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Said Bouteflika, le doux refuge des “victimistes” algériens par Abdou Semmar

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Nos plumes

Par Abdou Semmar | mars 24, 2015 1:15

«Nous sommes dans une société de victimisation. Les gens préfèrent se faire passer pour des victimes plutôt que de se battre pour ce qu’ils veulent vraiment». Lorsque Marilyn Manson, le célèbre musicien et chanteur de rock américain, avait prononcé ces mots pour se révolter contre la passivité de ses concitoyens face aux injustices de son époque, il ne savait, peut-être, même pas qu’un pays appelé l’Algérie existait sur cette terre.

Un pays où la société a transformé la victimisation en «victimisme». Une idéologie dominante qui rivalise même avec la religion. Une doctrine très bien structurée qui a formaté les esprits et la pensée des Algériens. Aujourd’hui, être «victimiste» est devenu une seconde nature. Notre société invente régulièrement une mystérieuse fatalité pour justifier sa croyance selon laquelle elle est condamnée éternellement à vivre à genoux. Très peu d’Algériens peuvent concevoir ou imaginer qu’ils sont réellement les premiers responsables de leur destin. Tout est toujours la faute des autres. Tout est toujours la faute du régime, du ministre, du wali, du chef de daïra, du député ou du maire. Lui, l’Algérien lambda, est de toute façon éternellement victime. Il ne se considère jamais responsable de quoi que ce soit. Si une infrastructure publique est sabotée, ce n’est jamais de sa faute. Si un député, élu par ses propres soins, est corrompu, il n’y est pour rien. Si un cousin ou un voisin véreux est élu maire, l’Algérien prétend toujours qu’il n’a jamais voté pour lui.

Et le jour où un président, malade, affaibli et déconnecté de la réalité, est reconduit dans ses fonctions en son nom, l’Algérien crie au complot. Et aujourd’hui, son victimisme maladif le pousse à imaginer que le frère de ce président, à savoir le célèbre Saïd Bouteflika, tente de prendre le pouvoir pour l’oppresser. Et naturellement, dans ce scénario, le pauvre algérien passif et démissionnaire, qui ne bouge même pas le petit doigt pour dire stop à la mafia politico-financière, est présenté comme la victime expiatoire.

A en croire nos «victimistes», Saïd Bouteflika est le Richelieu des temps modernes. Avec sa malice, il serait capable de manipuler tous les cadres et dirigeants de nos institutions militaires et paramilitaires pour hériter de la présidence de son frère. Le petit Saïd Bouteflika est décrit selon certaines chapelles médiatiques et les garçons des cafés populaires, comme un Raspoutine diaboliquement stratège qui réussit à se jouer de tous les agents du DRS. Avec l’argent de son ami Ali Haddad, le milliardaire algérien acquis au régime, il serait prêt à conquérir le pouvoir sans avoir besoin de l’onction de qui que ce soit.

D’abord, il est clair que dans une société victimiste, où tout le monde aime jouer le rôle de la pauvre et pitoyable victime, il n’est pas très compliqué de monopoliser le pouvoir politique, puisqu’aucune contestation populaire n’est possible. Pas besoin de se faire passer pour un Richelieu ou un Raspoutine pour imaginer de fins scénarios dans un pays comme l’Algérie. Les citoyens sont tellement démissionnaires que la ruse est définitivement inutile pour s’emparer du pouvoir.

Lors de la campagne pour le 4e mandat, hormis une petite catégorie de personnes qui a osé investir la rue, les autres Algériens ont mis leur indignation en veille parce qu’ils postulaient pour des logements sociaux, des prêts ANSEJ, des augmentations de salaires, des emplois fictifs, des subventions publiques et des billets d’avion pour la Coupe du Monde au Brésil.

Le «victimiste» préfère donc dire, aujourd’hui, qu’après Abdelaziz Bouteflika, c’est autour de son frère Saïd de faire main-basse sur nos richesses. Des richesses qu’il devra, par la suite, partager avec nous pour que tout le monde puisse jouir de la très précieuse stabilité politique.

Le «victimiste» aime les complots. Sans les complots, il ne peut vivre. Parce que la liberté l’oblige à assumer sa responsabilité, à fournir l’effort d’investir l’espace public pour défier les potentats. Le «victimiste» se réfugie dans le fatalisme qui sous-tend sa faiblesse. C’est Allah qui a choisi ces dirigeants pour nous, comme aiment dire les salafistes pur jus. Au final, l’intox a bien fonctionné. Saïd Bouteflika a bénéficié d’une rare exposition médiatique. Aujourd’hui, on lui a confectionné un habit d’acteur qui pèse dans la succession à son propre frère.

On a réussi ainsi à duper les Algériens. On a réussi à leur faire oublier que Saïd ou Ali Haddad ou d’autres encore, ne sont que des marionnettes. On a réussi à faire croire à nos compatriotes que l’institution militaire est réellement dans les casernes et uniquement dans les casernes. On a réussi à nous faire croire que le DRS ne pèse plus rien. On a réussi à nous berner parcequ’aujourd’hui les Algériens se proclament les victimes de quelques pantins comme Sellal ou Saïd Bouteflika. Et pourtant, à In Salah, c’est le Général-major Ammar Athmania qui a ramené le calme après avoir négocié avec les manifestants. C’est lui qui a pris l’initiative. Ce n’est ni les “hyper-influents” Saïd Bouteflika et Ali Haddad.

C’est aussi l’armée s’accapare d’un budget qui dépasse les 10 milliards de dollars par an. C’est aussi Gaïd Salah et d’autres généraux qui négocient les achats d’armes et d’équipements militaires. Ni Said Bouteflika ni Ali Haddad ne sont au fait des tenants et aboutissants de ces négociations. Personne, d’ailleurs, ne peut demander des compter à nos dirigeants en képi. Au Square Port-Saïd et dans tous les hauts lieux du marché informel des devises, les gros bonnets, qui alimentent leurs fortunes cachées, ne s’appellent pas Saïd Bouteflika ou Ali Haddad. Et ces puissants, personne ne veut les nommer, les interpeller ou les menacer. Vous savez pourquoi ? Parce qu’eux, ils ne connaissent pas la victimisation. Ils ne sont pas des victimistes. Ils savent comment maintenir à flot leur navire, en instrumentalisant nos incommensurables faiblesses. Ces gens-là n’inventent pas de doux refuges pour justifier leur besogne. Ils inventent des stratégies machiavéliques pour exploiter notre naïveté, notre stupidité…

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