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Réseau des Démocrates

Professeur M’hand Berkouk. Consultant international, enseignant en sciences politiques à l’université d’Alger :


« La conférence de Washington vise à sécuriser le club nucléaire »

« La conférence de Washington vise à sécuriser le club nucléaire »

Le professeur Berkouk, également directeur du centre Echaâb d’études stratégiques, explique la portée réelle de la signature de l’accord Start II entre les Etats-Unis et la Russie, et décrypte les enjeux de la conférence sur la sécurité nucléaire qui s’ouvre aujourd’hui à Washington.



-  Une semaine après avoir signé l’accord Start II avec la Russie, Obama accueille à Washington un sommet sur la sécurité nucléaire. Quels sont les contours, mais surtout la portée de la nouvelle doctrine nucléaire des Etats-Unis ?

La question du nucléaire a toujours été une priorité de la stratégie de la dissuasion américaine. La renégociation de Start est dictée par les développements de la vision militaire et technologique des Etats-Unis, surtout en ce qui concerne le bouclier antimissile et son déploiement stratégique à travers le monde. D’un autre côté, cette vision est définie aussi par les conceptions américaines sur les menaces à venir. La Russie, elle, n’est plus un ennemi avéré de cette hyper puissance mondiale. Les Etats-Unis avaient déjà reconçu leur vision du monde à partir de 1992 sur la nature du monde à l’horizon 2030 et toutes les lectures actuelles confortent les propositions du premier document stratégique américain post-guerre froide. Cela en définissant l’Amérique comme puissance militaire non concurrencée pour le reste du XXIe siècle. Start II et ses limitations quantitatives aux environs de 1500 ogives ne prennent pas en considération les systèmes d’exécution et la précision des frappes. Les Etats-Unis sur le plan technologique devancent la Russie et tous les autres concurrents d’au moins une génération (minimum huit ans).

  Quels sont, selon vous, les enjeux de l’invitation de l’Algérie à participer à ce sommet, sachant qu’elle ne dispose pas d’armes nucléaires et présente la singularité d’entretenir de bonnes relations avec l’Iran ? Comment notre pays est-il perçu par Washington ?

L’Algérie est un pays membre de l’AIEA, si-gnataire du TNP et de l’accord de Tpelindaba sur la dénucléarisation en Afrique. Notre pays, qui dispose de deux réacteurs civils à usage scientifique, a toujours joué un rôle positif quant à la promotion du droit des pays du Sud à disposer de cette technologie, comme souligné dans l’article 4 du TNP. L’invitation de l’Algérie reflète par ailleurs une certaine prise de conscience internationale sur son poids sur l’échiquier sécuritaire en Afrique et dans le monde arabe.

-  La conférence de Washington sur la sécurité nucléaire, qui s’ouvre aujourd’hui, traduit-elle vraiment une volonté d’aller vers un monde dénucléarisé comme le prétend Obama où vise tout simplement à isoler l’Iran ?

Les Etats-Unis n’ont jamais démontré une volonté de céder leur plus-value militaire qui leur garantit leur statut de super puissance. Le discours historique d’Eisenhower en 1957 sur l’atome pour la paix n’a donné qu’un club nucléaire discriminatoire et totalement acquis à la notion de la préservation de l’arme ultime. Malgré les différentes formulations juridiques sur la volonté internationale de dénucléarisation à partir de l’ABM au CTBT de 1996 en passant par le TNP en 1969, les puissances du monde n’ont pas respecté ces engagements et n’ont de tout temps fait que préserver leur statut de club nucléaire. Les différents traités conclus entre les Etats-Unis et l’ex-Union soviétique et la Russie actuelle n’obéissent pas à cette logique de dénucléarisation et sont contraire à la volonté affirmée de la communauté internationale.

-  Quelle crédibilité peut avoir cette initiative d’Obama dès lors qu’un pays comme Israël, disposant des armes nucléaires sans être signataire du TNP, a décidé de se faire représenter par son ministre du Renseignement ?

Cette conférence sur la sécurité nucléaire ne représente nullement une volonté américaine de dénucléarisation. Elle ne représente pas non plus une adhésion opérationnelle à l’article 6 du TNP sur une approche graduelle de dénucléarisation. Elle vise essentiellement à réaliser trois objectifs. Primo, une lutte collective contre le commerce illicite de matériaux nucléaires. Secondo, sécuriser le club nucléaire en créant un consensus international contre les Etats dits à ambition nucléaire. Tertio, établir une nouvelle dynamique qui pourrait créer un nouveau mode de réflexion sur le droit au nucléaire civil au moment où plusieurs Etats nucléaires, dont la France, la Russie et les Etats-Unis, font du marketing avec les Etats du Tiers-Monde.

-  Benjamin Netanyahu craint-il de se retrouver au box des accusés à Washington, flairant peut-être un piège d’Obama ? Ce dernier pourrait-il demander à Israël de mettre son arsenal nucléaire sous la loupe des inspecteurs de l’AIEA ?

Israël a entamé son programme nucléaire au milieu des années 1950 avec la France et soutenu technologiquement par les Etats-Unis en toute clandestinité jusqu’à 1986 lorsque ce programme a été mis à l’index par la presse internationale suite aux révélations fracassantes de Mordechaï Van Ulu. Israël est le seul pays du club nucléaire à avoir développé cette puissance dans le secret mais avec la complicité du monde occidental. Il dispose de plus de 200 têtes nucléaires et a passé d’autres contrats pour la construction d’une nouvelle centrale nucléaire tout en refusant de signer le Traité de non- prolifération nucléaire (TNP).

-  Ne pensez-vous pas que l’attitude d’Israël donne du grain à moudre à des pays comme l’Iran de vouloir développer cette technologie dès lors qu’il y a, objectivement, un déséquilibre des forces en présence au Moyen-Orient ?

L’Iran est une puissance régionale avec des atouts technologiques endogènes et qui essaye de s’affirmer dans un milieu géopolitique et géostratégique composé d’acteurs nucléaires, à savoir le Pakistan, la Russie et Israël. Le programme nucléaire iranien a été entamé à la fin des années 1960 avec les Américains et a continué, en toute transparence, avant qu’il ne soit suspendu en 1979 pour qu’il soit repris clandestinement entre 1986 et 2003. Les Iraniens affirment que c’est un programme civil à des fins économiques et sociales sans qu’il ne soit pour autant totalement ouvert aux inspections internationales. Ce qui suscite des suspicions et un nombre de programmes de sanctions par les Nations unies et les Américains. Les thèses iraniennes sur la nature du programme ont été confirmées en 2007 par un rapport des services de renseignements américains contrairement aux positions officielles des Etats-Unis.



Par Hassan Moali

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