée des colonies en est une forme. Il en résulte une misère grandissante de la classe ouvrière et des peuples des pays dominés. 

        Plus-value relative : c’est l’augmentation de la productivité des salariés par des évolutions et innovations technologiques, avec baisse relative du pouvoir d’achat des salaires puisque les gains de productivité sont en grande partie accaparés par les capitalistes (il y a eu des périodes de hausse du pouvoir d’achat des salaires, mais avec aggravation de l’exploitation capitaliste, comme durant les « Trente Glorieuses »).

        Plus value extra : elle correspond à une augmentation de la productivité du travail du fait d’une avance technologique chez un groupe capitaliste en particulier, ou dans une branche économique précise. Un avantage temporaire, car, la nouvelle technique finit par se diffuser à l’ensemble des concurrents (non éliminés) 

Ces moyens d’augmentation du taux de profit ont été utilisés à des périodes différentes du développement du capitalisme, en fonction des résistances ouvrières et populaires, ainsi que du développement historique des techniques : d’abord la plus-value absolue aux premières phases du capitalisme concurrentiel (technique encore peu développée) ; puis, la plus-value extra et la plus-value relative dans les phases suivantes, du capitalisme monopoliste (le « machinisme » permet une hausse rapide de la productivité du travail).

Aujourd’hui, à l’époque du stade impérialiste du capitalisme, une caractéristique majeure de la crise est la disproportion phénoménale entre le niveau de développement des forces productives et de la production d’une part, et d’autre part, la réduction des possibilités de vente ou de consommation de masse de cette richesse. Alors même que les besoins (souvent de base) de milliards d’humains ne sont pas satisfaits.

Marx avait déjà fourni une explication dans Le Capital : « la production stagne non pas quand la satisfaction des besoins l’impose, mais là où la production et la réalisation du profit commandent cette stagnation ».       

Il s’ensuit (au bout d’un long processus) un excès gigantesque de capital - sous forme d’argent, de marchandises, de machines, d’usines - alors que les possibilités de valorisation en profit se rétrécissent. Il n’y pas seulement baisse du taux de profit, mais stagnation de la masse des profits. Pour éviter la dévalorisation, cet argent est « contraint de s’engager dans la voie de l’aventure : spéculation, gonflement abusif du crédit, bluff sur les actions, crises » (Marx, Le Capital).

L’acuité et la quasi-permanence de la crise obligent les forces les plus puissantes du capital à relancer la valorisation du capital (en excédent) par des moyens de plus en plus violents dont l’effet est d’accroître la plus-value comme au tout début du capitalisme :

        Dans les pays du capital : destruction des capitaux en excès, et en premier, les capitaux  les plus faibles (à la productivité inférieure à la productivité moyenne), renforcement des positions de monopoles (rachat et fusion d’entreprises entre concurrents), fermeture d’usines, chômage massif, intensification du travail, allongement de la durée du travail, allongement de la période de travail, flexibilité du travail, précarisation accrue du travail

        Dans les pays dominés : vol de matières premières (par recolonisation armée), dumping du commerce international, détérioration des termes de l’échange, mise en esclavage salarial des peuples des pays dominés (via FMI, Banque Mondiale et OMC), imposition de la division capitaliste du travail (produire pour les besoins des classes bourgeoises des pays riches, pour rembourser la dette extérieure et non pour satisfaire les besoins des populations locales)  

L’Etat dans les pays des monopoles devient un acteur de premier plan, notamment au moment de la crise, pour le sauvetage du capital en crise et son redéploiement : accroissement du crédit et de la dette publique (au profit des capitalistes et remboursée par les travailleurs), mise à disposition des forces de répression (police et armée) pour la protection des monopoles et leurs patrons, hyperinflation de la dette extérieure des pays dominés, subventions aux monopoles (sauvetage de capitaux en difficulté, baisse d’impôts des riches, formation et mise à disposition de la main d’œuvre pour la patronat, relais patronal pour la législation du travail, gestion sociale des victimes du capital (indemnisation des chômeurs, …).

Cette violence économique de la classe du capital nécessite une violence armée, policière et politique inouïe. Les compromis de type keynésien entre le capital et le travail (« plus de profits, un peu de pouvoir d’achat des salariés, contre une exploitation plus élevée », comme à l’époque des « Trente Glorieuses » et du Fordisme) deviennent de moins en moins possibles. Le parlementarisme et l’électoralisme bourgeois eux-mêmes sont de moins de moins respectés.

Ainsi se dessine plus clairement l’alternative : prolongation du chaos capitaliste, éventuellement au moyen d’une gestion réformiste par la social-démocratie, ou révolution et libération des forces du travail pour la construction d’un avenir conforme aux aspirations des producteurs de richesses. La riposte adéquate à cette guerre totale nécessite que la classe du travail ait son propre parti. Elle nécessite que les forces nouvelles du mouvement syndical en pleine reconstruction n’éludent pas les dimensions politiques et idéologiques des luttes.   

 

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