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Espace conçu pour les Démocrates de tous bords.

Réseau des Démocrates

LA LEÇON (1)

Patrick MIGNARD
 

Pour la nième fois depuis des années, après une lutte dure, une détermination sans faille, nous rentrons vaincus, la tête basse, laissant sur le champ de bataille, à l’appétit vorace des vautours de la finance, une des plus glorieuses conquêtes des générations de salariés qui nous ont précédé : la retraite à 60 ans.

 

Demain nous aurons des comptes à rendre à nos enfants, à nos petits enfants, aux générations futures.

Trompés par des politiciens parasites et démagogues, des organisations syndicales bureaucratisées, obsolètes, à la fois suivistes et liquidatrices, notre défaite est totale. Nos adversaires ne sont pas les seuls responsables,... sachons tirer aussi les leçons de nos incapacités, de notre naïveté et de notre indétermination stratégique.

UNE DÉFAITE CUISANTE

Ne tournons pas autour du pot,... Ne nous donnons pas de fausses illusions,...et ce ne sont pas les trépignements facticement enthousiastes de quelques uns d’entre nous qui veulent vivre encore dans le mythe du « Tous ensembles, tous ensembles,... » qui changera quoique ce soit à la situation. Pas plus que les « îlots de résistance » éparpillés et volontaristes qui changeront quoi que ce soit à la situation. Un fait est incontestable : nous avons été vaincus.

Certes, les organisations syndicales vont essayer d’amortir le choc... elles ont d’ailleurs déjà commencé en proclamant hautement que « rien n’est terminé », « la lutte continue sous d’autres formes » ( ?), et autres truismes ridicules... A les entendre c’est quasiment une victoire ( ?) Il ne faut surtout pas, dans leur esprit et pour leurs intérêts, décourager les salariés pour qu’ils reprennent le boulot et continuent à faire confiance à leurs organisations syndicales... Mais qu’a-t-on réellement obtenu ?. Rien. Pour certains plus d’un mois de grève pour quel résultat ? Néant !

Les politiciens quant à eux nous ont amusé sur d’autres terrains,...

D’abord les manoeuvres parlementaires. On « allait voir ce qu’on allait voir », à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat,... avec la cerise sur le gâteau : le Conseil Constitutionnel.... Du pipi de chat, un vrai désastre !

Ensuite et surtout, ils vont tout miser sur les /élections/. Ce qu’ils attendent, tout le monde le sait, tout le monde le voit,... comme sur les lépreux, les croûtes et pustules,... ce sont les prochaines échéances électorales,... et uniquement cela. Chacun va essayer de tirer à soit les dépouilles fumantes du mouvement social, va essayer de l’intégrer dans son discours, dans sa stratégie... mais le but, ce sont les urnes.

Au delà de ces considérations ridicules et démagogiques, il n’en reste pas moins qu’il faut tirer la leçon d’un tel désastre.

 

LA MISE EN SCENE DE LA CONTESTATION

Lutter contre la contre-réforme libérale des retraites était/est juste,... mais comment a été menée cette lutte ? Comme toutes les luttes sociales depuis cent cinquante ans :... manifestations, grèves.

Le seul problème, et la démonstration est aujourd’hui, une fois encore, explicite, c’est que cette méthode ne marche pas, ou plutôt, ne marche plus.

Pourquoi ?

Parce que nous ne sommes plus dans une situation où :

- un rapport de force déterminant pouvait être établi entre le Capital et le Travail,... le Capital étant obligé de négocier, du fait qu’il n’avait aucune solution de rechange... La mondialisation lui a ouvert des perspectives — le rapport des forces s’est inversé ;

- les syndicats, pouvaient contraindre à la négociation et aux compromis. Instruments de ce nouveau rapport de forces ils sont logiquement devenus obsolètes,... leurs pratiques étant en décalage par rapports aux enjeux ;

Le Capital, ses exigences et ses contraintes, ont aujourd’hui de nouvelles dimensions, son pouvoir s’est mondialisé. Les syndicats eux, sont restés ceux qu’ils étaient... leur champs d’action s’est rétrécit, leur pouvoir de contrainte s’est réduit comme peau de chagrin.

Ce problème stratégique n’est pas spécifique à la seule question des retraites,... tous les conflits sociaux, aujourd’hui, se heurtent à l’obsolescence d’une telle stratégie.

 

Toute la stratégie syndicale est aujourd’hui, essentiellement fondée sur le « spectacle de la résistance ». On peut se demander si tout n’a pas été affaire de « mise en scène ». Il s’agissait en effet de donner l’impression de la radicalité (qui était réelle dans tous les esprits), de la détermination (qui était limitée au spectacle donné), du nombre (invérifiable, manipulable et donc objet de multiples et ridicules interprétations et polémiques entre pouvoir et syndicats).

Les syndicats n’ont en fait plus de stratégie de luttes mais seulement des tactiques de communication et de démonstration.

Prenons un exemple : le blocage des raffineries, moment important et déterminant de la mobilisation. Un des rares lieux, avec les transports, qui, aujourd’hui peuvent entraîner un blocage de l’économie et donc constituer un moyen de pression considérable sur le gouvernement. Ce blocage mené de « main de maître » s’est terminé dans un désastreux fiasco.

Quand on déclare : « Nous bloquons jusqu’à satisfaction des revendications, ... mais nous cèderons devant le recours à la force,... », on envoie explicitement un message à l’adversaire qui lui donne toute latitude pour gagner. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé. La « résistance » a été purement symbolique.

Fallait-il résister physiquement, autrement dit aller jusqu’à l’affrontement ? La réponse est négative pour une raison simple. Dans le rapport de force spécifique à cette situation, le pouvoir était « militairement » vainqueur. Il dispose de troupes de mercenaires surarmées (CRS - Gardes Mobiles) et d’un appareil judiciaire répressif qui lui donne tous les avantages.

 

Alors,... que fallait-il faire ?

2 cas :

- dans ce type de mobilisation où seul le spectacle, la posture, le symbole comptent, pousser le rapport de force à une telle extrémité c’est montrer sa faiblesse, son impuissance, puisque l’on sait que l’on n’ira pas jusqu’au bout ;... mieux vaut ne pas s’engager dans cette voie qui une impasse ;

- dans une situation autre, caractérisée par une mobilisation sociale mettant en place, dans différents domaines, des structures court-circuitant les circuits officiels, alors une telle posture peut être un élément important de mobilisation, voire de re-mobilisation du mouvement, voire encore de démultiplication des initiatives et des actions.

Or, c’est le 1^er cas que nous avons vécu. L’impact politico-psychologique du « coup de force » policier a été pratiquement nul sur le reste du mouvement.Pire, il en a sonné le glas, à la grande satisfaction — inavouée — des syndicats qui ne savaient pas trop comment terminer ce mouvement.

Pour sauver les apparences, les syndicats ont évoqué une « victoire de l’opinion » ? Mais qu’est ce qu’une victoire de l’opinion ? Est-ce le fait d’amener les gens à penser que le « gouvernement est méchant » ? Ce n’est pas très sérieux !

Jouer simplement et seulement sur l’indignation, les pulsions affectives du plus grand nombre, ne fait absolument pas avancer le changement social,...au contraire, la lassitude, l’amertume et le repliement sur soi en sont les fruits amers.

Quant aux politiques, qui eux essayent d’engranger électoralement les restes de ce mouvement,... ils applaudissent — discrètement - des deux mains devant un tel fiasco.

Ainsi, celles et ceux qui veulent un autre monde et dénoncent régulièrement cette « société du spectacle » en son réduit à la reproduire dans leurs actions. L’hystérie compulsive des mobilisations bimensuelles a tourné au folklore et à ... l’impasse. Les organisations syndicales, et politiques, incapables de se dégager de la gangue idéologique, et des pratiques dans lesquelles elles végètent depuis des décennies laissent sans perspectives le mouvement social.

Patrick MIGNARD

URL de cet article 12082
http://www.legrandsoir.info/LA-LECON-1.html
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Ils sont le visage de la contestation des années 2000. Jeudi Noir, Déboulonneurs, Brigade activiste des clowns, Désobéissants, Anonymous... au-delà des formes traditionnelles que sont la grève ou la manifestation, une nouvelle génération de militants est apparue dans l’espace médiatique et agite régulièrement le cours de l’actualité. Chez eux, pas de chef, pas de violence, pas de longs discours théoriques, mais un goût prononcé pour l’humour et les mises en scènes (...) Lire la suite »
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