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Réseau des Démocrates

En finir avec les faux problèmes !

L'hotel Amilcar de l'UGTT
L'hotel Amilcar de l'UGTT
Le Forum Social Mondial bat son plein dans sa treizième édition de Tunis. L'Algérie y est représentée en force; du jamais vu, puisque nous aurions, d'après la presse, environ 1300 représentants de la société civile officielle, bien nantis en frais de mission et autres hébergement en hôtel de luxe et transport en cars climatisés de l'ONAT. A leur tête le Président du CNES, Mohamed Seghir Babes, excusez du peu!

Remontons un peu dans le temps et faisons un peu d'histoire. En 2003, soit deux années après Porto Alegre, nous étions une trentaine d'altermondialistes en herbe, à croire qu'un autre monde et qu'une autre Algérie, étaient possibles. D'emblée nous fumes confrontés à l'hostilité de l'administration de l'époque, mais aussi aux faux problèmes qui saturaient la vie du mouvement associatif algérien et maghrébin. Voici le texte de la contribution que je commettais pour tenter de clarifier la situation.

En finir avec les faux problèmes !

Au cours de la deuxième réunion du CLOA (Collectif d'organisation et d'animation d’Alger) Alger, une intervention de A. B a remis à l’ordre du jour une série questions tout aussi lancinantes que fondamentales :

qu’est-ce que le FSA ? Qui le compose ? Comment est-il organisé et comment fonctionne-t-il ? Quelle place y tiennent les syndicats, les associations ? etc.

Les syndicats autonomes, puisque pour l’essentiel, c’est d’eux qu’il s’agit, trouvent que le FSA actuel, est plus un « club d’intellectuels » qu’un espace porteur des luttes sociales réelles et qu’on ne l’a jamais vu prendre position, par communiqué, sur une question d’intérêt local ou national.

Ces affirmations, pour gratuites qu’elles soient, illustrent non seulement une méconnaissance du réel, mais en restituent une vision réductrice, en faisant des luttes de toutes nature qui se mènent dans notre pays une sorte de monopole syndical ; comme s’il ne se menait de luttes signifiantes que sur ce seul front. De plus, elles révèlent fondamentalement, pour ce qui nous concerne en tant qu’altermondialistes, une connaissance imparfaite des principales dispositions de la Charte de Porto Alegre, texte de référence par excellence lorsque l’on parle d’Altermondialisme.

Commençons par la première interrogation récurrente :

c’est quoi le FSA ?

A la lumière des dispositions de la Charte de Porto Alegre, texte de référence, commun à tous les altermondialistes, il n’est, rien de plus rien de moins,

qu’ «un espace ouvert de rencontres pour l'approfondissement de la réflexion, le débat démocratique d'idées, la formulation de propositions, le libre échange d'expériences et l'articulation d'actions efficaces, d'entités et de mouvements de la société civile qui s'opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et par n'importe quelle forme d'impérialisme, et qui sont investis dans la construction d'une société planétaire centrée sur l'être humain. »

En quelques lignes, les rédacteurs du texte ont livré :

1 - Le sens de leur action et leur objectif stratégique : « pour une société planétaire centrée sur l’être humain », contre « le néolibéralisme et la domination du monde par le capital et par n’importe quelle forme d’impérialisme ».

2 – Les moyens à utiliser pour y parvenir : la réflexion approfondie, le débat démocratique d’idées, la formulation de propositions, l’échange libre d’expériences et l’articulation d’actions efficaces, d’entités et de mouvement de la société civile.

Les animateurs du FSA naissant, quelle que soit leur appartenance ou leur histoire, ont tenté de mettre en place les mécanismes grâce auxquels toutes celles et tous ceux qui se sentaient concernés par cette lutte contre l’impérialisme, pouvaient participer à la constitution de cet espace : citoyens libres, syndicalistes convaincus, ou adhérents du mouvement associatif.

Pourquoi ?

D’abord, pour analyser et comprendre, ensemble, les situations de crise vécues par notre pays ; ensuite, rendre les luttes de ceux qui les menaient concrètement sur le terrain plus visibles et plus compréhensibles à l’ opinion publique nationale et internationale – qu’il s’agisse de syndicalistes autonomes ou pas, de citoyens en état d’« émeute », de jeunes universitaires et cadres chômeurs, de journalistes harcelés par la justice -.

Et enfin, contribuer à la construction de solutions alternatives pour interpeller les décideurs.

Par ailleurs, ce qui ne semble pas avoir été compris, mais que nous n’avons cessé d’expliquer, c’est que le FSA n’est la propriété de personne.

Il représente le bien commun de tous ceux qui veulent s’y investir et ne peut être considéré comme un lieu de luttes de pouvoir, parce que ce n’est pas une entité, ni une organisation verticalisée par les ambitions et les pulsions de dominance qui ne cessent d’agiter le microcosme socio politique algérien.

Et que, de ce point de vue, ce n’est ni un parti, ni un syndicat, ni même une association.

Nous n’avons cessé de souhaiter que des fora naissent dans toutes les communes de notre pays, dans chaque quartier et chaque immeuble, d’expliquer, que les fora locaux qui naissaient ainsi, n’avaient aucun lien hiérarchique ou organique, pouvaient s’organiser en réseau en vue de la réalisation de projets communs, si telle était leur volonté.

Les cultures et idéologies persistantes

Mais nous n’avions pas mesuré combien forte était la prégnance des forces d’organisations en place, de la culture partisane ou syndicale et même associative, dont le fonctionnement et l’organisation était dominée par hiérarchisation et luttes de pouvoir. Et que, partant des effets de cette culture pyramidale, il serait difficilement concevable que l’espace FSA puisse s’en préserver et échapper à ces logiques d’appropriation, et de querelles de chefaillons.

Nous avons évolué normalement. Partis de la compréhension de ce que nous devions être, puis, faire - laissant ainsi croire, au travers de nos premières conférences débat, que nous étions un laboratoire, un cénacle de têtes d’oeuf – nous nous sommes naturellement acheminés vers une connaissance du réel ne se contentant plus d’approches académiques, mais recherchant le contact direct, sur le terrain, avec des personnes subissant hogra et injustice, et ayant besoin d’une solidarité soucieuse de préserver l’intérêt général sur la multitude des intérêts particuliers.

Altermondialisme = Liaison théorie - pratique

Nous avons ainsi participé à des luttes concrètes pour la liberté d’expression ou la liberté syndicale, et contribué à l’animation de lieux pluriels, forts de la participation de citoyens, croyant aux mêmes valeurs et au même projet de société, sans nous sentir investis d’un droit quelconque. Simplement habités du devoir de contribuer à la diffusion de la culture altermondialiste, parce que croyant qu’un autre monde était possible, si nous parvenions, d’abord, à nous changer nous mêmes.

Mais, dans le même temps, nous nous sommes rendu compte que c’était là une œuvre de longue haleine, réclamant beaucoup de patience et d’humilité.

Qui peut parler au nom de tous ? Personne !

Cependant, puisque la question est posée, interrogeons la Charte de Porto Alegre qui, sur le sujet des prises de position, est on ne peut plus claire :

Le principe 6 préconise :

« Les rencontres du Forum Social Mondial n'ont pas un caractère délibératif en tant que Forum Social Mondial. Personne ne sera donc autorisé à s'exprimer au nom du Forum, dans quelque édition que ce soit, en présentant des positions qui prétendraient être celles de tous les participants. Les participants ne doivent pas être appelés à prendre des décisions, par vote ou acclamation, en tant que rassemblement des participants au Forum, sur des déclarations ou des propositions d'action qui les engagent tous ou la majorité et qui se voudraient être des prises de position du Forum en tant que Forum. »

Alors, pour nous, participer directement, aller à la rencontre des autres et de leurs luttes, représente, à nos yeux, des prises de position plus fortes que les communiqués dont la seule fonction est de donner bonne conscience à leurs rédacteurs.

L’unité de la mouvance démocratique : leurre ou réalité ?

Dans la même perspective, nous avons toujours cru que l’unité de la mouvance démocratique ne pouvait avoir de fondement solide que dans l’action commune, avant d’aboutir aux manifestes et autres déclarations.

Mais tel n’est pas le point de vue de tout le monde, et l’on peut en convenir, sauf, lorsque les dérives verbales touchent à l’honneur des personnes et à l’image de notre pays.

L’exemple de désunion que nous avons offert à Bouznika (janvier 2005)[1], en terre étrangère et aux étrangers, révèle on ne peut mieux, la capacité des uns et des autres, à incarner les valeurs et principes de l’Altermondialisme, pour n’évoquer ni nationalisme ni patrie qui, pour certains, ne sont que chimères ou billevesées.

Des rappels salutaires

Faut-il rappeler que, bien avant Bouznika, et pour éviter les dérives que nous y avons connues, nous avons pris l’initiative d’inviter les responsables du SNAPAP, à unifier nos rangs. Nous n’avons pas voulu interpréter ni qualifier le silence qui nous a été opposé, laissant le soin à la conscience des autres de le faire, car il est des silences qui ne grandissent pas les hommes qui s’y drapent, bien au contraire.

Après l’humiliation de Bouznika - couronnée par une tonitruante déclaration aussi injurieuse qu’infondée - et toujours soucieux de préserver l’unité des rangs, nous avons relancé ce que nous appelé « démarche de rassemblement », ou « rencontre des deux dynamiques », qualificatif dont nous ont affublé nos frères marocains et tunisiens.

Après bien des tergiversations, dont le ridicule n’a, heureusement, tué personne, nous avons réussi à organiser une rencontre le 6 avril 2006 à la Fondation Friedrich Ebert, sur la base de propositions concrètes faites à ceux que nous continuons de considérer comme nos partenaires. Ceux ci devaient nous proposer une date pour une prochaine rencontre. Nous attendons toujours. Comme nous attendons toujours leurs avis et propositions au sujet de tous les textes et autres invitations à participation que nous leur envoyons.

Des conclusions pratiques

Pour nous résumer sur cette question qui démontre l’insignifiance des faux problèmes qui ne cessent de tuer ou d’occulter les vraies questions dont nous devrions nous préoccuper :

1 – La Charte de Porto Alegre est le texte de référence pour tous ceux qui prétendent à l’Altermondialisme. Tout conflit devrait être réglé sur cette base.

2 – Nul ne peut définir pour quiconque de critères d’appartenance à un forum social.

3 – L’adhésion à un forum est un acte libre, sur la base de la reconnaissance des principes de la Charte de PA. Nul ne peut contester cette adhésion sous quelque prétexte que ce soit.

4 - Chacun apporte au Forum les ressources et capacités qui sont les siennes, et nul n’a le droit de qualifier la participation de qui que ce soit sous quelque prétexte que ce soit et faire de cette qualification arbitraire un critère discriminant pour d’autres.

5 – Autrement dit, le forum n’est fort et représentatif que s’il réunit ceux qui réfléchissent, qui recherchent, se battent sur le terrain ; ceux qui mettent en œuvre des projets, produisent des idées, des richesses, des services ou des œuvres d’art. Le reste ne confine qu’à de l’agitation politicienne du pire aloi, qui ne fait que conforter le système en place, et lui offrir toutes les opportunités de redressement.

6 – Nous sommes toujours prêts à rencontrer, sur la base de ces quelques principes, toutes les dynamiques se prévalant de l’idéologie et de la culture altermondialistes.

Questions de base et de sommet

Une autre question d’importance a été évoquée au cours de la même réunion, lorsqu’il fut question d’élargissement de la base du CLOA.

C’est à ce niveau que le langage continue à drainer des concepts qui ne devraient plus avoir cours au sein d’un espace altermondialiste, essentiellement tendu vers le changement : bâtir un autre monde, faire émerger de nouvelles valeurs, non pas de manière superficielle, mais en étant tout simplement à l’écoute de la société et du monde.

Faire émerger d’autres manières de penser, de produire, de créer et de s’organiser, en laissant à chacun l’espace pour se réaliser et se changer.

Élargissement de la base et pouvoir

Parler d’élargir la base c’est d’emblée se situer dans une perspective de pouvoir ; car, à quoi d’autre, l’élargissement de la base peut-il se référer, sinon à un objectif, à une visée que ne peuvent avoir que ceux qui sont au sommet de la pyramide, dans un parti ou une organisation syndicale.

Elargir la base est un objectif du sommet pour asseoir sa crédibilité, légitimer son pouvoir, diffuser plus largement sa culture et son idéologie ; la base étant le socle de nouveaux rapports de force et, partant de nouveaux gains, en matière de pouvoir.

Elargir la base, c’est tout simplement penser à renforcer son pouvoir, ce qui n’a plus rien à voir avec la philosophie altermondialiste aux antipodes d’une culture qui ne pense pas l’homme en tant que sujet, mais bien plus comme objet, victime de manipulations, au service de ceux qui visent ou détiennent le pouvoir.

De ce fait, il convient de parler bien mieux de large diffusion de la culture altermondialiste et de préparer les conditions démocratiques de libre adhésion, à un mouvement qui porte fondamentalement sur le changement des rapports économiques, culturels et sociaux entre les hommes, et exige le changement profond de l’homme par lui même.

En conclusion

Cette contribution n’avait d’autre but que de clarifier certaines de nos positions dans notre rapport aux syndicats.

Nous avons voulu remettre les faits en perspective pour mieux comprendre le réel, sans l’occulter sous les interprétations tendancieuses l’étiquetage expéditif ou l’invective facile.

Loin de nous les stériles polémiques alors que nous avons toujours privilégié communication et dialogue direct ; les luttes de pouvoir ne nous intéresse pas, et donc, ne nous concerne pas.

Notre seule volonté est de contribuer à construire un autre monde, même si certains pensent qu’il s’agit d’un projet utopique.

L’histoire de l’humanité prouve que c’est toujours l’imagination et l’utopie qui ont changé le monde.

SMB 2007

[1] Réunion du Forum Social Maghrébin

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