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22 Janvier 2013
Il est de notoriété publique que dans toutes ses phases d’activités : production, transport et consommation, le pétrole constitue une
source majeure de dégradation de l’environnement et de maladie. De ce fait, le peuple de Loango, natif de la région du Kouilou où est exploité le pétrole, subit les affres de cette industrie
extractive, mais hélas des pétro-CFA, il n’en voit nullement la couleur. Il n’y a qu’à aller voir l’état dans lequel se trouve Pointe-Noire, par excellence poumon économique du pays, pour s’en
convaincre. Par René Mavoungou Pambou.
Loin de jouir de la manne pétrolière le peuple de Loango subit plutôt les effets pervers de l’exploitation pétrolière, avec un littoral perpétuellement souillé par une marée noire, l’air est vicié par les gaz nocifs des torchères. Les riverains sont cependant réduits à nettoyer les galettes de goudron potentiellement cancérigènes, en les enfouissant simplement dans le sable sur place-même, avec des moyens de fortune quand ce n’est avec les mains nues. On ne peut que s’indigner de l’indifférence et de l’insouciance des gouvernants face à cette gravissime situation mettant en danger l’environnement et la santé des citoyens.
Il convient de signaler que le peuple de Loango vit de la pêche artisanale qui, de nos jours, s’effectue dans des eaux marines souillées. Et si, d’après le témoignage des pêcheurs locaux
eux-mêmes, ils rentrent de pêche avec des filets couverts d’hydrocarbure, que l’on nettoie avec du pétrole lampant, cela revient à dire que le poisson ainsi capturé dans ces mêmes filets et
consommé par la population est mazouté. On ne saurait cependant oublier le fait que l’activité pétrolière induit une raréfaction et un épuisement des ressources halieutiques, aggravant ainsi la
misère socio-économique et la pauvreté des riverains qui survivent grâce à la pêche. A cela s’ajoute le développement des maladies oncologiques, respiratoires, cutanées, etc... Il ne serait donc
exagéré d’inférer que l’activité pétrolière est susceptible de causer des dégâts environnementaux et sociaux graves et irréversibles. Voilà comment, après avoir exproprié et dépossédé un peuple
de ses richesses, on lui impose la mort à petit feu. C’est une scandaleuse injustice qu’un peuple puisse payer de sa santé et de son environnement pour une richesse dont il ne profite en rien.
C’est le comble du cynisme ! Pouvait-on s’attendre mieux d’un régime foncièrement criminogène et surtout complaisant à l’endroit des pétroliers ? Il n’est un secret pour personne qu’au
Congo-Brazzaville les droits essentiels des citoyens sont allégrement bafoués au quotidien et la vie humaine tenue dans le même mépris que celle des bestiaux.
Notre indignation est grande de constater que le gouvernement n’ait envisagé aucune mesure en vue de protéger une région et sa population confrontées à des marées noires récurrentes.
Existerait-il un arsenal juridique permettant de poursuivre une société pétrolière en cas de méfaits qu’induirait son activité sur l’environnement et sur des êtres humains ? Y’aurait-il une
législation environnementale en vigueur au Congo-Brazzaville ? Quand bien même il en existerait, rien n’est moins sûr qu’elle soit respectée et appliquée dans un pays au demeurant laxiste, et où
la corruption, l’anarchie règnent en maître, en raison d’un Etat déliquescent et digne d’une République bananière. Dans un pays de droit, digne de ce nom, les pouvoirs publics auraient pu
prescrire un « code de conduite » à toutes les entreprises pétrolières. Lequel code devait nécessairement prévoir une batterie de mesures
compensatoires, quel que soit le statut et le degré de responsabilité de l’opérateur; permettant ainsi de rendre applicable et intangible, le principe du « Pollueur/Payeur
».
Il est par ailleurs établie que lorsqu’un litre de pétrole brut est extrait du sous-sol à partir d’une plateforme off-shore, 02 grammes de ce liquide retombent à
l’eau avec des dégâts indéniables sur le milieu aquatique. L’or noir figure donc parmi les principales sources de pollution industrielle et de dégradation des écosystèmes côtier et marin de notre
pays. Le Vénézuélien Juan Pablo Pérez Alfonzo, l'un des fondateurs de l'« Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) », est
le premier à avoir mis en exergue ce paradoxe. Selon lui, le pétrole n'est pas de l'or noir, c'est l'excrément du diable.
L'intuition de Pérez Alfonzo s'est vérifiée dans la réalité. L’or noir qui sous d’autres cieux contribue à l’essor industriel d’un pays et au développement
socio-économique des peuples s’est mué en malédiction avérée au Congo-Brazzaville. En dépit de la manne que la région du Kouilou procure gracieusement au pays, on peut déplorer le manque de
volonté de la part du clan militaro-mafieux au pouvoir de mettre sur pied un projet ambitieux de construction d’infrastructures pouvant rehausser l’image de cette région à la hauteur de ses
richesses. Le pétrole est indéniablement une richesse nationale, mais il n’en demeure pas moins vrai que le peuple de Loango, en sa qualité de propriétaire foncier, méritait légitimement, une
certaine sollicitude ou du moins une mansuétude de la part des pouvoirs publics, plutôt que le mépris de ses droits et de sa vie.
On ne dira jamais assez que le pétrole offre au pays un pouvoir financier énorme et inespéré. Lequel devait permettre la réalisation d’infrastructures et l’aménagement du territoire, ce qui en
conséquence allait conférer à l’homme politique la stature d’homme d’Etat. Mais hélas, le peuple de Loango attend toujours les retombées positives du pétrole, telle la réalisation de
la Boucle du Mayombe, projet des années 80 visant le désenclavement de l’arrière-pays. La construction du barrage de Sounda sur le fleuve Kouilou,
projet des années 50, potentiel fleuron de l’industrie congolaise, est malheureusement relégué aux calendes grecques. L’évidence c’est qu’en
investissant l’argent de son pétrole dans ce barrage, on muerait la région du Kouilou en un pôle technologique et industriel, et ce, avec un atout majeur : la transformation des matières
premières, leur conférant ainsi une valeur ajoutée. De ce fait, le Congo mettra un terme à la vente et l’exportation des matières premières non valorisées. La vocation intrinsèque du barrage de
Sounda serait d’affranchir le pays d’une économie de rente au profit d’une économie industrielle. C’est ainsi qu’il convient d’ajouter un fait non moins important, Sounda permettra une production
d’électricité de l’ordre de 7 milliards de kWh, dans des conditions fort exceptionnelles, capables d’éclairer toute
l’Afrique.
En somme, Il sied de rappeler que le pétrole, en tant qu’énergie fossile, est une ressource stratégique épuisable. C’est pourquoi il importe de « semer le
pétrole » afin de continuer à récolter ses fruits quand il sera épuisé. Pour ce faire, avec la rente pétrolière, les autorités congolaises sont tenues à une ambitieuse politique de
développement et de modernisation tous azimuts sinon multi sectoriel. Bien évidemment, cela permettra au Congo-Brazzaville d’emboîter le pas à nombre de pays s’étant engagés dans cette politique
de diversification ainsi que dans le développement d’une économie pétrolière durable et pérenne.