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Réseau des Démocrates

Saïd Mekbel «Ce voleur qui…»

 

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le 26.05.13 | 10h00 7 réactions

Samedi 3 décembre 1994. Saïd Mekbel, 54 ans, célèbre billettiste et néanmoins directeur du journal Le Matin, publiait un dernier billet étrangement prémonitoire intitulé «Ce voleur qui…», où la mort guettait le journaliste rasant les murs.

Ce fatidique samedi, Saïd est attablé dans une pizzeria, à deux pas du siège de son journal, dans le quartier de Hussein Dey. Une collègue partage son repas, le dernier. Des toilettes de ce restaurant fréquenté par les journalistes du Matin sort un jeune affublé d’une queue de cheval. Il s’avance vers la table de Saïd Mekbel, dégaine son arme. Il appuie sur la gâchette, l’arme s’enraye, puis deux coups partent à bout portant. Saïd Mekbel, dos au tueur, s’affaisse. Transporté à l’hôpital Aïn Naâdja, il décédera le lendemain.
De son vivant, Saïd Mekbel était déjà l’une des figures les plus emblématiques de la presse algérienne et ne devait cette position qu’à la seule force de son immense talent. Saïd Mekbel se savait visé. Des menaces de mort, il en recevait depuis des années déjà. Il avait même fait l’objet d’un attentat raté. Alors qu’il avait pointé son pistolet pour lui tirer dessus, à bout portant, le terroriste qui le visait a vu son arme s’enrayer. Ce fatidique samedi 3 décembre 1994, la bouche de la mort a craché à deux reprises. Il venait de publier, le matin même, un dernier billet étrangement prémonitoire intitulé «Ce voleur qui…»
Près de deux décennies après sa mort, Saïd Mekbel n’a pas été oublié. A Béjaïa, sa ville natale, une stèle à son effigie verra bientôt le jour. Lancée sur une initiative d’un groupe de journalistes locaux, elle sera érigée sur une place publique pour rappeler autant son combat que son sacrifice.

Ce que peu de gens savent encore de lui est que Saïd Mekbel était l’un des tout premiers ingénieurs algériens. Enfant, il était si précoce qu’on lui a fait sauter des classes. Détecté très tôt par ses enseignants, on conseilla à sa famille de le mettre à l’Ecole des cadets de Koléa. D’extraction modeste, la famille a dû se saigner pour financer ses études. «Notre mère a dû vendre sa chaîne en or», se rappelle Salim, le plus jeune de ses frères, qui nous a reçus chez lui, dans ce paisible quartier non loin du port.
Saïd quitte Béjaïa très tôt pour se consacrer aux études. Quand il revenait en vacances dans sa ville natale, il donnait des cours particuliers aux voisins qui en avaient besoin. Il donnait également un coup de main à son oncle, gérant d’une barque qui assurait le passage entre le port et la jetée. «La traversée coûtait 25 centimes», se rappelle Salim.

A son retour à Alger, il est recruté par Alger Républicain en tant que critique de cinéma. En 1965, il intègre Sonelgaz en tant que contremaître. «C’est notre oncle, un ancien moudjahid, qui lui avait demandé de rentrer pour se mettre au service du pays», précise Salim. En 1978, il obtient son diplôme d’ingénieur en mécanique des fluides.
Toute sa vie, Saïd Mekbel livrera deux combats. L’un politique, l’autre journalistique. Son engagement politique au sein du Parti communiste algérien lui vaudra d’être arrêté et torturé sous Boumediène. Il connaîtra également la clandestinité. En 1965, lorsqu’Alger Républicain est interdit pour la troisième fois de son existence par le régime de Boumediène, Saïd Mekbel s’imposera d’écrire son billet d’humeur quotidiennement sans être publié. Il le fera jusqu’à la résurrection du défunt journal, en 1989. Salim Mekbel garde encore chez lui comme de précieuses reliques deux exemplaires de journaux. Il s’agit du numéro zéro d’Alger Républicain après l’indépendance dédicacé par Saïd, puis du numéro zéro du journal Le Matin.

Son fils Nazim, que nous avons pu joindre, témoigne : «La rédaction d’Alger Républicain se réunissait régulièrement chez nous, à la maison, au lancement du journal. C’est aussi à la maison qu’a été décidé du nom et du logo de ce qui allait devenir Le Matin.»
«Saïd a été façonné par Henri Alleg», dit son ancien collègue au Matin, Hassan Zerrouky, que nous avons rencontré dans les locaux du Soir d’Algérie. Au lancement d’Alger Républicain, Henry lui fourgue un recueil des billets de Robert Escarpit en lui lançant : «Tiens, lis ça et propose nous quelque chose du même tonneau.»

Doué d’une grande finesse d’esprit et d’une sensibilité hors du commun, Saïd Mekbel était un touche-à-tout de génie, qui excellait dans beaucoup de domaines : la photo, le dessin, l’écriture, la cuisine, la menuiserie…
«Il savait parler aux petits comme aux vieux», se rappelle son frère Salim. Saïd était toujours entouré de jeunes journalistes. Dès qu’il percevait un talent, il aidait, conseillait et encourageait. «Il avait une posture de passeur», se souvient Arezki Tahar, ex-directeur du Théâtre régional de Béjaïa, qui l’a bien connu. «Le meilleur hommage qu’on puisse aujourd’hui lui rendre est d’être fidèle à ce journalisme d’idées, à ce journalisme citoyen», dit encore Arezki Tahar, qui nous rapporte cette dernière anecdote.

Djamel Alilat
 
 
Vos réactions 7

vassavoir1   le 26.05.13 | 14h20

pensées

Allah yerhamou si Said le virtuose...

 

samy Foura   le 26.05.13 | 12h47

L'intelligence assassinée

L'entreprise d'éradication de l'intelligence menée par le FIDA et ses commanditaires avait plusieurs objectifs dont le principal est de maintenir l'hégémonie de la pensée unique et empêcher le peuple de regarder ailleurs.Les gardiens du temple étaient affolés de voir leur citadelle vaciller avec le multipartisme et la parabole.N'a-t-on pas vu des députés du parti unique réclamer leur brouillage pour mettre fin à l'invasion culturelle?Les privilèges étaient menacés alors on sort les grands moyens.L'Histoire retiendra que la crème de l'intelligence algérienne a été soit assassinée soit poussée à l'exil par des charognards menacés dans leurs privilèges.

 

dario   le 26.05.13 | 12h17

Repose en paix SAID

Le seul hommage que l'on puisses faire nous les vivants(journalistes et citoyens)est de lutter contre l'oubli et de continuer à dénoncer tous ces "pseudo-prophètes"et de ne jamais baisser les bras,pour tous ces martyrs que ce soit de la révolution pour l'indépendance de l'Algérie contre le colon français ou encore cette lutte pour les libertés individuelles et entre autres la liberté d'expression.Le jour ou on aura une véritable presse,ce jour là on peut dire que ces journalistes ne sont pas mort pour rien,ce jour est celui ou on verra une presse considéré comme étant un quatrième pouvoir.

 

GHEBALOU   le 26.05.13 | 12h17

votre titre

merci pour ce rappel pédagogique pour les citoyens et citoyennes encore lucides...

 

kuriet   le 26.05.13 | 11h50

Reposez en paix, vous êtes dans nos coeu

A travers les mots bien choisis, savamment dosés, on aligne des idées, les idées quant à elles ne sentent rien, ne meurt pas, sont à l’épreuve du temps et des difficultés, à l'épreuve des armes, quelque soit la pente, quelque soit l'orage, l'idée n'est jamais fatiguée, l'idée ne se soumet jamais, l'idée n'abdique jamais, l'idée reste vivante, rebelle, vive et vivace, elle n'as pas de prix, elle n'est pas négociable, elle ne marchande pas, voila de quoi Djaout, Mekbel et tout les autres athen yarham rabi sont nourrit, à travers lequel ils nourrissent les autres, même mort ils sont toujours avec nous, leurs idées sont éternelles, voila ce que leurs bourreaux ont voulu supprimé, hélas pour eux et leur idéologie, ils sont arrivé en retard, ils ont certes tué des hommes mais leurs idées et leurs combats sont vivant, sont encore plus pugnace et plus déterminés, je termine par cette mythique expression de da el mouloud athe yarham rabi, lui aussi victime de cette barbarie humaine, il disait : lvath yella ulachit, wayuth ulachith yella.

 

GoAhead   le 26.05.13 | 10h45

Les crimes du pouvoir

Nous n'oublierons jamais nos chers intellectuels liquides par le regime corrompu et sanguinaire

 

Flee Toxx   le 26.05.13 | 10h30

rabbi yerhmou!

les journalistes et les patriotes sont morts pour pratiquement rien puisque les tangos continuent à narguer aussi bien le pouvoir en place que la "populace" qui semble avoir été prise entre deux feux. en fait, beaucoup d'islamistes jurent par tous les saints que les journalistes ont été tués par la "houkouma" pour discréditer leur mouvement. quand on voit ce qui se passe, en algérie, depuis l'arrivée de boutef (avec sa loi d'amnésie nationale), on est en droit de se poser moult questions sur les assassinats de journalistes, des patriotes, et de tous ceux qui ont en horreur la pourriture qui nous gouverne et la pourriture qui voulait prendre se place.

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