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Réseau des Démocrates

La démocratie à l'école

J'ai retrouvé cet article écrit et paru à l'époque où M.Benbouzid se promettait d'introduire la démocratie à l'école.

Puisque l'application de la loi 2008 relative au système éducatif est en voie d'application, et qu'un nouveau Ministre de l'Education est à l'oeuvre, je veux bien continuer à croire au miracle. Car, comme chacun le sait tout commence à l'école, y compris le changement démocratique.

 

« Ainsi l’arrêt du processus de développement industriel, le démantèlement de son organisation de recherche, l’arabisation de l’enseignement sans préparation ni planification…décidés par des dirigeants inconscients, à partir de 1979, ont fini par acculer l’Algérie dans un cul-de-sac historique. »

Mahfoud Bennoune

in Education, culture et développement en Algérie. P.58

 

Dernièrement, le Ministre de l’Education nationale a annoncé, contre toute attente, qu’il allait « faire entrer la démocratie à l’école ». La démocratie serait-elle devenue une nouvelle matière que nos maîtres auraient à enseigner à nos enfants à la prochaine rentrée scolaire ?

Toutefois, déjà à ce niveau, surgit comme une énorme interrogation et se profile un colossal paradoxe. Comment des enseignants, chaque fois qu’il leur est venue l’ irrépressible et légitime envie de réclamer leurs droits, en manifestant pacifiquement, par un innocent sit in, devant le siège de l’une des institutions ayant pouvoir sur rue, s’étant fait tabasser, sans vergogne ni retenue, vont-ils pouvoir expliquer à nos enfants la démocratie, les droits de l’homme, du citoyen, de la femme… ou de l’enfant, qui les concerne au premier chef ?

 

Etonnante proposition ou courageuse décision ?

 

Mais, trêve de plaisanterie, examinons de plus prés cette nouvelle et surprenante proposition sortie tout droit, à n’en pas douter, du fameux dossier de la réforme dont tout le monde parle mais qui, comme l’Arlésienne, n’est vu par personne. Un autre processus de démocratie, initié en vase clos, même s’il intéresse tout un peuple, notamment celui des enseignants, des parents d’élèves et surtout des élèves qui n’ont pu piper un traître mot à propos d’une réalité qui les concerne au premier chef.

Mais, comme cela fait partie du secret, de l’opaque et des transparences alambiquées, servies au compte goutte, puisque sécurité d’Etat oblige, taisons nous et attendons patiemment que les révélations nous soient faites. Comme, entre autres, les énormes difficultés qui attendent nos enfants au niveau de l’enseignement moyen à la prochaine rentrée. Difficile situation qui serait due à un télescopage entre l’ancien système et le nouveau, d’une école toujours démocratiquement administrée par le haut ; toute chose déjà connue, puisque nous avons percuté pareille mésaventure lors de l’application du système de l’école fondamentale. Toutefois, l’annonce prématurée de catastrophes à venir est devenue une technique- parapluie habile, une pirouette-dédouanement bien rôdée ; d’autant que la réforme aura alors bon dos pour expliquer et faire excuser les imprévisions et les flops de planification de flux d’élèves ou de cohortes mal orientées, comme le disent si bien statisticiens et autres « orientateurs »scolaires.

 

Faire entrer la démocratie à l’école : c’est quoi ?

 

En un mot, comme en mille, faire entrer la démocratie à l’école, c’est quoi ?

Quel type d’enseignement ou quelles nouvelles pratiques et organisation du système scolaire et/ou de la classe, déjà fortement surchargée, cela va-t-il provoquer ? Quelles conséquences cela va-t-il entraîner sur le système éducatif dans son ensemble?

Quels effets sur la société, qui vit un déficit de démocratie chronique et manifeste depuis si longtemps ? Dans une génération ou deux,  parce que c’est en génération qu’il faudra évaluer les effets prévisibles d’une aussi importante décision, quel sera le visage de la société algérienne?

Quelles conséquences sur la vie politique, où les partis sont voués, si le système poursuit ainsi son inexorable course vers les cimes de l’insignifiance, à la disparition à terme, sauf s’ils ont l’heur d’appartenir à la Sainte Alliance ?

Quelles retombées – nous ne parlons pas en termes de gourdins – sur les syndicats autonomes, dont ceux des enseignants sont les plus remuants, au point de ne savoir rien faire d’autre, comme à Constantine, que d’aller se faire masser crânes et côtes, par leurs anciens élèves, nouvellement recrutés par la police ?

A-t-on pensé aux troubles psychologiques qui frapperaient nos enfants, lorsqu’en sortant de « l’école démocratique », il leur venait à l’esprit d’appliquer ce que l’on vient de leur enseigner et de se retrouver face à une brigade anti manif ?

Ou plus simplement en voyant leurs enseignants interdits de marcher ou de s’asseoir, pour réclamer les droits qui leur sont dus ?

Ou leurs parents, ne pas aller voter au prochain référendum, comme ils l’ont fait aux dernières élections ; et les entendre dire que, « de toutes les façons cela ne servait à rien, puisque tout était combiné à l’avance ».

Belle leçon de contradictoire démocratie, puisque l’école et la société au lieu d’évoluer ensemble, jouent chacune dans son pré carré, en ignorant l’autre, à cause des lois de la République, démocratique et populaire.

 

Bilan démocratique et layadjouzeries avant l’heure

 

Et puisque l’on parle de démocratie à l’école, comme si elle n’y existait pas – ce qui est une réalité – le Ministre voulant l’y faire entrer par la grande porte de la réforme, tentons à notre manière, de faire le bilan de cette nouvelle discipline.

Si j’interroge ma propre expérience d’enseignant et d’administrateur scolaire, au lendemain de l’indépendance, au lycée Amara Rachid, puis au Lycée El Mokrani, des expériences de pédagogie nouvelle y furent tentées ; expériences de démocratie active et participative impliquant l’élève à la vie du microcosme éducatif au sein duquel il se trouvait inséré avec ses parents.

A Amara Rachid, les élèves participaient au sein de plusieurs commissions à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement ; notamment au plan pédagogique, ce qui n’était pas du goût de certains professeurs peu enclins à descendre de leur piédestal. Comme il serait utile d’évoquer « les jeux de l’amitié et de la solidarité » organisés, en fin d’année scolaire, sous forme de mini jeux olympiques, par les élèves eux mêmes, quelques professeurs et administrateurs du Lycée. Ou alors cette soirée « chants et poésie », organisée  conjointement avec le lycée Aicha.

A El Mokrani, outre l’organisation des classes, de multiples clubs fleurirent. Entre autres le club théâtre qui vit se monter, tout au long de l’année scolaire, la pièce « Spartacus » de Roger Badia. Elle chantait révolte et liberté ; elle parlait de tout ce qu’un peuple venait de vivre et d’endurer. D’où sa profonde résonance sur les élèves. Des algériades, avant l’heure,  s’y tinrent sur le grand stade du Lycée, entraînant la réprobation d’enseignants usant, déjà à cette époque - 64.65, de « layadjouzeries » outragées, à cause de la tenue des filles qui n’étaient rien moins que sportives ! Les interdits et diktat à venir, s’annonçaient bien avant l’heure, laissant à peine pressentir ce qu’allait devenir et produire l’école algérienne. Et ce qu’allait endurer toute une société pendant plus de quinze années.

Des expériences similaires devaient être tentées dans d’autres établissements, tous portés que nous étions par le souffle et l’enthousiasme de la révolution.

 

Lorsque les portes de l’Ijtihad se ferment que devient la démocratie ?

 

Nous avons ainsi avancés pendant plus d’une dizaine d’années croyant aux lubies de la construction de « l’homme nouveau ». Puis, progressivement, les ailes de l’enthousiasme fléchissant sous les coups de boutoir du conservatisme, les portes de l’Ijtihad se fermèrent sur une école fondamentale dont la production est connue de tout un peuple. Il ne suffira pas d’évoquer le sobriquet de « fawthamentale » qui lui fut accolé pour démontrer les lacunes, insuffisances et dysfonctionnements d’une école n’ayant pas les moyens humains, didactiques et matériels de ses ambitions ; notamment ses prétentions modernistes, détournées ostensiblement par les cohortes de l’archaïsme pédagogique et de la régression scientifique. Il n’était plus question d’y adopter la démarche expérimentale, de démontrer preuves à l’appui, les hypothèses forgées par l’observation rigoureuse et l’esprit critique, mais essentiellement de croire ! Au cours de cette ténébreuse et chaotique parenthèse où le croire supplanta l’esprit critique et la démarche scientifique expérimentale, il faut bien reconnaître que la démocratie à l’école n’avait nulle place, puisque à la mosquée du quartier, elle était frappée d’anathème et crucifiée comme « kofr » !

Replacée dans cette perspective, il convient d’admettre que la velléité exprimée par le Ministre de l’éducation Nationale, malgré toutes les interrogations, préventions et contradictions qu’elle charrie, vaut son pesant d’or démocratique.

Cette louable et courageuse intention en a surpris plus d’une et d’un ; et tout un chacun voudra la mesurer et l’apprécier à l’aune de l’action réelle sur le terrain.

 

Au siècle du cinquième paradigme… que faire ?

 

Par ailleurs, tout le monde sait que le 21° siècle sera le siècle du cinquième paradigme qui, après ceux des révolutions agro pastorale, copernicienne, cartésienne et industrielle, est en train d’émerger de la conjonction entre sciences de la complexité et théorie du chaos. Le siècle de la science et du savoir partagé, de l’imagination et de la créativité qui seront aux postes de commande d’un monde en perpétuel mouvement et tumultueuses mutations.

Tout le monde sait également, qu’en son temps et à son apogée, la civilisation musulmane s’est imposée au monde, en fondant sa puissance non pas seulement sur la force de ses armées, mais surtout sur le rayonnement des sciences, des arts et d’une foi éclairée.

Et tout le monde sait aussi que son déclin a commencé et s’est irrémédiablement consommé lorsque les portes de la science et de l’Ijtihad ont été fermées par des potentats, soucieux de leur seul pouvoir, soutenus par de serviles fouqahas.

Aujourd’hui, algériennes et les algériens prennent conscience, de plus en plus largement, que le temps de l’or noir est désormais révolu et que, dans deux ou trois décades - le temps d’une génération – il faudra inventer de nouvelles énergies.

Qu’il nous faudra profiter de ce répit pour asseoir les fondements d’un véritable essor scientifique et technologique, et donner au pétrole gris, celui des neurones et des synapses, les meilleures chances de s’exprimer et de se développer, au bénéfice de notre peuple et non de ceux des Amériques et de l’Europe.

Pour cela, et nous le savons tous, l’école algérienne a besoin d’une réforme profonde, démocratiquement débattue, quels qu’en soient les débordements et les risques prévisibles, pour la sortir à jamais des poncifs de la pensée dominée par les constantes nationales et les sempiternelles jérémiades relatives au « ghazw ethaqafi ».

La meilleure façon de se prémunir contre l’agression culturelle - si tant est que cette vieille lune de la pensée conservatrice ait encore des chances de survie face à la mondialisation - n’est-ce pas de nous imposer par nos inventions scientifiques et technologiques, par notre production intellectuelle ? Et donc changer notre regard sur le monde et sur nous-mêmes !

Faute de quoi nous serions appelé à devenir une Entité Chaotique Ingouvernable (ECI) selon l’expression de l’économiste Oswaldo de Rivero.

Est-ce pour cela que tant de vies, hier et aujourd’hui, ont été sacrifiées ?

Alors, sans hésitation aucune, que la démocratie entre réellement à l’Ecole et régénère toute la société !

 

Si Mohamed Baghdadi

05.07.08

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Voir Blog(fermaton.over-blog.com)No.22- THÉORÈME ÉTAT. - La base des mathématiques de l'Esprit.
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