Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Espace conçu pour les Démocrates de tous bords.

Réseau des Démocrates

Ces militants qui fuient à l’étranger les pressions du pouvoir

Yacine Ziad et Tarek Mameri
Yacine Ziad et Tarek Mameri

Ils ont mené de nombreux combats ces dernières années : pour la liberté d’expression, pour la vérité pour les disparus des années 1990, contre le chômage, le gaz de schiste ou encore les multinationales pétrolières présentes dans le Sud. Pendant des années, ces militants et blogueurs ont tout connu : les intimidations, les arrestations, les poursuites judiciaires, les condamnations à des peines de prison. Avant les élections présidentielles d’avril 2014, ils avaient mené de nombreuses actions. Mais depuis quelques mois, on ne les entend plus. Que sont-ils devenus ?

Yacine Zaïd est sans doute le plus célèbre des militants de la société civile. Ex-responsable du bureau régional de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) à Laghouat, ce syndicaliste a mené pendant des années un combat déterminé et courageux, aussi bien au niveau local que national.

Yacine Zaïd

Agé de 44 ans, Yacine Zaïd a été arrêté puis condamné à six mois de prison avec sursis et 10.000 DA d’amende en octobre 2012. « Le jour où j’ai été présenté au procureur, les policiers étaient présents. Interrogés sur les raisons de mon interpellation, ils ont dit qu’ils avaient une fiche signalétique de la sécurité militaire avec comme titre : atteinte à la sûreté de l’État », expliquait-il à TSA après sa libération. Dans un entretien accordé à TSAen 2014, il affirmait : « Le 23 mai dernier, j’en étais à ma 50e comparution devant un juge. Toujours pour des affaires de diffamation, incitation à attroupement, atteinte à l’ordre public ».

Mais depuis quelques mois, le militant se fait discret. En fait, Yacine Zaïd n’est plus en Algérie. Il a rejoint la Suisse en janvier dernier. « Yacine Zaïd ne sera pas le seul », lâche l’un de ses proches. « Tout le monde est fatigué. On a beaucoup alerté sur ce qui se passe mais ça ne sert à rien », ajoute-t-il.

Tarek Mammeri

Autre militant qui a « disparu » des radars depuis plusieurs mois : Tarek Mammeri. Ce jeune blogueur s’était rendu célèbre avec des vidéos critiques postées sur Youtube pendant la campagne électorale en 2012. Condamné à huit mois de prison avec sursis et 100 000 dinars d’amende au courant de la même année, Tarek a été interpellé à plusieurs reprises pendant des manifestations notamment celles organisées contre l’exploitation du gaz de schiste en Algérie.

Selon de nombreux militants que nous avons interrogés, lui aussi a largué les amarres. « Il a rejoint la Turquie avant d’aller vers l’Europe de l’est », assure l’un de ses camarades au sein du mouvement des chômeurs. Une version que conteste sa famille. « Il est en Algérie mais il n’est pas joignable. Il n’a plus de téléphone », explique un membre de sa famille, avant de nous promettre une entrevue avec lui. Nous avons attendu, en vain.

Une pression insupportable

Mais Yacine et Tarek ne sont pas les seuls à avoir pris une telle décision. D’autres militants, dont un célèbre leader du mouvement de contestation, nous ont confié qu’ils vont quitter définitivement l’Algérie. Préférant garder l’anonymat pour le moment, ils évoquent des menaces sans en préciser les auteurs. Ils parlent également de pressions insupportables.

« Des dizaines de militants sont poursuivis en justice. Vous ne pouvez pas imaginer la pression qui pèse sur nous », explique l’un d’eux. « Maintenant, le pouvoir ne peut plus acheter la paix sociale. Il a commencé par des campagnes de dénigrement avant de lancer des menaces directes. Tôt ou tard, ça va exploser », ajoute un autre militant.

« Ils ont peur pour leur sécurité »

Syndicaliste et responsable du bureau régional de la LADDH à Oran, Keddour Chouicha est indulgent vis-à-vis de ses jeunes camarades. « Ils ont peur pour leur sécurité morale ou physique », dit-il. Leurs craintes sont-elles justifiées ? M. Chouicha répond en citant des exemples. Celui d’un syndicaliste du Snapap, Mourad Tchikou suspendu depuis neuf ans par son employeur, la Protection civile.

Keddour Chouiba rappelle également le cas de Rachid Aouine condamné à six mois de prison ferme par le tribunal d’El Oued pour incitation à attroupement. Militant des droits des chômeurs, Rachid Aouine a été arrêté en février après avoir publié un commentaire ironique sur Facebook.

Chouicha évoque également l’affaire de Abdelkader Khencha condamné avec d’autres militants à Laghouat à 12 mois de prison dont six mois fermes pour « attroupement » et « pressions visant à influencer les décisions des magistrats ». « La perception de la menace est une perception personnelle », estime notre interlocuteur avant d’ajouter : « Mais les gens n’ont pas compris qu’il y a une nécessité de sacrifice. Que ce n’est pas une promenade mais une lutte ! ».

Hadjer Guenanfa

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article