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Réseau des Démocrates

LES COUPURES D'ÉLECTRICITÉ Une fatalité ou une responsabilité collective

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Chacun se souvient en effet que la Sonelgaz a été pendant des décennies le fleuron de référence  
Chacun se souvient en effet que la Sonelgaz a été pendant des décennies le fleuron de référence

«Un sourire coûte moins cher que l'électricité, mais donne autant de lumière.» Abbé Pierre


Un mal récurrent qui sème la désolation chez le citoyen concerne les coupures de courant de plusieurs heures avec le sentiment d'impuissance quand on ne peut pas protester, ni trouver un interlocuteur à l'autre bout du fil pendant des heures. Cependant les pannes électriques existent, des pannes gigantesques voient des régions entières dans le noir comme cela est arrivé il y a une quinzaine de jours en Inde, la panne ayant duré plus d'une dizaine d'heures et ayant touché 300 millions d'abonnés. La différence résulte dans la récurrence de qui est conjoncturel ailleurs, semble faire partie de la donne actuelle de l'offre Sonelgaz.

Quelles sont les raisons profondes?
On dit que la demande est plus forte que l'offre. Soit. Les causes sont plus profondes. En fait, nous ne voyons que la partie visible de l'iceberg. Le mal est plus profond. Chacun se souvient en effet que la Sonelgaz a été pendant des décennies le fleuron de référence. Cela était dû à plusieurs facteurs, d'abord à la formation des cadres techniciens au personnel technique qui ont continué sur une cinétique de rigueur, il faut bien le dire, héritée de la colonisation. La génération de l'indépendance est à la retraite. La cinétique de croissance exponentielle à la fois de la population demandeuse mais aussi de la quantité d'énergie per capita, n'a pas permis à l'entreprise de répondre en quantité et en qualité à une offre énergétique de qualité. Pendant la saison estivale, la consommation électrique en Algérie augmente très fortement. Cette hausse est principalement due à l'utilisation des climatiseurs, le taux de climatisation est passé de 13,8% en 2008 à 32% en 2010. La plupart des appareils vendus sur le marché à bas prix sont inefficaces et consomment beaucoup. Enfin, le citoyen ne prend pas en compte l'augmentation de la consommation énergétique dans son utilisation du climatiseur. Enfin, l'évolution «lente» du plan d'investissement prévu par la Société de distribution d'électricité et du gaz d'Alger (SDA) est l'une des principales raisons à l'origine des coupures quotidiennes constatées dans la capitale depuis quelques semaines. M.Boussourdi, le P-DG de la SDA, déclare que la Sonelgaz obtient «difficilement» des collectivités locales les autorisations indispensables pour les travaux dans les sous-sol ainsi que les assiettes foncières, notamment dans la région centre d'Alger, elle a besoin d'une quinzaine d'autres pour garantir une distribution sans coupure. Notre réseau actuel est incapable de transporter l'énergie demandée. Il n'arrive pas à supporter le tirage demandé par les abonnés en été, où la chaleur pousse à consommer davantage d'électricité, ce qui nous met devant la nécessité d'accélérer notre plan d'investissement, d'autant que la demande à Alger est passée de 8% à 14% annuellement. (1) De son côté, le P-DG de Sonelgaz plaide pour la révision du plan national d'électricité, induit par le changement du mode de consommation électrique. M.Boutarfa évoque une forte évolution de la consommation électrique de l'ordre de 14% en 2011, contre 4% en 2002. A en croire ce responsable, le recours massif à la climatisation, en ces temps de grandes chaleurs, a porté la consommation à des pics record. Selon lui, pour 500.000 climatiseurs installés, c'est l'équivalent de 1000 MW, soit une fois et demie la consommation d'Alger. Toutefois, dénonce-t-il, «huit climatiseurs sur 10 fonctionnent de manière frauduleuse.(2)
Plombée par une dette qui avait atteint 380 millions de dinars en 2010, l'entreprise continue de fonctionner grâce à l'aide financière que lui accorde l'Etat. L'horizon 2017, l'Algérie aura besoin d'investir 18 milliards d'euros pour doubler ses capacités actuelles de production, de transport et de distribution de l'électricité. Dans une déclaration faite à un média public, le P-DG a estimé que son groupe aura besoin de 3000 milliards (mds) de dinars d'ici à 2020 (40,5 mds de dollars). Si on ajoute à cela une intransigeance de la part du citoyen qui ne comprend pas qu'il n'a pas ce qu'il veut en qualité, en quantité -allant jusqu'au gaspillage - naturellement au moindre prix avec une mentalité d'émeute à fleur de peau, la boucle est bouclée. Quels sont les responsables? Naturellement on dira que c'est Sonelgaz, soit! Il faut cependant citer la difficulté à former des cadres de qualité avec une demande exponentielle et une exigence qui fait que c'est la seule entreprise rescapée avec Sonatrach de l'acharnement contre le tissu industriel d'alors. C'était le manque de rigueur dû en grande partie à la formation des hommes et des femmes issus d'un système éducatif en peau de chagrin On peut sérier d'autres causes, telles l'importation et l'utilisation d'appareils «énergivores», la négligence de l'aspect de l'efficacité énergétique dans la construction des logements, etc. En réalité, la politique énergétique nationale ne correspond pas à la réalité du terrain et le modèle énergétique algérien est à inventer.

Le prix de l'énergie
L' un des arguments-clés est le prix de l'énergie. Nous avons voulu savoir ce qu'il en était. Ailleurs, à titre d'exemple en France, le tarif réglementé est de 12 centimes par kWh (0,12 euro). En Belgique, l'électricité est en moyenne de 0.1786 euro le kWh. L'électricité consommée la nuit est payée deux fois moins cher. En Allemagne, le prix d'un kWh est de 23,3 centimes d'euro. En Espagne il est de13,6 centimes d'euro. Au Royaume-Uni de 11,5 centimes d'euro. Au Sénégal de 17 centimes d'euro et aux Etats-Unis il varie entre 6 et 12 centimes d'euros. S'agissant des pays du Maghreb, en Tunisie tout dépend des saisons, cela va de 75 millimes kWh (8 centimes d'euros) à 186 millimes par kWh (17 centimes d'euros). Au Maroc il est de 11,66 centimes d'euro pour la tranche la plus basse. En Algérie les prix sont entre 2 DA et 3,20 DA/kWh. (soit 2 à 3,2 centimes d'euro)! C'es le moins cher d'Afrique, même les pays moins développés paient le prix réel. Pour le gaz il est cédé à Sonelgaz au dixième du prix international 612 DA par millier de m3, soit environ 0,21 dollar le million de BTU contre un niveau moyen de 2,2 dollars mBTU. Les prix en Algérie sont bloqués depuis la Décision D/06-05/CD du 30 mai 2005). On le voit, en Algérie, l'électricité est vendue 4 à 5 fois moins cher que chez nos voisins. Pour rappel, le mal récurrent était connu et déjà dénoncé il y a dix ans par le président Bouteflika: «Il importe de savoir que le soutien de l'Etat au prix de l'électricité par la subvention indirecte du prix du gaz s'élève, compte tenu du niveau attendu de la consommation d'électricité en 2002, à environ 47 milliards de dinars se répartissant pour une moitié en direction des ménages et pour l'autre moitié en direction du secteur économique. Il va sans dire que cette politique de soutien du prix impose, souligne le président, des devoirs de la part des consommateurs dont la moindre des contreparties est d'éviter tout gaspillage, de s'acquitter dans les délais requis de leurs redevances et de ne pas se livrer à des consommations frauduleuses». On constate en effet des pertes constantes d'électricité dont la plus grande partie est liée au phénomène de la fraude(...) le niveau de ce type de pertes a connu une progression régulière entre 1994 et 1997 pour atteindre 20%». «Les actions engagées pour lutter contre ce phénomène ont certes permis de ramener cet indicateur à un niveau de 14% en 2001, mais le manque à gagner qui en résulte pour l'Etat reste encore préoccupant».(3)

L'eau c'est aussi de l'énergie
«Le problème se pose à peu près dans les mêmes termes, déclare aussi le président: en ce qui concerne le problème de la tarification de l'eau par rapport à son prix de revient le problème est encore aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50% de pertes, en moyenne nationale). Sur la base du prix du gaz de 0,25 dollar le million de BTU, le prix de revient de l'eau atteint 69 DA/m3 environ. Le prix facturé aux consommateurs varie en fonction des volumes consommés entre 16,20 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages industriels, et entre 3,60 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages domestiques, le différentiel payé par l'Etat varie donc entre 34 et 53 DA environ par m3 consommé». (3) On ne peut pas concevoir que l'eau des centrales de dessalement qui revient à 40 Da/m3 environ soit vendue 10 fois moins cher alors que dans le même temps une bouteille d'eau minérale coûte 25 DA soit l'équivalent de 5 m3 pour un pays en stress hydrique.

La réalité
Le consommateur algérien veut sans effort avoir sa part de la rente. Poussé à la faute il est nihiliste, il ne fait plus confiance aux institutions qu'il pense être calibrées pour les plus nantis. Que tout est pourri! Que l'ascenseur social par l'éducation et l'université ne fonctionne plus. Le consommateur mal informé, mal formé ne connaît pas les enjeux du futur, on lui a appris à vivre au quotidien avec une mentalité anti-baylek, tout est bon pour tricher en absence de sanction. Un jeune est capable d'acheter des chaussures Nike à 5000 Da (1000 m3 d'eau! consommation de plusieurs l'année), mais dans le même temps il est sur la barricade pour n'importe quel motif. Il est capable d'enrichir les opérateurs téléphoniques pour bavarder dans le vide ad nauseam comme le lui recommandent les publicités. Une recharge simple de 100 DA pour deux ou trois jours c'est l' équivalent du coût au choix de 50 m3 d'eau (sa consommation moyenne annuelle) ou 50 kWh, sa consommation moyenne. Même drame concernant les carburants, nous avons l'essence la moins chère d'Afrique. Le gaspillage est la règle. Nous finançons une partie du fonctionnement des parcs de véhicules de nos voisins des frontières Est et Ouest. On dit que la wilaya d'El Tarf limitrophe consomme autant d'essence qu'une wilaya dix fois plus peuplée. On nous dit que l'Algérie a importé pour 500 millions de dollars de gasoil, ceci pour répondre à une demande débridée en gasoil. Là encore le gouvernement n'a pas fait ou n'a pas pu faire ce qu'il fallait faire pour réguler la demande. Est-il normal que le gasoil soit bloqué à 12 alors que le sirghaz, dont nous disposons en grande quantité et qui aurait pu et qui peut se substituer à la consommation d'essence et de gasoil, est vendu à un prix équivalent 9 DA qui n'incite pas le consommateur à changer d'habitude de consommation?

Le manque de stratégie
Gouverner c'est prévoir. La plus grande erreur des gouvernants successifs c'est de ne pas dire la vérité au peuple. Le slogan «Tout va bien madame la Marquise» va à merveille aux gouvernants actuels. Les scientifiques ne sont pas consultés. Le gouvernement est dans sa bulle. Il consulte et écoute l'extérieur d'autant que toute réflexion endogène est marginalisée. A titre d'exemple, depuis 20 ans l'Ecole Polytechnique organise une Journée sur l'énergie où tous les problèmes de l'énergie, la problématique du réchauffement climatique, la vulnérabilité de l'Algérie sont exposés. Des cadres et des ministres assistent souvent mais, il n'y a jamais de lendemain, le seul résultat est la formation de jeunes qui, pour la plupart, quittent le pays pour des cieux plus cléments. Au risque de me répéter, il n'y a pas de stratégie énergétique. Vouloir tout mettre sur le dos de Sonelgaz, n'est ni juste ni responsable. La Creg qui est responsable de la politique aurait dû ou doit monter au créneau pour expliquer les vrais problèmes indépendamment du fonctionnement. Certes Sonelgaz doit faire son aggiornamento en terme d'efficacité. Elle doit notamment revoir fondamentalement le réseau de distribution, mais la situation est autrement plus complexe. La demande actuelle est un tonneau des Danaïdes. Un proverbe du terroir nous dit «tfarag el bahar ioualiou souagui», quand on répartit l'eau de la mer, nous n'avons que des ruisseaux» Pour autant, l'Etat est défaillant avec un ministère du Commerce qui ne sert, malheureusement à rien dans sa version actuelle. Pas de barrière pour les appareils énergivores (climatiseurs, fours, frigidaires...) Pas de barrière pour les véhicules qui sont des gouffres en essence supérieur, à 150 de CO2 /km). Les citoyens que nous sommes ont une grande responsabilité car c'est nous qui consommons. C'est nous qui gaspillons. Comment faisaient nos parents «les vrais besogneux» quand il faisait chaud? Ils faisaient avec, ils travaillaient dans les conditions plus difficiles encore. Avec la satisfaction quotidienne du travail bien fait. Il faut prendre son parti! Nous avons notre responsabilité. Les coupures seront fréquentes, nous devons en tant que citoyens nous engager à plus de civisme, notamment en réduisant chacun à notre façon la consommation. Depuis 10 ans, on empile sur les villes des milliers de nouveaux logements énergivores car ne répondant pas aux normes du fait que ce qui a primé c'est le chiffre et non le contenu réel, sans politique réelle d'aménagement du territoire au lieu des dizaines de villes nouvelles. Le moment est venu avant qu'il ne soit trop tard de mettre enfin un modèle énergétique réel. Le bouquet énergétique doit nous permettre de nous projeter dans le futur des 1000 kWh/hab/an actuel- très modeste - quel tissu en termes d'énergie électrique devront - nous placer à l'horizon 2030 avec une population de 45 millions d'habitants et une consommation de 2500 kWh/an (moyenne mondiale actuelle). Quelle est la part du renouvelable? Comment peut-on épargner les énergies fossiles? Comment aller vers l'efficacité énergétique? Cette stratégie qui est l'affaire de tous et pas du ministère de l'Energie doit consacrer graduellement la vérité des prix de l'énergie de l'eau avec naturellement des mécanismes de compensation en fonction des classes sociales. Ce modèle devra être expliqué aux citoyens à travers notamment les médias lourds. Chaque département ministériel ayant la responsabilité de le mettre en oeuvre et d'être jugé sur les résultats. Ce sera notamment le cas de l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle qui tournent à vide n'ayant pas de stratégie à mettre en oeuvre pour former les dizaines de milliers d'ingénieurs et de techniciens d'économistes dont le pays à besoin. Sonelgaz est en fait la seule entreprise qui essaie de s'accrocher à la réalité internationale en «produisant» peut-être mal. Car par ailleurs, nous ne savons plus rien faire vu que tout est importé. A ce titre, si l'énergie électrique était importable en kit, le ministère du Commerce - par la solution de facilité, l'importerait. C'est comme cela qu'il compte régler la fronde des boulangers, des bouchers par l'achat de dizaines de milliers de groupes qui fonctionneront au gasoil, grevant encore plus les achats. «Au lieu de tirer sur des ambulances» faisons notre «mea culpa» et prenons chacun notre part de responsabilité en participant réellement aux économies d'énergie et non pas uniquement en obéissant à un SMS qui représente «le minimum syndical» de ceux qui l'ont émis. En réalité, nous sommes rentrés dans le développement par effraction. Le développement est un processus long, où il faut suer sang et eau. Les gouvernants successifs depuis la mort de Boumediene ont donné l'illusion à l'Algérien qu'il était socialement arrivé tant que le prix du baril était élevé. Méthodiquement, tout ce qui a été réalisé dans l'industrie a été détricoté. L'Algérien de 2012 revendique sa part de la rente, au besoin par l'émeute. C'est tout cela qui doit changer. Seul le parler-vrai, la justice, la nécessité de rendre compte chacun à son niveau pourra permettre aux Algériens de renouer avec la confiance et le devoir.
1. La lenteur des investissements, cause principale des coupures. APS 08.08.12
2. Les arguments du P-DG de Sonelgaz Coupures d'électricité et délestage El Watan 07.08.12
3. http://www.mem-algeria.org/actu/comn/ articles/hamma_pdt.htm APS N°27 mai 2002

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