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«Dans 95% des divorces, la mère a la garde des enfants quelle que soit sa situation matérielle»

Me Djerbal Dalila
Me Djerbal Dalila

le 13.02.16 | 10h00 Réagissez

L’enthousiasme avec lequel a été accueillie l’annonce de la création du fonds de la Nafaqa renseigne sur l’ampleur du phénomène du non-paiement par les pères de la pension alimentaire. Quel est votre avis ?

Effectivement, nous pensions que la justice allait considérer les besoins basiques des enfants, nourriture, habillement, logement, comme une urgence. Une année après, aucune mesure n’est venue préciser les textes votés. C’est une douche froide qui renseigne sur le souci des institutions d’assurer «l’intérêt supérieur de l’enfant», slogan qui est repris allègrement dans les discours.

En fait, lors de la séparation des couples, dans 95% des cas, la mère a la garde des enfants quelle que soit sa situation matérielle. Cette bonne volonté ne suffit pas car les femmes n’ont pas toujours un hébergement ou un revenu autonome. Elles dépendent de leurs parents, d’un frère, de la famille élargie qui n’a pas toujours les capacités ou les moyens d’assurer la survie de leur fille plus celle des enfants. L’affaire en justice peut demander des mois, voire des années avant que la justice tranche pour la pension alimentaire.

Les enfants de familles que nous avons accompagnées dans notre travail de terrain au réseau Wassila, ne sont pas pris en charge par les pères durant de longues périodes, pendant le conflit parental, ensuite jusqu’à ce que l’affaire soit définitivement jugée. Certains divorces ont même pour origine la non-prise en charge matérielle de la famille par le père.

Aller à la justice n’est ni simple ni gratuit. Les mères qui ont un emploi tentent de tenir, les autres sont obligées de se lancer sur le marché du travail ou dans l’informel pour assurer les besoins minimum. Ce matin même, une mère de 5 enfants, mise dehors par son mari plusieurs fois et à chaque fois retournée chez ses parents, est sans moyen.

Le père des enfants n’assure pas les dépenses familiales. Elle a trouvé un travail dans une salle des fêtes. Son mari n’a pas trouvé mieux que d’aller demander au propriétaire de la salle de la mettre dehors. Ce qu’a fait ce dernier, n’ayant aucune envie d’être harcelé par l’individu.

La moitié des affaires traitées en justice par notre avocate concernent la décision de pension alimentaire, le non-paiement de la pension, la demande d’augmentation de pension, la location de logement, etc. Dans certains cas, l’homme disparaît dans la nature ou déclare ne pas travailler, ou bien verse un mois de pension sur trois, etc. comme si l’enfant ne mangeait pas tous les jours, n’avait pas besoin de vêtements, d’affaires scolaires, d’un toit, de médicaments, de soins...

Ce fonds, tel qu’il a été conçu, peut-il constituer une solution pour ces divorcées en détresse ?

Heureusement qu’il y a des pères soucieux du bien-être de leurs enfants et ils les prennent lors de leur droit de visite, alors que certains ne cherchent même plus à avoir de leurs nouvelles. Mais pour ceux qui refusent ou ne peuvent pas assurer leurs obligations parentales, il est clair que le fonds de pension pourrait aider la mère à nourrir les enfants tant que le père récalcitrant n’assume pas ses responsabilités, quitte à prélever sur ses revenus par la force de la loi. S’il est en difficulté, il remboursera les caisses de l’Etat une fois sa situation stabilisée et, vis-à-vis des enfants, il n’aura pas le statut de «père défaillant» nocif pour leur développement.

La mise en place de procédures permettant aux femmes concernées de bénéficier de ce dispositif n’est pas encore complète au niveau local, malgré les assurances du ministère de la Solidarité. Qu’est-ce qui entrave, selon vous, l’aboutissement de ce projet annoncé en grande pompe ?

Malheureusement, les citoyennes et citoyens n’ont pas droit à l’information. Des femmes divorcées vont se renseigner régulièrement sur ce fonds de pension mais sont rabrouées. On ne sait pas combien de familles sont concernées. On sait seulement que 17% des femmes travaillent et ont donc des revenus personnels, qu’il y a 50 000 divorces environ par an et que la plupart sont effectués par la répudiation.


La campagne de dénigrement qui a précédé et suivi le vote de la loi visant les femmes divorcées et les accusant de vouloir vivre aux crochets de l’ex-époux, ou accusant les parents de vouloir divorcer pour bénéficier de ce fonds est totalement absurde. Le divorce est un échec, il est très mal vécu surtout par les femmes qui sont stigmatisées socialement. Il s’agit d’assurer la protection des enfants. Ces accusations fallacieuses permettent surtout de nier le problème et de refuser de trouver des solutions viables pour que ces enfants puissent grandir et se développer dans un environnement digne.

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