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Jeunes footballeurs exploités 3

Manea n'appartenait ni au club de départ (Vitorul), ni au club d'arrivée (Chelsea)

Arsenal propose un contrat au gardien (60 000 euros la première année, 70 000 la deuxième, 80 000 euros la troisième), une prime à la signature. Mais précise bien que la commission à l’agent sera payée après les 18 ans du jeune homme. Ce que Matthew Kay confirme au cours d’échanges chez Doyen : « Je pense que 20 000 (de commission), c’est bien pour un contrat de mineur. Mais de nos jours, on ne peut pas être payé avant que le joueur ait 18 ans… » Sale époque.

Nous avons interrogé la FIFA sur la validité d’un tel paiement différé : la réponse est floue. Il semblerait cependant que la pratique soit interdite, le joueur étant mineur quand l’agent a eu son activité. Mais la FIFA dit n’avoir jamais eu à intervenir sur ce type de situation.

Au rayon des arnaques, il y a cependant bien pire : de faux transferts générant de vraies commissions. Cristian Manea a 16 ans et dix mois quand il intègre l'équipe nationale roumaine le 31 mai 2014, devenant le plus jeune sélectionné de l'histoire de son pays, à la surprise générale. Car ce protégé de l'ancienne star Gheorghe Hagi, formé à l'académie de son mentor, n'a alors joué que cinq matchs avec l'équipe de Hagi, Vitorul Constanta. Trois semaines plus tard, le 23 juin 2014, Manea est transféré à Apollon Limassol (Chypre) pour 2,5 millions d'euros. Un deal très élevé pour un joueur évalué par le site Transfermarkt à 300 000 euros, et qui reste secret : l'arrière droit continue à jouer à Vitorul comme si de rien n'était.

 

Gheorghe Hagi, surnommé le Maradona des Carpates, du temps de sa splendeur © ReutersGheorghe Hagi, surnommé le Maradona des Carpates, du temps de sa splendeur © Reuters

Un mois avant ce transfert secret, Hagi, en tant que président du club, a signé un mystérieux accord avec une société offshore de Malte, Dilto, inconnue au bataillon du football, pour « évaluer » le joueur. En échange de quoi Dilto reçoit du club roumain 1 million sur les 2,5 millions du transfert. Qui sont les bénéficiaires de cette commission de 40 % ? Cela reste flou, mais l'adresse de Dilto à Malte est la même que celle de la société Lian Sports Limited d'Abdilgafar Ramadani. Cet agent macédonien d'origine albanaise est proche de Pini Zahavi, qui l'appelle « mon gars » dans un mail de février 2014 révélé par les Football Leaks. Ramadani lui servirait d'associé en Europe de l'Est.

 

Le nom de Manea réapparaît le 11 juin 2015, quand l'agence Reuters annonce que l'adolescent alors âgé de 17 ans a signé à Chelsea. Un journaliste italien avait annoncé le deal dès mars, évoquant un transfert à 3,1 millions d'euros. Le transfert paraît acquis et, en guise de consécration, le jeu vidéo Football Manager inclut Manea dans l'équipe londonienne pour la saison 2015/2016. Sauf que le défenseur n'a jamais appartenu à Chelsea et s'est retrouvé à… Mouscron, le club belge contrôlé par Pini Zahavi.

L“'info” de Reuters était doublement fausse : Manea n'appartenait ni au club de départ (Vitorul), ni au club d'arrivée (Chelsea). Il est toujours sous contrat avec Limassol, sans avoir mis les pieds au club ni à Chypre. Et non, il n'est pas « prêté à Mouscron par Chelsea ». Cette fausse rumeur visait à faire monter sa cote et ni le club londonien, ni Mouscron ne l'ont démentie.

 

 

En réponse à notre enquête, Hagi n'a pas commenté cette bizarrerie, relevant simplement que le transfert à Limassol « a été fait vers un club et pas un fond ou une société offshore », ce qui le rendrait légal. Quant à Manea, il n'a pas souhaité nous parler. À 19 ans, le « faux joueur de Chelsea » a perdu ses illusions : au Royal Excel de Mouscron, il n'a joué que sept matchs de Jupiler Pro League en 2015/2016. Un seul cette saison.

Fort heureusement, tous les agents et tous les clubs ne vont pas aussi loin. La plupart se contentent de pratiques interdites devenues banales, comme la rémunération des parents du joueur pour s’attirer leurs bonnes grâces. Les documents Football Leaks font état d’un agent du nord de l’Europe, spécialisé dans le recrutement de jeunes pépites et qui, en partenariat avec Doyen, rémunère 2 000 euros un père, non seulement pour qu’il lui accorde les droits à l’image de son fils, mais pour qu’il vante les bienfaits de ce système auprès d’autres familles.

 

Martin Ødegaard, lors de son arrivée à Madrid © ReutersMartin Ødegaard, lors de son arrivée à Madrid © Reuters

Tous les pères ne se laissent cependant pas prendre au jeu de l’argent facile. Dans le puits sans fond que constitue Football Leaks, nous sommes tombés sur un mail rédigé en décembre 2015 par le Norvégien Erik Ødegaard. Son fils de 16 ans, extrêmement prometteur, vient de signer dans le plus grand club du monde, le Real Madrid. Les avocats espagnols lui ont suggéré de créer, comme les plus grands, une société et un système pour payer moins d’impôts. Eric Ødegaard répond : « Il gagnera de toute façon beaucoup d'argent, c’est donc une question morale. Combien d’efforts il fera pour payer moins d'impôt quand d'autres personnes luttent beaucoup plus pour payer leurs factures ? »

 

Il faut faire énormément de recherches pour tomber sur un message de ce type. Et se dire qu’on tient enfin une belle histoire. Raté : Martin Ødegaard n’a pour l’instant joué qu’un seul match avec l’équipe première du Real. Il se dit qu’il erre sur les terrains comme une âme en peine. Espérons au moins qu’il ne se fait pas trop chambrer par ses coéquipiers au motif qu’il paye des impôts.

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